Soignants suspendus : l'Assemblée nationale vote l'abrogation de la loi sur l'obligation vaccinale

L'Assemblée Nationale le 19 octobre 2022.
Les députés de l'opposition ont majoritairement soutenu jeudi 4 mai la loi visant à abroger la vaccination obligatoire pour les personnels soignants, instaurée lors de la pandémie de Covid-19 en 2021. Le gouvernement avait déjà annoncé la réintégration des personnels suspendus, qui aura lieu le 15 mai. Mais la loi relative à l'obligation vaccinale restait en vigueur et aurait pu être réactivée lors d'une nouvelle crise sanitaire.

La vaccination obligatoire des personnels soignants ne sera plus inscrite dans la loi. Jeudi 4 mai, dans une Assemblée nationale agitée, Jean-Victor Castor, député de la Guyane, a défendu la proposition de loi portant abrogation de l’obligation vaccinale dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d’aide à la personne, déposée par le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) dans le cadre de sa niche parlementaire. Toutes les oppositions se sont coalisées pour voter le texte (157 voix pour, 137 contre).

L'examen de cette proposition de loi demeurait incertain, car une de ses dispositions principales concernait la réintégration des soignants suspendus. Or, le ministre de la Santé François Braun avait déjà annoncé le 1er mai que les personnels suspendus allaient être réintégrés "mi-mai". Il a précisé jeudi dans l'Assemblée que le décret entrera en application le 15 mai. Le 30 mars, la Haute autorité de santé (HAS) avait donné un avis favorable au retour des suspendus dans les établissements de santé. La réintégration des soignants n'était donc en soi plus à réclamer.

Effacer l'obligation vaccinale de la loi

Pourtant, le texte est resté à l'ordre du jour. Car la bataille législative s'est portée sur l'obligation vaccinale, que les députés de gauche voulaient voir purement et simplement effacée de la loi. "Le décret [actant la réintégration des soignants et qui sera publiée d'ici quelques jours] ne fera que suspendre la suspension, laissant la possibilité au gouvernement de réactiver la loi de 2021", a justifié Jean-Victor Castor à la tribune.

Le ministre de la Santé François Braun, opposé à la proposition de loi du groupe GDR, s'est évertué à défendre la politique sanitaire et vaccinale du gouvernement. Pour lui, abroger la loi du 5 août 2021 représente un risque sanitaire pour les crises à venir. "L'article Premier du texte, s'il était adopté, aurait des conséquences dangereuses de nature à gravement affaiblir notre capacité de réponse devant une éventuelle reprise épidémique, un nouveau variant ou d'autres épidémies", a assuré cet ancien médecin lors du débat avec les députés.

[Voter cette loi] nous priverait d'un vecteur législatif efficace et qui a fait ses preuves. Cela nous priverait d'un outil précieux, qui nous permet de réinstaurer, si cela est scientifiquement établi comme nécessaire (...), une obligation vaccinale des professionnels de santé.

François Braun, ministre de la Santé

Mais les avertissements du ministre n'ont pas été entendus par les oppositions, allant de la Nupes au Rassemblement national, en passant par le petit groupe LIOT et Les Républicains. "En préférant la suspension à la suppression, vous renforcez une insécurité sanitaire que les Français ne peuvent se permettre", a défendu Olivier Serva, député guadeloupéen (LIOT), fervent partisan de la réintégration des personnels soignants. "Il sera toujours temps pour le Parlement de procéder au vote d'une nouvelle loi, en cas de crise sanitaire, si besoin", a précisé la députée Les Républicains Josiane Corneloup, en annonçant que son groupe allait également soutenir le texte défendu par Jean-Victor Castor.

L'élu martiniquais Jean-Philippe Nilor, membre du groupe La France insoumise à l'Assemblée, a fustigé "18 mois d'application sans pitié d'une loi attentatoire aux libertés fondamentales, aux droits humains les plus élémentaires, dont le droit du travail".

Défiance vaccinale

Dans les départements d'Outre-mer, et en particulier en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, la loi instaurant l'obligation vaccinale avait concerné de nombreux soignants et personnels d'établissements de santé. Les populations de ces territoires avaient fait preuve d'une large défiance vis-à-vis de la vaccination contre le Covid-19.

Des services d'urgence ferment, des soignants se sauvent (...), notamment dans les territoires dits d'Outre-mer, où, après les scandales de la chlordécone et des taux de sucre poison dans les aliments, les peuples ont eu leurs raisons de ne pas croire dans la parole de l'État.

Jean-Philippe Nilor, député LFI de la Martinique

Lors de l'examen du texte, des élus du Rassemblement national, le parti de Marine Le Pen, fermement opposés à la vaccination obligatoire, ont demandé à ce que le gouvernement fournisse des rapports sur les conséquences financières, sociales et psychologiques des suspensions sur les soignants suspendus. Les élus RN réclamaient une compensation pour les infirmiers et infirmières qui n'ont pas pu travailler et être rémunérés pendant plus d'un an et demi. Mais leurs amendements ont été rejetés par les autres groupes, malgré un avis favorable de Jean-Victor Castor.

Ce n'est pas la première fois que l'Assemblée nationale se saisit de ce sujet épineux, très suivi aux Antilles et en Guyane. En novembre 2022, la députée LFI Caroline Fiat avait présenté un texte similaire, qui n'avait pas eu le temps d'être examiné. Le Rassemblement national avait par la suite voulu récupérer cette proposition de loi pour sa propre niche parlementaire. Mais les Insoumis avaient refusé.

Dans la journée, les parlementaires doivent par ailleurs examiner une autre proposition de loi concernant les territoires d'Outre-mer. Il s'agit de la loi de la députée réunionnaise Émeline K/Bidi sur la promotion des cadres ultramarins sur leur territoire.