Six millions de tonnes. C’est ce que pêche chaque année la flotte européenne, composée de près de 90.000 navires. Un chiffre colossal que les députés Jean-Pierre Pont (LaREM) et Didier Quentin (LR) ont tenu à rappeler en préambule de leur rapport sur "une pêche durable pour l’Union européenne".
27% de stocks surexploités en France
La politique commune de la pêche, initiée en 1983 d’une adaptation de la politique agricole commune au secteur halieutique, avait pour objectif d’assurer durablement l’avenir de la pêche, les emplois, tout en préservant les ressources vivantes aquatiques. Mais entre le texte et les faits, il y a un monde. Les différentes législations n’ont pas permis de stopper la surpêche."Les stocks [de poissons] d’Atlantique nord-est restent surexploités à près de 60%, même si la situation s’est largement améliorée" relève le rapport.
En Méditerranée, la situation est encore plus dramatique avec "90% des stocks surexploités".
En France, 27% des volumes pêchés sont issus de stocks surpêchés, selon les derniers chiffres de l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer). Un stock correctement exploité l’est tant que la pression de la pêche à laquelle il est soumis ne dépasse pas celle permettant d’obtenir le rendement maximal durable, tout en limitant le risque d’altérer ses capacités reproductrices. 48% des volumes pêchés en France sont issus de stocks exploités durablement, la différence entre ces deux pourcentages correspond aux espèces non classifiées ou non évaluées.
Reste que la situation de certaines espèces demeure préoccupante. Celle du cabillaud et du bar, notamment. À l’échelle du globe, au cours des 40 dernières années, les populations d’espèces marines ont enregistré un déclin de 39%, plus de 60% des ressources halieutiques sont pleinement exploitées, près de 30% le sont trop. Les voyants sont au vert pour seulement 10% de stocks de poissons.
Urgence à agir
Les mises en garde sur les conséquences désastreuses de la surpêche se multiplient depuis plusieurs années. À l'occasion de la journée mondiale des requins, le 14 juillet dernier, le Fonds mondial pour la nature (WWF) a publié un rapport dans lequel on apprend que de nombreuses espèces de requins et de raies de la mer Méditerranée sont menacées, décimées notamment par la surpêche (à quoi s'ajoutent la pêche illégale et la pollution plastique). Parmi les 73 espèces vivant dans ces eaux, plus de la moitié sont menacées, certaines étant même classées "en danger critique d'extinction".
La population des grands requins blancs a diminué de 75 % dans le nord-ouest de l'Atlantique, celle de la morue de 99,9 % dans l’Atlantique Nord, et le saumon a quasiment disparu de l’océan Atlantique. Une situation sur laquelle les dirigeants doivent se résoudre à agir. En 2012 déjà, le WWF prévoyait que si l'on continuait à ce rythme, la surpêche viderait mers et océans à l'horizon 2048.Totaux admissibles de capture
Pour mettre fin à cette situation, les députés ont soumis 27 propositions. S’il existe déjà des quotas de pêche ["totaux admissibles de capture", TAC] en Atlantique et en mer du Nord pour chaque type de poissons (basés sur l'avis de scientifiques et ensuite répartis par pays membre et destinés à préserver la ressource en poissons), les auteurs du rapport proposent de les programmer sur plusieurs années. Surtout, le rapport suggère d'obliger la Commission et le Conseil européens à justifier chaque cas où ces TAC ne respectent pas les avis scientifiques.En 2018, "41% des totaux admissibles de capture, adoptés par le Conseil en 2018, étaient supérieurs aux avis scientifiques", relève le rapport.
Écolabel public européen
Dans le cas de la Méditerranée, les députés préconisent "un plan européen d'urgence" afin d'augmenter la recherche sur les réserves halieutiques, mais aussi d'"introduire des quotas sur toutes les espèces soumises à une pression de pêche et de mettre en place une gestion véritablement régionale".Un moratoire de deux ans a été réclamé sur l’obligation de débarquement (l’interdiction de rejeter en mer des prises non désirées, NDLR), jugée inappliquée par les pêcheurs. La création d’un "écolabel public européen de pêche durable" et la "prise en compte de la pêche de loisir", concurrente de la pêche professionnel, font également partie des grandes lignes du rapport.