Sept jours d'audience, pour seize prévenus. Ce lundi débute au tribunal correctionnel du Mans un procès de grande ampleur pour trafic de drogue entre la Guyane et l'Hexagone. Jusqu'au mardi 28 novembre, les prévenus, originaires de Guyane et du Suriname, seront jugés pour différents chefs d'accusation tels que transport, détention, offre, acquisition et importation non autorisée de stupéfiants, ainsi que pour le délit de "participation à une association de malfaiteurs". Le tribunal correctionnel du Mans a mis en place un dispositif particulier avec la présence de plusieurs interprètes. Pour cause, les nombreuses langues parlées par les différents prévenus : anglais, néerlandais et le taki-taki, terme qui englobe diverses langues parlées dans l'ouest de la Guyane.
Ce procès, exceptionnel par sa durée et son nombre de prévenus, fait suite à une opération d'envergure menée entre 2021 et 2022 pour démanteler un réseau de trafic de cocaïne entre la Guyane et le quartier des Sablons, au Mans. Une section de recherches de la gendarmerie d'Angers a spécialement été créée pour cette enquête, surnommée "Taki 72", en référence au "taki-taki" et au département de la Sarthe, 72. Pendant des mois, 130 gendarmes ont été mobilisés afin d'identifier la recruteuse des "mules", ces personnes qui ingéraient des ovules de cocaïne pour les transporter.
Après plusieurs coups de filet, notamment en mars et mai 2022, qui ont mené à l'interpellation d'une vingtaine de personnes, deux "clans familiaux" ont pu être identifiés. Selon Ouest-France, une habitante du Mans et d'origine guyanaise, serait à la tête du "clan des mules". Âgée de 40 ans, cette femme aurait intégré à ce réseau plusieurs membres de sa famille, chargés de transporter les ovules de cocaïne, avant de les évacuer dans un hôtel parisien où ils étaient récupérés par le "clan des revendeurs".
Un ancien élu guyanais impliqué
Ferdinand Boisrond, l'ancien élu à la jeunesse de Saint-Laurent de Maroni, en Guyane, tiendrait une place significative dans ce réseau. En détention provisoire depuis son arrestation en mars 2022, à sa descente de l'avion à Orly, l'ancien adjoint au maire a avoué avoir transporté à plusieurs reprises de la cocaïne "in corpore". "Mon but, c'était de le faire une ou deux fois pour acheter un camion... Pour pouvoir bénéficier des aides, il faut un apport personnel", a-t-il expliqué en octobre 2022 devant la chambre d'instruction de la cour d'appel d'Angers. Selon l'avocat général, l'ancien élu n'a pas seulement fait office de mule dans ce réseau : "Il est certain qu’il tient un rôle majeur. Son implication exacte reste à déterminer." Malgré sa demande de remise en liberté, Ferdinand Boisrond a été maintenu en détention provisoire jusqu'au procès.
Dans ce dossier, ce sont au total vingt personnes qui sont poursuivies devant le tribunal correctionnel. Seize individus seront jugés à partir de ce lundi au Mans, dont une personne qui "fait l'objet d'un mandat d'arrêt et n'a pas encore été localisée", précise la procureure de la République. Il s'agirait d'un des fournisseurs de ce trafic de cocaïne, un homme originaire du Suriname et toujours introuvable. Les prévenus, âgés de 19 à 54 ans, encourent jusqu’à 10 ans de prison. Le double pour ceux qui se trouvent en "récidive légale".