On se souvient de l'élan de générosité envers les Mahorais, meurtris par le passage du cyclone Chido. Parmi les organismes qui ont concentré le plus de dons, la Fondation de France, avec 42,7 millions d'euros collectés.
Spécialisé dans la gestion de crise après des catastrophes naturelles, l'organisme n'utilise pas directement l'argent mais le flèche vers des ONG, associations et autorités locales qui mènent des actions sur le terrain.
Des fonds déjà épuisés pour l'alimentaire et l'eau
Pour Mayotte, ce sont 7,2 millions d'euros qui ont déjà été engagés pour soutenir 77 projets, révèle Karine Meaux, la responsable du pôle urgences de la Fondation.
Une partie des actions est destinée à répondre aux besoins de première nécessité, comme l'indique l'organisme dans un compte-rendu destiné aux donateurs. Par exemple, l'organisme a financé l’association LEPAM (Luttons Ensemble pour un Avenir Meilleur à Mayotte) pour qu'elle distribue de l’eau, de la nourriture, des vêtements et produits d’hygiène dans les quartiers de La Vigie et Labattoir à Petite-Terre, ainsi qu’à domicile pour les personnes isolées ne pouvant pas se déplacer.
"Ce qui est très marquant [sur l'après-Chido], c'est la place des demandes qui sont faites sur les questions alimentaires et d'accès à l'eau, note Karine Meaux auprès d'Outre-mer la 1ere. Et on commence déjà à avoir des associations qu'on avait commencé à aider dès le mois de décembre, qui reviennent pour une deuxième demande parce qu'elles ont déjà épuisé leurs fonds dans de la distribution alimentaire et de l'accès à l'eau."
Du matériel médical aux diabétiques
Le deuxième secteur où "les choses ont bien avancé" d'après elle, "c'est le secteur sanitaire" : "On a reçu beaucoup de projets sur 'l'aller vers', c'est-à-dire des organisations qui vont à la rencontre des personnes qui ont des problèmes de santé ou de santé mentale pour prendre soin d'elles, puisque se déplacer jusqu'à l'hôpital n'est pas toujours aisé pour l'ensemble de la population mahoraise."
Un exemple de cet 'aller vers' soutenu par la Fondation : l’association Machaka Media Ana, à Longoni, organise le transport des patients ne pouvant se rendre à l’hôpital ou en pharmacie. Elle livre également des repas et de l’eau dans les zones les plus isolées, et fournit du matériel médical aux personnes diabétiques.
Quant au risque de propagation du chikungunya – deux cas importés de La Réunion ont été déjà recensés sur l'archipel -, la Fondation de France n'a pas reçu de demande particulière mais reste vigilante : "On est en lien avec les principales associations sanitaires à Mayotte et avec l'ARS qui surveille cette situation et qui n'hésitera pas à nous interpeller s'il y avait besoin d'un financement rapide pour prendre des mesures afin de prévenir cette épidémie."
Sécurisation de l'habitat
L'autre axe de travail concerne la mise à l'abri des populations et la sécurisation de l’habitat. Une problématique cruciale alors qu'un enfant de 5 ans est décédé, électrocuté par des raccordements illégaux, et qu'un homme est dans le coma à cause d'installations électriques défectueuses.
Face à ce danger, Karine Meaux souligne que la Fondation de France collabore "déjà avec une association qui s'appelle Actes & cités, qui travaillait dans ces bidonvilles avant le cyclone". Leur mission est de "sécuriser les terrains pour qu'en cas de glissement de terrain, les cabanes ne s'écroulent pas sur les habitants", et la mise aux normes des installations électriques fait aussi partie des actions menées "pour s'assurer que les personnes vivent en sécurité". "Il y a d'autres projets en réflexion sur le même sujet, sur d'autres territoires", ajoute-t-elle.
D'autres actions sont destinées à l'accompagnement des enfants et de leur entourage, ou encore à la relance de l'agriculture. La Fondation a été "interpellée très fortement par la chambre d'agriculture de Mayotte, le ministère de l'Agriculture et la DAAF (Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt de la préfecture) sur la nécessité de déjà permettre à ceux qui avaient la main d'œuvre et des parcelles de redémarrer très vite pour des questions tout simplement de sécurité alimentaire", explique Karine Meaux. "Donc c'est cela qu'on a ciblé en priorité", poursuit-elle.
L'ampleur de la tâche
Mais alors que certains agriculteurs ne peuvent toujours pas rejoindre leurs parcelles trois mois après, elle reconnaît que la "question foncière va être majeure pour la suite, pour la sécurité alimentaire à plus long terme". Elle rappelle cependant que c'est l'État qui va avoir la main : "On attend vraiment la mise en place de l'établissement public pour la refondation de Mayotte pour aborder ces questions qui sont vraiment complexes, qui relèvent de la puissance publique."
Réagir rapidement et en même temps savoir attendre pour bien mener la reconstruction, c'est toute la difficulté à Mayotte, selon Karine Meaux. Car d'un côté "on a envie d'aller vite, parce que les problèmes sont réels, ils sont sérieux et affectent vraiment quotidiennement la vie des populations" ; mais d'un autre côté, "l'ampleur de la tâche est tellement grande qu'on ne peut pas se précipiter, il faut vraiment qu'on réfléchisse à ce qui est prioritaire et comment faire pour que ce qui sera reconstruit, retapé, réhabilité tienne si un nouveau cyclone de l'ampleur de Chido arrive sur Mayotte".
Heureusement, la Fondation de France peut compter sur une société civile et des services publics "extrêmement dynamiques" qui veulent aider leurs concitoyens pour rebâtir leur archipel.