Aurait-on pu éviter la catastrophe ? La SNCF a-t-elle été trop négligente ? Après deux mois d'audience, le tribunal de grande instance d'Évry (Essonne) va devoir trancher. Jeudi 16 et vendredi 17 juin, l'avocat de la défense a déroulé ses arguments pour dédouaner la SNCF de toute responsabilité pénale dans le déraillement du train Paris-Limoges qui a fait sept morts et des dizaines de blessés à Brétigny-sur-Orge le 12 juillet 2013.
Tel Émile Zola dans La Bête humaine, Maître Emmanuel Marsigny tente la figure de style pour défendre l'entreprise publique, "cette vieille dame" qui fêtera ses 85 ans en août et qui fut la fierté industrielle de la France. Aujourd'hui, elle est pointée du doigt. "Oui, mesdames, messieurs, vous êtes les victimes d'un accident", s'enquit le conseil de la SNCF, dirigeant son regard vers les victimes et leurs familles. Mais cet accident, plaide-t-il, ne relève pas d'une faute pénale de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF). La responsabilité, elle est morale, répète-t-il, pas pénale.
L'hypothèse d'un défaut métallurgique
Mercredi, le procureur de la République a requis la peine maximale (450 000 euros d'amende) contre la SNCF. La relaxe a été demandée pour les deux autres prévenus - Réseau ferré de France et l'ancien cheminot chargé de la maintenance du site.
Au cœur de cette histoire, il y a cette éclisse, à l'origine de l'accident. Pour les familles des victimes et les blessés, la maintenance de cette petite pièce métallique, servant d'agrafes entre deux rails, a été négligée par la SNCF, causant le déraillement du train. Pour la défense, la temporalité du désassemblage de la pièce est remise en question. L'éclisse présentait une fissure indétectable par les agents de maintenance. La SNCF n'a rien pu faire.
La question se pose de savoir si cet accident aurait pu être évité. Pendant l'enquête, aucune démonstration n'a été apportée [prouvant] que ce qui devait être fait n'avait pas été fait. Les débats ont démontré que cette hypothèse d'un défaut métallurgique restait possible.
Me Emmanuel Marsigny, avocat de la SNCF
Jugement le 26 octobre
Absente le dernier jour du procès, la famille du Guadeloupéen Brandon Bondot, plus jeune victime de la catastrophe, n'attend qu'une chose de cet épisode judiciaire long et déchirant : que la SNCF soit condamnée. "Comment voulez-vous expliquer à une famille, à une mère, à un père, à un grand-père, à une grand-mère, à des frères, à des sœurs, qu'un train a déraillé, que Brandon Bondot a été fauché, et que ça serait juste la faute à pas de chance ?", déballe l'avocat de la famille, Maître Bertrand Burman. "Pour que justice soit rendue, il faut qu'il y ait une déclaration de culpabilité de la SNCF."
[Ce procès a démontré qu'] il y avait des éléments précis et circonstanciés sur la responsabilité pénale de la SNCF sur les homicides et blessures involontaires qui lui sont reprochés, à savoir : ses défauts d'entretien, ses défauts d'effectifs, ses manques d'informations...
Me Bertrand Burman, avocat de la famille Bondot
Après trois heures de plaidoirie, Me Marsigny conclut, implorant, une fois de plus, la relaxe de la SNCF dans ce qu'il appelle un "accident imprévisible" qui a bouleversé des dizaines de familles. Les juges doivent désormais délibérer. La décision sera rendue le 26 octobre prochain.