Chlordécone : la filière banane devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale

Des représentants de la filière banane aux Antilles auditionnée la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le chlordécone, à Paris le 25 septembre 2019.
La commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le chlordécone a poursuivi ses auditions sur l’impact économique, sanitaire et environnemental du pesticide aux Antilles. Ce mercredi, c'est au tour de la filière banane d'être auditionnée. Résumé.
Après plusieurs jours d'audition en Guadeloupe et en Martinique, nouvelle série de questions à Paris pour la commission d'enquête sur l'impact de l'utilisation du chlordécone aux Antilles. Autour de la recherche, de la production ou encore de la commercialisation, les membres de la commission cherchent à comprendre ce qui a mené à l'un des plus importants scandales sanitaires français. 
 

Responsabilité de l'État

Parmi les personnes auditionnées, Éric Godard, ancien délégué interministériel chlordécone en Martinique de 2006 à 2013. Il était l'un des premiers à alerter sur le chlordécone et avait déploré, dans un courrier qui avait fuité, le manque de "transparence" et de "réponses concrètes" sur le chlordécone.

Ce jeudi devant la commission, son discours n'a pas changé. "J'ai trouvé étonnant que personne ne s'inquiète des conséquences alors qu'il y avait déjà des signes", a-t-il déclaré. Interrogé par le président de la commission Serge Letchimy sur la responsabilité de l'État, Éric Godard est clair : "À mon sens, l'État a commis des imprudences, si ce n'est des fautes. [...] Même avant 1993, il y avait des produits de remplacement. L'emploi de cette molécule n'a pas été mesuré, alors que son usage était interdit aux États-Unis."
 

  

Dépollution des sols 

Aujourd'hui, malgré l'interdiction en 1993, au moins un quart des terres de Guadeloupe et de Martinique sont polluées par le chlordécone et entre 96 et 98% de la population est contaminée. Pour Serge Letchimy, la dépollution des sols est une "préoccupation majeure", car "c'est par là que toutes les pollutions arrivent", à savoir celles de l'eau, des fruits et légumes ou encore des êtres vivants. 

L'Union des Groupements de Producteurs de Bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN), qui se dit engagée dans une démarche de "préservation" de l'environnement et de "la faune et la flore locales" a ainsi lancé deux plans "banane durable". Devant la commission, Sébastien Zanoletti, directeur recherche et innovation, note ainsi une "baisse de 54% de l'usage des pesticides entre 2006 et 2018", remplacés par des systèmes de jachère, de couverture végétale ou encore de pièges à base de phéromones. 

Mais l'UGPBAN pourrait-elle aussi prendre en charge financièrement la dépollution des sols ? À cette question posée par le député de Martinique, Pierre Monteux, directeur général de l'UGPBAN, rappelle que les producteurs, à la différence de l'État, n'avaient pas "la connaissance de la rémanence" du pesticide dans les sols. "L'État est en première ligne pour ce qui est de la réparation".
 
 

"Désordre de la recherche"

Le volet de la recherche a également été abordé à travers l'audition de Frédéric Monot, responsable du département scientifique à l'Agence Nationale de la Recherche. Depuis 2005, l'ANR a financé à hauteur de 5,7 millions d'euros treize projets autour de l'environnement et de la santé humaine. Mais pour le député Serge Lecthimy, qui regrette l'absence fonds dédié à l'ANR pour traiter "ce drame-là", il y a "un désordre de la recherche, un manque de cohérence". 

Regarder le reportage de la rédaction d'Outre-mer 1ère
Audition des acteurs de la banane dans le dossier Chlordécone. ©la1ere


La commission va continuer les auditions et entendra l'État dans la semaine du 14 octobre. Elle rendra ses conclusions le 4 décembre prochain.