Chlordécone : une nouvelle étude confirme les risques de récidives du cancer de la prostate

En plus d'être un facteur probable de survenue des cancers de la prostate, le chlordécone aggraverait également le risque de récidive. C'est ce que montre une nouvelle étude après des analyses réalisées sur des hommes soignés en Guadeloupe et exposés au pesticide.
Une nouvelle étude parue le 21 mars vient relancer le débat sur le potentiel cancérigène du chlordécone. Publiée dans la revue médicale International Journal of Cancer, elle confirme le lien entre récidive des cancers de la prostate et exposition au chlordécone, ce pesticide utilisé à grande échelle entre 1973 et 1993 dans la culture de la banane aux Antilles et soupçonné d'être lié à des cas de cancers. 
   

Deux fois plus de récidives

Selon les professeurs Luc Multigner et Pascal Blanchet, chercheurs à l'INSERM à l'origine de cette nouvelle étude, l'exposition au chlordécone n'augmenterait pas seulement le risque de développer un cancer de la prostate, mais pourrait aussi "influencer le devenir d'une maladie déjà installée". Pour arriver à ces conclusions, ils ont suivi 326 hommes traités au CHU de Guadeloupe pour des tumeurs cancéreuses au niveau de la prostate et traités par prostatectomie. Leur sang, prélevé avant l'intervention chirurgicale, a été analysé pour estimer la concentration en chlordécone. 
 

Au terme d'un suivi médian de 6,1 années, un risque significativement augmenté de récidive de la prostate a été observé parmi les hommes les plus exposés au chlordécone.


Le chlordécone, comme certains pesticides, "peut imiter les hormones humaines et favoriser la progression des cancers". Les auteurs ont également étudié l'impact de deux autres molécules, le DDE et le PCB-153, mais aucun effet sur les récidives n'a pu être démontré. En revanche, pour le chlordécone, le risque de retour de tumeurs prostatiques est "deux fois plus élevé". 
 

Polémique

En 2010, les professeurs Luc Multigner et Pascal Blanchet avaient déjà présenté dans le Journal of Clinical Oncology, une étude établissant le lien entre chlordécone et cancer de la prostate. Pourtant, en février dernier, lors de la séquence Outre-mer du Grand débat national organisée à l'Elysée, Emmanuel Macron avait déclaré : "Il ne faut pas dire que c'est cancérigène. Il est établi que ce produit n'est pas bon, il y a des prévalences qui le prouvent scientifiquement (...) mais je pense qu'il ne faut pas aller jusqu'à dire que c'est cancérigène parce qu'à la fois, on dit quelque chose qui n'est pas vrai et on alimente les peurs."
 
Les auteurs de l'étude avaient ensuite répondu au Président de la République dans une lettre, tenant à rappeler "des faits dûment vérifiables". L'Elysée avait ensuite plaidé le malentendu, arguant qu'Emmanuel Macron avait voulu dire qu'il ne fallait pas seulement le dire, mais qu'il fallait aussi agir. 
 

Explosion des cas

Le nombre de cas de cancer de la prostate a fortement augmenté, d'après les données de l'Institut national du cancer. Dans les registres des cancers de la Martinique, on passe de 396 cas entre 1986 et 1990, peu avant l'arrêt de l'utilisation du chlordécone dans les Antilles, à 2764 cas pour la période 2010-2015. Sur ce même intervalle, on note 2718 cancers de la prostate en Guadeloupe. A l'échelle nationale, c'est 71 000 nouveaux cas annuels de cancers de la prostate, selon la Ligue du cancer. 

Le chlordécone est considéré comme un perturbateur endocrinien avéré et classé comme "cancérogène possible" par l'Organisation mondiale de la santé depuis 1979. Entre 92 et 95% de la population antillaise est contaminée par cette molécule, selon Santé Publique France.