Jamais le risque d’extinction n’a été aussi important selon Matt Boyd, directeur de Adapt Research et Nick Wilson, professeur de santé publique à l’Université d’Otago, Wellington. Pour les deux co-auteurs de l’étude, les nations insulaires sont néanmoins des "refuges potentiels, pour assurer la survie humaine à long terme en cas de catastrophe pandémique (ou toute autre menace existentielle pertinente)".
Les virus se jouent en effet des frontières terrestres mais selon les deux scientifiques, les îles fermées et autosuffisantes peuvent être facilement préservées. Des îles suffisamment peuplées et assez avancées technologiquement pour être en capacité de repeupler la Terre après ce scénario apocalyptique.
Des îles pour repartir à zéro
Ils ont ainsi sélectionné une vingtaine d’îles comptant au moins une population de 250 000 habitants. Ils ont également pris en compte des critères tels que la localisation sur le globe, les ressources, le modèle de société ou la stabilité du régime politique. Ils se sont enfin plongés dans l’Histoire et ont tiré notamment des enseignements de l’épidémie de grippe espagnole de 1918-1919. Conclusion : l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Islande arrivent en tête du classement.Attention, précise Matt Boyd sur son blog, il ne s’agit pas de "canots de sauvetage" à proprement parler, ni de sanctuaires où l’on pourrait venir se mettre à l’abri du danger.
Les gens se bousculent pour un canot de sauvetage. Nous disons presque le contraire. Les îles les plus susceptibles de pouvoir "rebooter" une culture humaine technologique prospère, devraient être identifiées à l'avance et des plans adoptés pour empêcher les personnes d'arriver lorsque la catastrophe frappe, c'est-à-dire par des mesures de fermeture des frontières.
Matt Boyd
Des chercheurs qui observent forcément aujourd’hui la pandémie de Covid-19 et son évolution dans le Pacifique. Avec un regard particulier sur les îles françaises même si elles ont été exclues de leur étude car trop petites. "Oui, nous sommes très attentifs à ce qui se passe en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie notamment et nous suivrons leurs résultats", assurent-ils.
Qu'en est-il des Outre-mer français ?
La Nouvelle-Calédonie a été plutôt épargnée jusqu’ici par le coronavirus, tout comme Wallis et Futuna. Ces îles ont pris très vite pris des mesures face à l’infection et imposé un confinement strict en même temps que le reste du territoire français."Je pense que toutes les îles, si elles agissent assez rapidement, ont de très bonnes chances d'éviter une pandémie, en fermant par exemple les frontières et les aéroports", explique Matt Boyd, interrogé par Outre-mer la 1ère. "C’est probablement aussi vrai pour Wallis et Futuna que pour la Nouvelle-Calédonie. L'essentiel est de s'assurer que les mesures prises sont complètes. La Nouvelle-Calédonie pourrait certainement être un bon refuge, pour autant qu'elle ait un accès suffisant à la nourriture et à l'énergie, si le reste du monde venait à s'effondrer. Nous avons classé les îles qui semblent être les meilleurs refuges, mais cela ne signifie pas que d'autres ne peuvent pas également le devenir, en sachant bien que toutes les îles peuvent aussi échouer au final."
Sur le Caillou, le déconfinement doit d’ailleurs débuter dès le lundi 20 avril, trois semaines en avance sur la date fixée pour le reste des Français dans l’Hexagone ou ailleurs Outre-mer.
Je pense qu'avec seulement 18 cas de Covid-19 sur place, il y a une chance d'éliminer la maladie, à condition que les mesures à la frontière restent strictes, et qu'il y ait une bonne réponse de santé publique pour rechercher les personnes qui ont été en contact avec la maladie, tester et isoler les cas.
Matt Boyd
Wallis et Futuna, dernier refuge ?
A Wallis et à Futuna, aucun cas n’a été diagnostiqué. L’Agence de santé sur place l’a confirmé officiellement jeudi 16 avril et permis la reprise des liaisons aériennes entre les deux îles tout en recommandant une quatorzaine obligatoire et le dépistage systématique pour les arrivants sur le territoire."Encore une fois, ajoute Matt Boyd, il est certainement possible que ces endroits évitent le Covid-19 s'ils continuent à appliquer des mesures frontalières strictes. Notez que dans notre étude sur les refuges, nous voulions savoir quelles îles pourraient également fournir l'expertise technologique diversifiée requise pour faire redémarrer le monde entier si la civilisation s'effondrait, et des endroits plus petits comme Wallis et Futuna pourraient quand-même avoir du mal à le faire."
Wallis et Futuna, dernier refuge ? On en est donc encore loin. Même analyse concernant la Polynésie française. Même si, pour les chercheurs néo-zélandais, ces 5 archipels dispersés sur une aire géographique vaste comme l’Europe peuvent aussi être un atout.
Des îles vulnérables aussi
"Les îles nombreuses et dispersées de la Polynésie travaillent probablement en faveur de l'humanité en ce qui concerne les risques biologiques vraiment graves, comme les pandémies qui pourraient provoquer l'extinction humaine. Parce qu'il serait difficile pour le virus d'atteindre absolument toutes les îles sans intervention humaine délibérée. Cependant, les îles qui resteraient préservées pourraient être seulement des sociétés agricoles très éloignées."Comme le rappellent les chercheurs néo-zélandais, l’insularité n’est pas un rempart absolu face aux pandémies. La preuve à Mayotte, à La Réunion ou aux Antilles qui enregistrent de nombreux cas de Covid-19. "Malheureusement, il suffit d'un seul cas pour déclencher une épidémie. Cela souligne l'importance d'agir tôt avec des mesures fortes. L’anticipation est très importante."