Exploitation du pétrole en Guyane : Jean-Victor Castor et Manuel Valls pressent les députés et le gouvernement à rouvrir le dossier

Le député guyanais Jean-Victor Castor (Gauche démocrate et républicaine) à l'Assemblée nationale, le 10 février 2025.
Alors que les pays voisins de la Guyane s'enrichissent grâce aux nouveaux gisements de pétrole découverts ces dernières années, le député guyanais et le ministre des Outre-mer ont demandé de rouvrir le débat sur la loi Hulot qui interdit tout nouveau projet d'hydrocarbure en France.

De manière générale, lorsqu'un député de l'opposition interpelle un membre du gouvernement à l'Assemblée nationale, la courtoisie peut vite laisser place à l'invective. C'est notamment le cas les mardis et mercredis après-midi, lors des séances de questions au gouvernement, tribunes politiques parfaites pour laisser éclater sa colère. Or, étrangement, mercredi 26 mars, l'élu de Guyane Jean-Victor Castor (Gauche démocrate et républicaine, GDR) et le ministre des Outre-mer Manuel Valls étaient sur la même longueur d'onde. Et pour cause, c'est l'ensemble de l'hémicycle (députés et ministres) qu'ils ont voulu interpeller sur la délicate question de l'exploitation des hydrocarbures en Guyane.

Dans sa question, le parlementaire guyanais a lancé l'offensive en voulant susciter l'indignation : "Le puits de carbone de la forêt amazonienne permet à la France de compenser ses émissions industrielles et de tenir ses engagements internationaux. Par sa forêt, la Guyane offre à la France le droit de polluer." Il le sait : la majorité des élus voient le retour de l'exploration pétrolière d'un très mauvais œil.

Quelles conséquences pour la Guyane ? Mise sous cloche, enclavement, interdiction de valoriser la moindre ressource, y compris celles issues du bois et de la biodiversité, appauvrissement inacceptable de la population... La Guyane est le pays de l'interdit où, sous couvert de protection de l'environnement, la France protège, hypocritement en réalité, son droit à polluer.

Jean-Victor Castor, député GDR de la Guyane

Jean-Victor Castor, autonomiste revendiqué, a pointé du doigt ce qu'il considère être une injustice. Alors que les terres et les fonds marins de la Guyane regorgent de ressources ("or, coltan, gaz, lithium, pétrole, kaolin, bauxite...", a-t-il listé), la population guyanaise demeure l'une des plus pauvres de France. Autour, dans les pays voisins, le Guyana, le Suriname et le Brésil font au contraire marcher à plein régime l'industrie pétrolière, s'enrichissant à vue d'œil.

"Nous devons mettre fin à ce paradoxe"

"Mesdames et messieurs les membres du gouvernement, mesdames et messieurs les députés, ce n'est pas tant une question que je pose aujourd'hui. C'est un avertissement", a alors lancé le député dans l'enceinte de l'hémicycle.

Sur les bancs du gouvernement, Manuel Valls n'a pas pris cette diatribe pour lui. Car, depuis plusieurs semaines, le ministre des Outre-mer tient, en somme, le même discours que l'élu guyanais. Et il l'a encore répété mercredi au Palais Bourbon : "Je crois que nous devons mettre fin à ce paradoxe qui veut que la population [guyanaise] ne bénéficie pas suffisamment d'un territoire pourtant si riche en ressources. Nous devons faire en sorte que les Guyanais puissent les exploiter."

Jean-Victor Castor et Manuel Valls le savent très bien : ce n'est pas l'un et l'autre qu'ils doivent convaincre. Mais tous ceux qui les entourent. En 2018, le Parlement a adopté une loi, la loi Hulot, mettant fin aux projets de recherche d'hydrocarbures pour des raisons évidentes de protection de l'environnement. Or, de nouveaux gisements ont depuis été découverts au large du plateau des Guyanes. Tous les pays en profitent. Pas la Guyane.

Dissensions gouvernementales

Déjà, en février, le ministre des Outre-mer a lancé un pavé dans la marre en se disant ouvert à accorder une dérogation à la loi de 2018 pour le territoire guyanais. "J'ai proposé que nous rouvrions le débat sur l'exploitation des hydrocarbures en Guyane (...) en préservant évidemment l'écosystème", a-t-il confirmé mercredi à l'Assemblée.

Seul problème : ses collègues au ministère de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, et à l'Énergie, Marc Ferracci, ont essuyé une fin de non-recevoir à cette initiative. Sans les viser directement, Manuel Valls leur a alors posé la question : "Tous les élus [guyanais] le demandent. Tous les pays voisins le font. De quel droit nous refuserions d'en discuter ?"

"La situation pour vous est inconfortable, je le conçois, a lancé Jean-Victor Castor aux parlementaires et aux ministres. C'est un grand écart difficile." Mais un grand écart nécessaire, juge-t-il. Et c'est aussi un sujet pressant. "Les Guyanais n'attendront pas sagement que vous décidiez pour eux", a-t-il prévenu. "C'est à ce débat que j'invite désormais chacun de participer", a appuyé de son côté le ministre Manuel Valls.