L'ONU n'hésite pas à parler "d'urgence sanitaire". Dans un rapport publié le 2 juin dernier, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU alerte sur les problèmes d'accès à l'eau en Outre-mer, et plus particulièrement à Mayotte et en Guadeloupe. L'instance déplore "l'accès limité à de l'eau propre à la consommation" dans ces territoires. Les défaillances concernent à la fois la distribution de l'eau et la qualité de la ressource, trop souvent polluée.
Dans son rapport, le Comité liste un certain nombre de recommandations adressées à la France, pointant autant de lacunes à corriger d'urgence. Les experts de l'ONU demandent à Paris "de fournir aux enfants de l'Hexagone et des Outre-mer -en particulier pour les enfants de Mayotte et de manière très urgente pour la population guadeloupéenne- de l'eau potable" en attendant "la réparation des systèmes d'approvisionnement et d'évacuation des eaux". Le Comité recommande par ailleurs d'"accorder réparation aux enfants lésés par le manque d'eau", en particulier "les enfants touchés par une contamination au chlordécone".
Coupures à répétitions et classes fermées
À Mayotte, environ 30% de la population vit dans un logement sans eau courante. Une situation alarmante, d'autant plus qu'être raccordé au réseau ne garantit pas d'avoir de l'eau au robinet : le manque d'eau pousse régulièrement les autorités à imposer des tours d'eau ou des coupures aux habitants. La crise de l'eau à Mayotte est à la fois une conséquence de la sécheresse qui frappe l'île et de la vétusté des installations, sous dimensionnées par rapport à la population.
Selon le Conseil économique, social et environnemental, "un quart de la population de Guadeloupe n'a pas accès tous les jours à l'eau, du fait des nombreuses coupures". Non seulement l'eau manque, mais elle est aussi souvent impropre à la consommation, car polluée à l'aluminium ou au chlordécone
Les insuffisances dans la distribution de l'eau impactent par ricochet l'accès à l'éducation. Parce qu'il est impossible de nettoyer les locaux sans eau et que les coupures rendent les sanitaires inaccessibles, les écoles doivent fermer quand les robinets sont coupés. Ce fut notamment le cas en septembre dernier dans plusieurs établissements guadeloupéens, qui ont dû décaler la rentrée scolaire de plusieurs jours en attendant le retour de l'eau.
Aucun pouvoir de sanction
Ce n'est pas la première fois que l'ONU dénonce les défaillances françaises en la matière. Le 1er mai dernier, une autre instance des Nations unies, le Conseil des droits de l'homme, a interpellé la France sur la question du droit à l'eau, notamment en Outre-mer. Le Conseil demandait à Paris de rendre la ressource moins chère pour les consommateurs et de faire cesser les coupures en Guadeloupe, en Martinique et à Mayotte.
Mais les recommandations du Conseil des droits de l'homme de l'ONU ne sont pas contraignantes et n'obligent pas l'État français à agir. Comme le Conseil, le Comité des droits de l'enfant n'a aucun pouvoir de sanction. Néanmoins, en pointant les défaillances du système français, les recommandations onusiennes écornent l'image de la France à l'international et peuvent pousser le gouvernement à agir.
Associations et consommateurs jouent aussi sur un autre levier pour espérer régler le problème : la voie judiciaire. En mai dernier, le parquet de Guadeloupe a ouvert une enquête sur la distribution de l'eau potable sur le territoire après qu'une centaine de personnes a déposé une plainte pour "délit d'exposition d'autrui à un risque de mort".