Loi d'orientation, délégué interministériel... les premières pistes de la commission d'enquête sur le chlordécone

La commission d'enquête parlementaire sur l'impact du chlordécone aux Antilles remet ses conclusions ce mardi 26 novembre à l'Assemblée nationale, après six mois d'auditions. Plusieurs pistes se dégagent d'ores et déjà. 
Le premier constat dressé par la commission d'enquête est la responsabilité première de l'État dans le scandale du chlordécone, comme l'a expliqué la rapporteure de la commission, la députée de Guadeloupe Justine Bénin, dans un entretien accordé à l'AFP : "l'État est le premier responsable" de cette pollution, mais "ces responsabilités sont partagées avec les acteurs économiques. Les industriels d'abord, mais aussi les groupements de planteurs et certains élus, qui ont défendu jusqu'au bout l'usage du chlordécone, qu'ils considéraient à tort comme un produit miracle sans possibilité d'alternative." 

Délégué interministériel

Parmi les premières pistes évoquées par la rapporteuse, la nomination d'un délégué interministériel au chlordécone. Ce poste fut occupé au début des années 2000, pour la Martinique, par Éric Godard, ingénieur sanitaire. C'est lui qui avait alerté sur la présence du pesticide dans de l'eau prélevée sur le territoire. Interrogé par la commission d'enquête en septembre, il dressait un bilan inquiétant de la gestion de la crise à l'époque, estimant avoir été "bloqué de partout" par la hierarchie, alors que "d'autres intérêts préval[ai]ent peut-être à court terme". 
 

J'ai trouvé étonnant que personne ne s'inquiète des conséquences alors qu'il y avait déjà des signes.
Eric Godard

 
 

Loi d'orientation

La commission propose également de créer une loi d'orientation et de programmation afin de guider la gestion du dossier chlordécone : "Seule une loi permettra de graver dans le marbre le principe d’actions pour réparer les préjudices subis par des populations en grande souffrance et de restaurer la confiance envers l’État", a expliqué Justine Bénin au Monde

Depuis 2008, trois "Plans chlordécones" se sont succédé afin de mobiliser les services de l'État pour répondre à l'inquiétude des Guadeloupéens et des Martiniquais. Le dernier doit s'achever en 2020 et devrait être suivi d'un Plan chlordécone IV, selon les recommandations de la commission d'enquête. 

Enfin, tout au long des travaux de la commission, plusieurs pistes ont été évoquées. En premier lieu, protéger la population exposée, grâce à un "suivi sanitaire systématique" et des campagnes de prévention et d'éducation face aux risques. Cela pourra également passer par l'aide aux agriculteurs et aux pêcheurs pour proposer des produits "zéro chlordécone", dans des territoires où 25% des terres ont été polluées durablement par ce pesticide. 

Lors de l'audition de la ministre de la Recherche et de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal, la commission avait souligné le problème du manque de moyens alloués à la recherche sur le chlordécone. Notamment, pour mieux connaître son impact sur la santé et développer des techniques de dépollution des sols, inexistantes aujourd'hui. Elle devrait donc préconiser dans son rapport la priorisation de la recherche avec des fonds dédiés. 

Enfin, sur la question de l'indemnisation financière, difficile à chiffrer, le député Serge Letchimy, président de la commission, avait appelé à la création d'un "fonds d'indemnisation de l'ensemble des victimes", financé par l'Etat, les producteurs et les utilisateurs du chlordécone.

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