Loi santé : les difficultés des hôpitaux en Outre-mer

UNe partie des malades mahorais ne peuvent pas être soignés sur leur île. Ils doivent être évacués vers La Réunion.
Agnès Buzyn, ministre de la Santé, va présenter le 13 février en conseil des ministres son projet de loi pour la santé. Parmi les 23 propositions, plusieurs pour repenser l'activité hospitalière. Un secteur malade, particulièrement dans les Outre-mer.
Agnès Buzyn, ministre de la Santé, présente le 13 février un projet de loi santé, discuté à l'Assemblée nationale à partir du 18 mars. Un plan sous forme de 23 propositions que suivront, sans doute avec attention, élus et spécialistes de santé dans les Outre-mer. En 2014, un rapport cinglant de la Cour des comptes pointait un à un les problématiques de la santé ultramarine.

► Retrouvez le reportage de Sufati Toumbou-Dany pour Polynésie la 1ère :
Les magistrats avaient alors mis en exergue un manque de prévention, des inégalités dans l'accès aux soins, l'absence de praticiens spécialistes et surtout, des dysfonctionnements dans la gestion des hôpitaux.
 

Symptômes divers


A l'échelle nationale, le secteur de la santé connaît des difficultés mais ces dernières sont accentuées dans les territoires ultramarins. Avec leurs spécifités géographiques, humaines ou encore organisationnelles, tous ne rencontrent pas les mêmes problèmes et il existe de fortes disparités. Dans son rapport de 2014, la Cour des comptes estimait par exemple que "les Antilles et La Réunion se trouvent assez proches désormais du niveau métropolitain".

La Réunion est d'ailleurs considérée comme une région "sur-dotée" en raison du nombre important de praticiens de santé installés sur l'île. A l'inverse, la Guyane et Mayotte présentent des déserts médicaux, comme le montrent les données publiées dans l'Atlas de la démographie médicale en décembre 2018 :
 

Recrutement compliqué


Ces deux départements ont en commun une forte pression migratoire et une pauvreté accrue de la population. En Guyane, 13% des malades sont d'origine étrangère et n'ont pas de prise en charge. A Mayotte, le centre hospitalier prévu pour 300 lits, accueille en réalité près de 900 malades.

Ajoutés à l'absence de médecins, ces facteurs entraînent une saturation des lieux de santé et particulièrement les urgences des hôpitaux. La situation devient compliquée pour les praticiens. Le centre hospitalier de Cayenne a ainsi vu partir collectivement 17 médecins urgentistes en mai 2018.
 

Ce n'est pas un problème de finances, les postes nous les avons. C'est un problème de recrutement médical. Plusieurs fois, nous avons alerté sur nos difficultés à recruter. C'est vrai pour les urgentistes, c'est vrai pour les centres de santé, c'est vrai dans d'autres spécialités. Il faut que l'on trouve des médecins... Sinon il va falloir imaginer avec les médecins concernés des modes de fonctionnement qui permettent d'assurer la sécurité des patients, de préserver l'équilibre vie et profession.

- Agnès Drouhin, directrice du Centre hospitalier Andrée Rosemon (Guyane la 1ère, le 6 mai 2018)

 

Urgences saturées


Même topo du côté de la Martinique où le service hématologie du CHU de Fort-de-France a bien failli fermer ses portes en octobre dernier, faute de médecins. S'il reste ouvert, les cas urgents sont désormais réorientés vers la Guadeloupe voisine ou vers l'Hexagone, alors même que le CHU de Guadeloupe peine à se remettre d'un grave incendie survenu en novembre 2017.


En ce début d'année 2019, les urgences du CHU de Martinique ont connu une saturation exceptionnelle avec des pics de 176 patients par jour, contre 130 en moyenne habituellement.

► "Saturation aux urgences du CHUM", le reportage de Martinique la 1ère :


Déficits


Agnès Buzyn, ministre de la Santé, reconnaît également des difficultés financières. A l'issue d'une rencontre avec les élus de Guyane et les membres du Centre Hospitalier de Cayenne, en grève, elle avait énuméré plusieurs problèmes : "Un déficit qui se creuse d'année en année, des problèmes de trésorerie, de dialogue social, d'attractivité et de pérénisation des personnels."

En 2017, la députée de la Réunion Huguette Bello évoquait à l'Assemblée nationale la question de l'avenir du CHU de La Réunion qui accuse un lourd déficit de plusieurs dizaines de millions d'euros. Elle affirmait alors que ce déficit pourrait se traduire par la suppression "de 250 postes et de 130 lits". 

 

Grèves


Ces conditions de travail compliquées sont partagées dans d'autres territoires, comme la Nouvelle-Calédonie. Dans l'archipel, il existe des inégalités d'accès aux soins pour les citoyens. Pour pallier le manque d'offres, le Médipôle de Koutio a ouvert à Dumbéa en 2017, regroupant deux centres hospitaliers. L'an dernier, la province Nord a vu l'ouverture d'un pôle sanitaire à Koné

Après 4 ans de travaux, le Médipôle suscitait beaucoup d'espoirs pour les soignants et les patients. Pourtant, dès la première année d'ouverture, il a connu une grève administrative et les agents hospitaliers se déclarent pour certains en "burn-out". 


Trop d'évacuations sanitaires


Autre particularité des départements et territoires d'Outre-mer, les évacuations sanitaires ou "évasan". Elles permettent aux patients en situation d'urgence ou nécessitant une prise en charge par un spécialiste absent du territoire, de se faire soigner dans un autre territoire français ou à l'étranger. A Saint-Pierre et Miquelon, le système de santé est de bonne qualité selon la Cour des comptes mais l'absence de spécialistes sur place pousse au recours aux évasans, "trop nombreuses et trop coûteuses".

C'est aussi le cas à Wallis et Futuna où les malades sont régulièrement évacués vers la Nouvelle-Calédonie pour être pris en charge. Des évacuations qui ne se passent toujours dans les meilleures conditions. En mai dernier, deux patients ont dû être évacués de nuit de Futuna, alors que la piste de l'aéroport n'est pas prévue pour les atterrissages de nuit.
 

Des citoyens en moins bonne santé


Un vrai problème dans ce territoire où l'état de santé des citoyens est parmi les plus mauvais de France. C'est d'ailleurs un facteur supplémentaire à prendre en compte dans la gestion des établissements de santé Outre-mer. Il existe des risques différents et "pas toujours maîtrisés", selon la Cour des comptes. Diabète, SIDA, obésité, tuberculose, hépatites... Des maladies à rajouter aux cas de lèpre, de leptospirose, de chikungunya, de dengue ou encore de zika, que l'on ne retrouve pas dans l'Hexagone. 

Enfin, il faut aussi prendre en compte des cas sanitaires particuliers comme la crise du chlordécone aux Antilles, un pesticide accusé d'être lié à la hausse des cancers et qui aurait contaminé plus de 90% de la population. 

►Le point sur les difficultés des hôpitaux Outre-mer avec Mickaël Bastide :