Fin du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, et en attendant le futur gouvernement pour son second mandat, Outre-mer la 1ère fait le bilan des deux ministres des Outre-mer sous le président actuel. Après le bilan de Sébastien Lecornu, nous nous intéressons à celle qui fut pendant trois ans, un mois et 19 jours, la ministre des Outre-mer sous le gouvernement d’Edouard Philippe, Annick Girardin.
Tout comme son successeur confronté à la crise du Covid-19, à une crise sociale dans les Antilles ou encore au troisième référendum calédonien, la Saint-Pierraise a eu un passage agité rue Oudinot. Seule rescapée avec Jean-Yves Le Drian du mandat de François Hollande, elle est nommée ministre des Outre-mer dans le premier gouvernement d’Edouard Philippe. Poste qu’elle garde à l’issue des législatives qu’elle remporte à Saint-Pierre et Miquelon, dans le second gouvernement du Havrais. C’est là que son action ministérielle commence véritablement.
1. Les « Assises des Outre-mer »
C’était une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron en 2017, les "Assises des Outre-mer". Lancées en juillet 2017, c’est une consultation de plusieurs mois dans les territoires ultramarins, destinée à faire remonter les besoins et les projets locaux. L’objectif selon la ministre : "redonner la parole à ceux qui ne la prennent plus et ont perdu confiance en l’action publique, (pour aboutir à) des projets concrets qui répondent à des besoins réels, diagnostiqués territoire par territoire".
De ses "Assises", ressort en juin 2018, le Livre bleu Outre-mer, qui définit la politique ultramarine du gouvernement. Fort de 200 pages et de 28 thèmes (sécurité, santé, éducation,…), ce livre prend en compte les risques spécifiques en Outre-mer, l’écologie, le soutien à l’agriculture ou encore la vie chère. Néanmoins, ces "Assises des Outre-mer" seront vite occultées par l’actualité, bien que selon le gouvernement, en septembre 2019, 85% des mesures contenues dans le Livre bleu étaient engagées.
2. L’ouragan Irma
À peine quelques mois après sa prise de fonction, Annick Girardin est confrontée à une grande catastrophe naturelle dans les petites Antilles : l’ouragan Irma. Le 6 septembre 2017, ce dernier dévaste Saint-Barthélemy et dans une plus large mesure, Saint-Martin. Sur cette île, dix personnes sont mortes côté français, 95% des habitations sont touchées et 60% sont inhabitables.
La ministre arrive le lendemain du sinistre sur place et impose son style, le "style Girardin". Au contact de la population, proche des gens, en rangers et en treillis, elle sillonne l’île au milieu des débris. Surtout, alors qu’un autre ouragan, "José", est en approche, elle reste avec les habitants sur place. Heureusement, cet ouragan n’occasionnera pas de dégâts supplémentaires. Mais ces images d’une ministre sur le terrain avaient marqué les médias. Le journal Libération l’avait ainsi qualifiée de ministre "roots".
3. La crise sociale à Mayotte
Quelques mois plus tard, un mouvement social éclate à Mayotte. Cela fait suite aux violences en milieu scolaire. Très vite, les manifestants réclament des mesures pour mettre le département au niveau des autres départements français, la lutte contre l’immigration illégale et contre l’insécurité. Le 27 février 2018, une journée "île morte" est organisée.
C’est dans cette atmosphère électrique et presque hostile, que la ministre arrive à Mayotte le 12 mars, puisque l’intersyndicale et le collectif des citoyens estiment que sa venue n’est "pas souhaitée". Néanmoins, dès son arrivée, Annick Girardin entame le dialogue avec les manifestants sur les barrages. Mais malgré son approche toujours frontale du dialogue, les barrages sont toujours en place quand elle repart.
Elle reviendra deux mois plus tard sur l’île pour annoncer les mesures de l’Etat concernant l’avenir de Mayotte. La ministre détaillera les 53 engagements pris par l’Etat et regroupant 125 actions sur la santé, l’éducation ou encore la sécurité.
4. Les gilets jaunes à La Réunion
Une autre crise sociale, mais nationale cette fois-ci, la crise des gilets jaunes. Dans les Outre-mer, c’est à La Réunion que les gilets jaunes ont été le plus mobilisé. La ministre "roots", pour apaiser la situation se rend sur l’île dix jours après le début de la mobilisation. À peine le pied posé, Annick Girardin se retrouve au contact d’un premier barrage tenu par des gilets jaunes.
" Vous aurez tous l'occasion d'échanger avec moi. Je suis venu parler directement aux Réunionnais. Je suis venu échanger avec vous. Je suis à vos côtés pour trouver des solutions pour l'emploi. Je suis à vos côtés pour trouver des solutions pour la vie chère."
Annick Girardin
Huée par les manifestants, elle écoute les doléances des Réunionnais présents. Dès son deuxième jour sur place, la ministre des Outre-mer fait des annonces, en particulier sur l’emploi, avec une réforme qui prévoit entre autre zéro charge autour du SMIC, mais aussi la création d’une zone franche d’activité. Durant ces annonces, elle n’oublie pas d’accuser "une minorité qui sème le chaos".
Annick Girardin est de retour à La Réunion en mars 2019 pour faire le point sur la crise des gilets jaunes et sur les engagements pris quelques mois plus tôt. Une grande différence avec sa précédente visite, pas de comité d’accueil. Le calme avant la tempête. Elle commença par faire le point sur les mesures qui ont été prises. Selon la ministre : "déjà une bonne partie des engagements ont été tenus, d'autres sont en cours, d'autres ont pris plus de temps et il faudra l'expliquer".
Le dernier jour de sa visite est mouvementé. Sur son parcours, une manifestation. Elle part à la rencontre des manifestants, mais le dialogue, loin d’être cordial, fut de courte durée. Sous les huées, il commença, sous les huées, il terminera. Annick Girardin terminera sa visite de trois jours sur l’île par un discours en présence de 300 acteurs institutionnels locaux. La crise des gilets jaunes s'épuisera, quant à elle, dans le temps.
5. Début du Covid-19 en Outre-mer
Tandis qu’il ne lui reste que quelques mois à la tête de son ministère, un défi majeur attend la ministre, la pandémie de Covid-19. Le 1er mars 2020, les premiers cas sont recensés en Outre-mer, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Puis très vite, des cas sont découverts un peu partout. En Guyane le 4 mars, en Martinique le 5 mars, le 11 mars à La Réunion, le 12 mars en Guadeloupe et le 13 mars à Mayotte.
Le 15 mars, Annick Girardin annonce la fermeture au public de tous les magasins "non-essentiels". Le 17 mars, comme dans l’Hexagone, les mesures de confinement débutent en Outre-mer. Durant la pandémie, elle reste active et annonce le 19 avril, un dispositif de soutien aux familles des départements et régions d’Outre-mer. Le 19 mai 2020, la ministre se rend à Mayotte, frappée de plein fouet par la première vague du virus.
« Je suis ici pour être aux côtés de ceux qui se battent en première ligne. La moitié des cas (de coronavirus) des territoires ultramarins sont ici à Mayotte. »
Annick Girardin
Son dernier déplacement en tant que ministre des Outre-mer se fera en Guyane, fin juin 2020, dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, où la pandémie est forte.
Ministre de la Mer
Après être resté au gouvernement suite à un changement de président, Annick Girardin y reste encore, mais en changeant de ministère. Néanmoins, elle reste proche des Outre-mer, puisque sous le gouvernement de Jean Castex, elle devient ministre de la Mer. C’est la première fois depuis 1991 que c’est un ministère de plein exercice par ailleurs.
Cette nomination est une sorte de coup du sort pour celle qui n’avait cessé de réclamer l’attachement de ce ministère à celui des Outre-mer. Une Saint-Pierraise à la Mer, fille de pêcheur reconverti en boulanger, un choix plutôt désigné sachant que 90% de la zone économique exclusive (ZEE) française, se situe dans les Outre-mer.
C’est au Normand Sébastien Lecornu qu’elle laissa son siège aux Outre-mer, après trois années mouvementées. Cette fois, c'est avec la guadeloupéenne Justine Bénin que se fera, lundi, la passation de pouvoir. Annick Girardin, elle, a déjà prévenu qu'elle rejoindrait dans la foulée son territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon.