"Le recours à l'emprunt n'est plus possible", le gouvernement calédonien poussé à poursuivre ses réformes fiscales

Le nouveau siège du gouvernement, rue Gallieni, à Nouméa.
Pour la chambre territoriale des comptes, le recours à l'emprunt n'est plus possible pour la Nouvelle-Calédonie. C'est ce qu'il ressort du rapport d'observation sur la fiscalité pratiquée entre 2017 et 2021. Rendu public ce jeudi, il incite le gouvernement à accélérer sa réforme fiscale.

1Une chute "significative" des recettes fiscales

Entre 2017 et 2021, les magistrats de la chambre territoriale des comptes soulignent une chute des recettes fiscales "inhabituelle par son intensité et sa durée". "Les deux organismes les plus touchés sont l'agence sanitaire et sociale et la Nouvelle-Calédonie", qui ont perdu respectivement 6,8 et 3 milliards de francs entre 2019 et 2021.

Les analyses manquent pour en déterminer les causes précises, note la chambre dans son rapport publié ce jeudi. Elle évoque la baisse de la démographie, de la croissance économique ou encore le manque d'efficacité de la taxe générale sur la consommation, plombée par "la multiplicité des exonérations" et des taux réduits attribués à certains secteurs. Pour elle, étudier l'évolution des recettes fiscales "apparaît maintenant indispensable".

Même si le gouvernement a signifié un mieux en 2022. Peuvent l'expliquer la reprise économique après la crise sanitaire ; le niveau record de l'emploi du privé ; le dynamisme du marché immobilier ; l'inflation, qui a majoré la base taxable de certains produits ; l'augmentation des importations pour compenser la baisse de la production locale touchée par La Niña. Mais aussi l'augmentation des taux de certaines taxes (sur la contribution calédonienne de solidarité, l'alcool, l'électricité), qui, elle, devrait continuer de produire des effets.

2"Le recours à l'endettement n'est plus possible"

Face à la baisse des recettes fiscales et aux difficultés budgétaires, la Nouvelle-Calédonie a principalement utilisé l'emprunt. 55 milliards de francs entre 2020 et 2022. Plus 14,6 milliards de francs de subventions de l'Etat. Ces financements ont permis de répondre "aux besoins avec rapidité et dans les proportions requises par l’ampleur de la crise sanitaire", indique le rapport. Mais la chambre estime que "le recours à l'endettement n'est plus possible".

Entre 2019 et 2022, la dette est passée de 84% à 206% des recettes réelles de fonctionnement. Et le ratio de désendettement de 7 à 28 ans. "La Nouvelle-Calédonie a ainsi atteint les limites de sa solvabilité." La charge du remboursement de l'emprunt pesant désormais trop sur sa marge de manœuvre budgétaire. 

La fragilité d'Enercal s'étant aggravée et "la dégradation de la situation financière d’autres entreprises publiques n’étant pas à exclure", la Nouvelle-Calédonie pourrait être appelée "à consentir des aides élevées pour éviter la mise à l’arrêt ou la diminution de services publics essentiels", préviennent également les magistrats de la chambre. Ils conseillent là aussi au gouvernement de lancer "une évaluation exhaustive des risques budgétaires qu’elle encoure et des moyens d’y répondre". 

3Des réformes comme solutions

Principale solution désormais : trouver de nouvelles ressources fiscales tout en poursuivant les économies. Depuis 2021, plusieurs réformes ont été mises en œuvre. Deux hausses des taux de la contribution calédonienne de solidarité ont été décidées en août 2021 et en juin 2022. Les taxes sur l'alcool et le tabac ont augmenté. Les cotisations sociales ont été relevées. 

Mais, malgré l'adoption d'un calendrier prévisionnel par le Congrès en mai 2022, des mesures tardent à être votées. Certaines parce qu'elles se heurtent à des réticences, comme l'a par exemple montré la mobilisation des rouleurs sur mine début juillet

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"S’agissant de la contribution calédonienne de solidarité, la chambre avait recommandé dans son précédent rapport sur la situation financière de la Nouvelle-Calédonie de porter le taux de base à 5 % et le taux réduit à 2,5 %." Ils sont actuellement de 2 % sur les revenus salariaux, de 4 % pour le taux de base et de 1,3 % sur les revenus de solidarité et de remplacement. "Les rehausser apporterait environ 2,5 milliards de francs de recettes supplémentaires." Pas loin du montant du remboursement des nouveaux emprunts pour 2022-2024. 

Les magistrats proposent d'autres pistes. Mais là encore, ils recommandent avant tout au gouvernement d'analyser les enjeux, de définir des priorités "pour parer aux risques budgétaires à court terme", en les chiffrant "précisément". Puis de passer à l'action.

4Simplifier et moderniser

À plusieurs reprises, la chambre territoriale des comptes revient sur l'insuffisance d'évaluations des décisions passées et à venir. Parmi ses 14 recommandations, elle préconise à la Nouvelle-Calédonie de se doter de moyens humains et financiers pour produire des analyses. D'utiliser l'intelligence artificielle et d'intensifier les actions de contrôle fiscal. De continuer à transférer les missions de recouvrement, aujourd'hui éparpillées, vers un seul acteur, la direction des services fiscaux. D'initier la même chose au niveau du gouvernement. D'améliorer l'information des élus. Ou encore de poursuivre la modernisation (télépaiement, télédéclarations...) et la réflexion sur le prélèvement à la source, qui permettrait de "réduire les coûts de gestion de l'impôt sur le revenu".