Référendum en Nouvelle-Calédonie : le scrutin du 12 décembre 2021 en dix points clés

Bulletins du Oui et du Non mis sous pli avec la propagande électorale, en vue du référendum, le 24 novembre 2021 à Nouméa.
Le 12 décembre prochain, la Nouvelle-Calédonie votera lors du troisième et dernier référendum sur son autodétermination. Pourquoi cette date, qui peut voter, quelles suites… Le point avec ces dix questions pour tout comprendre.

Dans moins de deux semaines, le troisième et dernier vote sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie se tiendra sur le Caillou. L'ultime étape d'un processus historique débuté il y a plus de quarante ans, mais aussi le début d'une nouvelle ère pour cette collectivité.  

Pourquoi cette date du 12 décembre ?

Les délégations de Nouvelle-Calédonie reçues au format Leprédour à l'Elysée par Emmanuel Macron, le 1er juin 2021.

La date du 12 décembre n'a de cesse de revenir sur le devant de l'actualité. C'est le gouvernement français qui l'a choisie, en vertu de l'accord de Nouméa, après des échanges à Paris en juin avec les différents acteurs de la réflexion autour du processus d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Dès le départ, elle ne fait pas consensus. Si la date convient aux loyalistes, qui souhaitaient que le scrutin se tienne avant la fin de l'année 2021, elle n'a pas convaincu le camp indépendantiste, qui aurait souhaité "plus de temps" pour travailler et donc un vote en 2022.

Malgré cela, le 23 juin, le Congrès émet un avis favorable sur le décret qui fixera l'organisation du vote le 12 décembre et une semaine plus tard, l'État entérine la date. Mais le 6 septembre, alors que la campagne électorale venait de débuter, la Nouvelle-Calédonie est rattrapée par la pandémie dont elle avait réussi à se préserver durant plus d'un an. Le territoire enregistre ses premiers morts et entre dans une période de confinement, de crise et de deuils. La campagne est alors suspendue sur le terrain et rapidement, des voix s'élèvent pour demander le report du scrutin, à commencer par le FLNKS le 4 octobre.

Un bras de fer s'engage alors entre partisans du maintien et soutiens du report. Début novembre, le FLNKS annonce qu'en cas de maintien, il ne prendra pas part aux échanges post-vote. Les mouvements indépendantistes s'organisent en "comité stratégique indépendantiste de non-participation", tandis que les loyalistes demandent à l'État d'être "ferme". Mais le 12 novembre, le gouvernement tranche : le vote aura bien lieu à la date prévue. Une "déclaration de guerre" selon le Palika, partisan du Oui.

Nouvelle-Calédonie la 1ère a fait le point sur les positions des huit partis engagés dans la campagne et sur la chronologie du débat sur la date.

Quelle question sera posée ?

Tout comme lors des premiers votes en 2018 et en 2020, les électeurs auront à répondre par "oui" ou par "non" à la question suivante : "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?" Pour cela, deux bulletins portant l'un et l'autre une réponse seront mis à disposition dans les bureaux de vote.

Qui pourra voter ?

A la mairie du Mont-Dore, une habitante consulte la liste référendaire avant la consultation du 4 novembre 2018.

L'accord de Nouméa prévoit un corps électoral spécifique pour les consultations relatives à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Celles et ceux qui figurent sur la "liste électorale spéciale pour la consultation" (LESC) pourront voter lors du référendum le 12 décembre 2021. Et pour y figurer, il faut remplir l'une de ces huit conditions :

  • avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998
  • remplir la condition de dix ans de domicile (sauf interruptions pour raisons familiales, professionnelles ou médicales) requise pour être électeur à la consultation du 8 novembre 1998
  • avoir eu le statut civil coutumier ou, né en Nouvelle-Calédonie, y avoir eu le centre de ses intérêts matériels et moraux
  • avoir l’un de ses parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de ses intérêts matériels et moraux
  • pouvoir justifier d’une durée de 20 ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et au plus tard le 31 décembre 2014
  • être né avant le 1er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998
  • être né à compter du 1er janvier 1989 et avoir atteint l’âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de ses parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998

Pour le scrutin de ce 12 décembre, 185 004 personnes sont inscrites sur la liste électorale spéciale. C'est 4 205 électeurs de plus qu'en 2020 où figuraient 180 799 inscrits, et 10 839 de plus qu'en 2018 (174 165 inscrits).

Certaines catégories de la population sont dispensées de démarches et sont inscrites d'office, comme l'explique le haut-commissariat. Si les inscriptions sont terminées, vous pouvez néanmoins vérifier si vous figurez bien sur la LESC à cette adresse

Enfin, bon à savoir, une carte électorale spéciale est distribuée depuis la fin novembre, mais elle n'est pas obligatoire pour voter. Seul requis indispensable : une pièce d'identité avec photo (voir la liste des papiers admis pour voter).

Qui participe à la campagne ?

Officiellement, huit partis et groupes politiques sont autorisés à faire campagne durant ce scrutin :

  • L'Union nationale pour l'indépendance (UNI)
  • Calédonie ensemble
  • Le Parti travailliste
  • Trois groupements pour les Voix du Non, intitulés 1, 2 et 3
  • Le groupement UC-FLNKS et Nationalistes
  • L'Éveil océanien    

Les mouvements indépendantistes de l'UNI, du FLNKS et du Parti travailliste, ont annoncé ne pas vouloir faire campagne et n'ont donc pas envoyé leur propagande électorale en faveur du Oui. Très attendu, l'Éveil océanien a fini par se prononcer en faveur d'un "non, pas maintenant" et a annoncé ne pas faire campagne non plus. Les indépendantistes maintiennent leur appel à ne pas participer au vote.

Seuls les trois groupements loyalistes pour les Voix du Non et Calédonie ensemble participent à la campagne officielle. Que ce soit dans les modules vidéos réalisés sous le contrôle du CSA et diffusés chaque jour dans les médias, ou dans les plis électoraux envoyés aux domiciles des électeurs, le Non est donc l'unique voix représentée tout au long de cette campagne officielle au déroulé particulier. Celle-ci a commencé lundi 29 novembre et s'achèvera à minuit dans la nuit du vendredi 10 au samedi 11 décembre.

Tous les jours, suivez le journal de campagne de Nouvelle-Calédonie la 1ère.

Quels étaient les résultats en 2018 et 2020 ?

Résultats des deux premiers référendums à la question "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?"

Lors des deux consultations sur l'accès à la pleine souveraineté de l'archipel, en 2018 et 2020, le Non l'avait emporté, avec 56,7% puis 53,26% des voix. La participation avait été très importante : 81% en 2018 et 85% en 2020.  

Peut-on attendre une telle participation pour le troisième vote ? Sans doute que non, en raison de l'appel à la non-participation des indépendantistes mais aussi des craintes liées au contexte sanitaire ou d'une démotivation d'une partie de l'électorat. Le Sénat coutumier a également invité "le peuple kanak et les citoyens progressistes qui reconnaissent le peuple kanak, à ne pas participer à la mascarade politique référendaire du 12 décembre 2021".

Mais les loyalistes ont bon espoir et multiplient les appels au vote. Sonia Backès s'est par ailleurs étonnée d'une "petite ambiguïté" chez les indépendantistes, qui pourraient se rendre aux urnes malgré les consignes des partis. "On sent qu’il y a une volonté d’un certain nombre d’indépendantistes à aller voter, a expliqué la présidente de la province Sud, donc j’appelle les nôtres, ceux qui votent Non, à aller voter, à se mobiliser."

Qui surveille le scrutin et la campagne ?

Tout au long de la campagne, puis le jour du scrutin et même dans les jours qui suivront, plusieurs systèmes de surveillance sont mis en place sur le Caillou.

Le principal est la commission de contrôle, composée de cinq magistrats désignés par le Conseil d’État et la Cour de cassation, les deux plus hautes juridictions françaises. Concrètement, la commission doit s'assurer de la régularité et de la sincérité du scrutin et de la campagne électorale. C'est également elle qui proclamera les résultats officiels du vote.

La commission est présidée cette année encore par Francis Lamy. Le conseiller d'État est aidé dans sa mission par Sophie Lambremon et Robert Parneix, tous deux conseillers honoraires à la Cour de cassation, par Jean-Edmond Pilven, premier conseiller du tribunal administratif et de la cour administrative d’appel de Nouméa, et par Christophe Ciréfice, président de tribunal administratif de Nouméa. Avec eux, 260 délégués qui seront répartis dans les bureaux de vote le 12 décembre.

► Le jour J, des assesseurs sont également placés par groupe de deux dans chaque bureau. Désignés par les partis autorisés à faire campagne, ils sont chargés de l'émargement et du bon déroulé du vote. Les indépendantistes ont annoncé qu'ils n'enverront pas d'assesseurs, mais cela n'aura d'impact réel sur le fonctionnement des bureaux. La loi prévoit en effet que des assesseurs soient désignés sur place parmi les membres du conseil municipal de la commune ou parmi les électeurs présents dans le bureau de vote, sachant lire et écrire le français. 

► Enfin, les autorités sont préparées en cas de débordements liés au scrutin ou aux résultats. Auditionné par l'Assemblée nationale début octobre, le général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, indiquait qu'il fallait "se préparer à des tensions possibles" lors du vote en Nouvelle-Calédonie. Le haut-commissaire a par la suite annoncé le renfort de 2 000 gendarmes et policiers sur le territoire pour assurer la sécurité autour du référendum. Un dispositif géré par le général Christophe Marietti, ancien commandant des forces de gendarmerie.

A noter également, la présence d'experts de l'ONU. Au nombre de quinze, ils assisteront au déroulé du scrutin après avoir rencontré des officiels, des membres des différents groupes politiques ou encore des personnes issues de la société civile.

Où se déroulera le vote ?

Le 12 décembre, 307 bureaux de vote seront ouverts (304 l'étaient en 2020 et 294 en 2018). Tout comme pour les deux premiers scrutins, les citoyens de Bélep, d'Ouvéa, de Lifou, de Maré et de l'île des Pins résidant sur la Grande terre pourront voter à Nouméa. Vous pouvez vérifier l'adresse et le numéro de votre bureau de vote à cette adresse. Attention, même si vous n'avez pas déménagé depuis le dernier vote, celui-ci peut avoir changé, en fonction des mouvements de population dans les communes et des délimitations de zone de vote fixées par le haussariat.

8 Covid-19 : quelles mesures sanitaires sont mises en place ?

Les gestes barrières à Lifou 15 septembre 2021.

S'il s'est invité dans le débat politique autour du troisième référendum, le Covid-19 aura aussi un impact sur la tenue du scrutin. Pour éviter les risques de contamination, des mesures sanitaires ont en effet été instaurées dans les lieux de vote, à commencer par l'extension des horaires. Les bureaux seront donc ouverts :

  • de 7 heures à 18 heures pour la majeure partie du territoire
  • de 7 heures à 19 heures à Nouméa
  • de 7 heures à 17 heures pour Tiga et l'île Ouen.

Des systèmes de files, avec une distanciation sociale d'au moins 1,5m seront mis en place à l'entrée, dont une file prioritaire pour les plus vulnérables. Sur place, le nombre d'électeurs devra être limité : une personne maximum à la table de décharge, où est vérifiée l'identité et où sont disposés les bulletins de vote, de même qu'à la table d'émargement où se trouvent les urnes. Du gel hydroalcoolique sera mis à disposition des électeurs, qui devront porter un masque. Il pourra être demandé de le baisser le temps de la vérification de l'identité du votant et en cas de refus, la personne ne pourra pas déposer de bulletin dans l'urne.

Le pass sanitaire n'est pas demandé pour se rendre dans les bureaux de vote. Mais les autorités recommandent fortement aux mairies de solliciter des personnes immunisées ou testées négatives au Covid pour assurer la tenue des bureaux. Des autotests seront d'ailleurs mis à disposition des communes. Les équipes mobilisées devront s'assurer du nettoyage et de la désinfection des lieux et du matériel de vote avant, durant et après le scrutin.  

Le point sur les mesures sanitaires mises en place dans cet article.

9 Et après : que se passera-t-il en cas de victoire du "Oui" ?

Toutes les conséquences de l'un ou l'autre résultat ont été listées dans un document d'une centaine de pages, rendu public en juillet 2021. Que le Oui ou le Non l'emporte, le scrutin du 12 décembre devrait marquer l'entrée dans une période de transition afin de définir le nouveau fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie et ses relations avec la France. La durée de cette transition devra faire l'objet d'une loi votée par le Parlement. Pour l'heure, l'Etat a exprimé son souhait de voir les Calédoniens s'exprimer lors d'un nouveau référendum, au plus tard le 30 juin 2023. L'un des points d'échange portera d'ailleurs sur le corps électoral pour ce vote : liste spéciale, liste électorale provinciale ou ouverture totale, les avis divergent sur la question. 

En cas de victoire du Oui, d'un point de vue juridique, le territoire ne fera plus partie de la République française qui procédera au transfert des compétences régaliennes, ni de l'Union européenne. La Nouvelle-Calédonie sera "entièrement libre de se gouverner" et pourra conclure des traités internationaux, notamment avec la France. Éducation, monnaie, nationalité, armée, forces de l'ordre, justice, emploi… de très nombreuses questions se poseront alors. Nouvelle-Calédonie la 1ère revient en détail sur celles-ci dans cet article et vous pouvez consulter le document du Oui et du Non à cette adresse.  

Les discussions risquent donc d'être longues. Le camp indépendantiste a par ailleurs laissé entendre qu'il ne participerait aux échanges qu'après l'élection présidentielle.

10 Et en cas de victoire du "Non" ? 

Lors de la présentation du document du Oui et du Non, le haussaire Patrice Faure a tenu à rassurer sur son contenu concernant le Non, bien moins volumineux que celui sur le Oui : "L'indépendance suscite bien sûr plus de changements et de questionnements que le maintien dans la France." Et ledit document de prévenir que ce choix ne constitue en rien "la consécration du statu quo actuel".

En clair, le choix du maintien marquera "le début d'un nouveau chapitre" qui "reste à écrire". Les préférences pour l'emploi et le foncier, le gel du corps électoral ou encore le transfert des compétences font partie des points à voir.

Le document explique également que si la troisième consultation aboutissait au rejet de l'indépendance, la Nouvelle-Calédonie ne disparaîtrait pas automatiquement de liste de l'ONU des pays à décoloniser. Et ajoute : "Que les parties prenantes calédoniennes et l'État s’accordent sur un statut nouveau pour la Nouvelle-Calédonie n’exclut pas que celui-ci s’accompagne d’un droit à l’autodétermination réaffirmé́."

Retrouvez le détail des conséquences du Oui et du Non dans cet article et le document officiel à cette adresse.