L’annonce est tombée mercredi soir : le troisième référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, aura lieu le 12 décembre 2021. Désormais, comment vont se profiler les prochains mois ?
C’est officiel : le Caillou vivra son troisième et dernier référendum prévu par l’Accord de Nouméa, dans moins de sept mois, à savoir le 12 décembre 2021. Dès le retour des responsables politiques calédoniens de Paris, la machine se mettra de nouveau en route pour les partisans du Oui comme du Non, moins d'un an après le dernier scrutin. Voici six questions qui se posent après l'annonce de la date de ce référendum.
1. La date du 12 décembre 2021 fait-elle consensus ?
En 2020, les avis divergeaient déjà sur les modalités d'organisation du deuxième référendum. Si la date est désormais fixée pour le troisième scrutin, elle ne fait pas consensus, au sein des politiques calédoniens présents à Paris. Du côté des Loyalistes, qui prônent depuis le début pour un référendum avant la fin de l'année, leur souhait a été en quelque sorte exaucé. Virginie Ruffenach, de l'Avenir en Confiance, comme Gil Brial, deuxième vice-président de la province Sud, saluent la décision de l'Etat et se disent satisfaits des discussions parisiennes. Pour Calédonie ensemble, qui souhaitait avant tout que la situation sur le référendum soit claire, "la perspective est désormais tracée" grâce à l'Etat. Pour Philippe Gomès, député et président du parti, "la date de 2021 est la bonne date."
Mais dans le camp indépendantiste, les réactions sont plus mitigées. Au sein de l'Union calédonienne, seule branche du FLNKS présente aux discussions parisiennes, Pierre-Chanel Tutugoro, secrétaire général du parti évoque "une procédure qui est choquante mais c'est la procédure qui a été utilisée; je pense que l'Etat l'assume pleinement". L'UC prend acte de la décision de l'Etat mais pour le parti, leur proposition n'a pas été entendu. "On attend notre délégation qui est allée à Paris, pour nous expliquer les arguments qui ont été mis en avant pour qu'on puisse ensuite débattre et échanger dans nos instances." Les indépendantistes souhaitaient en effet un scrutin à l'automne 2022, "pour se laisser le temps de partager, de travailler sur le document", expliquait Gilbert Tyuienon, vice-président de l'UC, il y a quelques jours.
L'Etat, par la voix de Sébastien Lecornu, a affirmé, quelques heures après l'annonce officielle, que cette affaire de date, "n'est pas un camp contre un autre." Le ministre des Outre-mer est conscient que le 12 décembre 2021 ne fait pas consensus "mais le principe du troisième référendum, lui, est consensuel", précise-t-il.
2. Peut-elle encore bouger ?
La fixation de cette date relève de la compétence exclusive de l'Etat, qui, pour cela, doit prendre un décret portant convocation des électeurs. Pour le choix de cette date, Sébastien Lecornu parle d'un rétro planning, qui amenait donc au 12 décembre 2021.
Pour rappel, les dates des deux derniers référendums ont été fixées dans des contextes différents. En 2018, c'est l'Etat, par la voix du Premier ministre de l'époque, Edouard Philippe, qui avait demandé aux politiques calédoniens de prendre leur responsabilité pour fixer le premier référendum. En mars 2018, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie avait donc adopté, à l'unanimité, la date du 4 novembre 2018, pour le premier scrutin.
Pour le deuxième référendum, l'Etat avait initialement fixé le 6 septembre 2020. Mais en mai, le FLNKS avait demandé son report, en raison de la crise du Covid-19. Une demande envisagée sérieusement à l'époque par l'Etat. En juin, une majorité des élus du Congrés de Nouvelle-Calédonie, appelée à se prononcer sur le projet de décret, avait souhaité que le référendum se tienne plutôt le 25 octobre. Mais l'Etat avait tranché et proposé la date du 4 octobre 2020.
3. La question posée sera-t-elle la même que pour les deux derniers scrutins ?
En 2018, lors du premier référendum, la question posée aux Calédoniens avait fait l'objet d'un débat, entre indépendantistes et non-indépendantistes, concernant les termes utilisés tels que "indépendance" et "pleine souveraineté". La question retenue pour le référendum de 2018 a été conservée pour celui de 2020 : "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?" Pour le moment, aucune information sur un éventuel changement n'a été donnée, la question reste, pour l'heure, la même.
4. Quelles seront les prochaines étapes importantes avant le 12 décembre 2021 ?
Organiser un référendum n'est pas une mince affaire, et ces dernières années, les modalités d'organisation ont créé le débat, comme en 2020, lorsqu'a notamment été évoquée au Congrès, l'utilisation du drapeau tricolore. Première chose à retenir : un comité des signataires se tiendra entre le 17 et le 21 juin, pour la préparation et le bon déroulement du troisième référendum, a annoncé le ministre des Outre-mer. Ce dernier sera en visio-conférence depuis Paris.
Comme pour les deux précédents scrutins, pour pouvoir voter, il faudra être inscrits sur la liste électorale générale, puis sur la liste électorale spéciale. Pour les habitants de Belep, l'île des Pins, Ouvéa, Lifou ou Maré, on imagine que les bureaux de vote délocalisés ainsi que les procurations seront de nouveau en place. Un dispositif prévu dans la loi organique du 19 avril 2018 et déjà mis en œuvre lors des deux précédentes consultations. Les inscriptions valables en 2020 seront-elles encore valides pour le 12 décembre 2021 ? Des précisions devraient être apportées dans les prochains mois, tout comme l'épineuse question de l'inscription automatique sur la liste électorale spéciale.
Comme pour les deux derniers scrutins, le même dispositif pour veiller à la régularité et la sincérité du vote pourrait être mis en place. Des délégués de la commission de contrôle pour le référendum seraient alors de nouveau envoyés en Nouvelle-Calédonie. En 2020, ils étaient 235, majoritairement des fonctionnaires de l'Etat répartis dans les bureaux de vote. Leur mission : s'assurer que toutes les conditions pour voter sont bien respectées : listes d'émargement, isoloir présent, pas de perturbateurs etc...
Quant à la campagne officielle, elle devrait durer deux semaines et prendre fin l'avant-veille du scrutin, même si dans les faits, toutes les formations politiques militent plusieurs mois auparavant. En 2020, elle était d'ailleurs plus frontale que la précédente.
En matière de sécurité, on peut s'attendre à une montée en puissance des forces de l’ordre; 1 200 policiers ou gendarmes supplémentaires avaient été annoncés en 2018. Leur mission : sécuriser les routes, pour assurer la libre circulation des électeurs, et les bureaux de vote.
5. Quelle est cette "période de transition" évoquée par Sébastien Lecornu ?
"On se doit d'avoir une période qui permet de fixer et de sécuriser la vie économique, financière, monétaire, bancaire calédonienne", a précisé Sébastien Lecornu, dans son entretien à la sortie du conseil des ministres mercredi. Cette période doit démarrer au lendemain du troisième référendum, soit le 13 décembre 2021, et se terminer le 30 juin 2023. Le ministre la décrit comme une période de convergence, de discussion et de stabilité.
Il faudra notamment réinventer l'avenir des institutions, les liens avec l'Etat et bien d'autres aspects, détaillés dans le document publié par l'Etat, sur les conséquences du Oui et du Non. En bref, il faudra définir un nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie, quelle que soit l'issue du vote. Si la consultation du 12 décembre 2021 aboutit à un Oui à l’indépendance, un nouveau projet qui portera sur la Constitution du nouvel état dans toutes ses composantes devra être défini. "Le lien avec la France sera alors précisé", a indiqué le ministre des Outre-mer. En revanche, si la dernière consultation aboutit à un Non à l’indépendance, il faudra un nouveau projet qui portera sur "le développement de la Nouvelle-Calédonie et ses futures institutions dans la République française"
Un dialogue multilatéral sur le contenu de la période de transition sera prochainement engagé, a indiqué Sébastien Lecornu et le dialogue va continuer, y compris avec les absents "vers lesquels la main de l'Etat reste tendue", a-t-il précisé.
6. Pourquoi parle-t-on d’un référendum en 2023 ?
Quelle que soit l'issue du vote et donc le nouveau projet à définir, dans son entretien avec la 1ère, Sébastien Lecornu parle d'un "référendum de projet" qui doit avoir lieu avant le 30 juin 2023, fin de la période de transition. Ce référendum de projet doit permettre "l’approbation des nouvelles institutions calédoniennes", a-t-il expliqué. Il ne "s'agira pas d'un quatrième référendum" a précisé le ministre, mais du "premier référendum" d'une nouvelle ère. Il faudra dans tous les cas de figure, parvenir à une vision commune de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.