"Le parcours du cancer est jalonné par la mort en Martinique." Lors de la séance des questions au gouvernement de mercredi 27 mars, le député martiniquais Johnny Hajjar (Socialistes et apparentés) a volontairement voulu choquer pour attirer l'attention sur un problème qui touche son territoire.
Hausse des files d'attente, délais de prise en charge beaucoup trop longs, sous-effectif chronique, locaux vétustes... "La situation de la prise en charge du cancer en Martinique est une catastrophe sanitaire depuis plusieurs années, et sa dégradation progresse de façon explosive, a-t-il alerté. Je pèse mes mots, et j'affirme qu'il s'agit d'un véritable scandale d'État après celui du chlordécone."
Ce problème de santé publique ne touche pas que la Martinique : plusieurs territoires d'Outre-mer accusent un retard patent dans la prise en charge des cancers. Et la conséquence est grave : des patients en viennent à renoncer à se faire soigner.
Un plan d'action "très ambitieux" à venir
Les chances de survie sont parfois largement moindres dans les territoires ultramarins que dans les départements de l'Hexagone. En février, une étude de l’Institut national du cancer, de Santé publique France, du réseau Francim des registres des cancers et des Hospices Civils de Lyon révélait une forte disparité dans la survie des personnes atteintes de cancers en Guadeloupe : pour un cancer du corps de l'utérus, le taux de survie était de 55 % dans l'archipel antillais, contre 77 % pour l'Hexagone. Les différences sont tout aussi frappantes pour les cancers du sein (79 % contre 88 %), colorectal (57 % contre 63 %) ou encore du col de l'utérus (57 % contre 63 %).
Le problème est d'autant plus préoccupant que les populations ultramarines ont parfois des taux de prévalence très élevés sur certains cancers, comme sur celui de la prostate, en lien avec le scandale du chlordécone. Avec 220 cas pour 100 000 habitants aux Antilles, contre 90 cas dans l’Hexagone, ce cancer est le plus fréquent chez les hommes qui vivent en Guadeloupe et en Martinique.
Retrouvez la vidéo "Minute santé" sur ce sujet :
"Le gouvernement est tout à fait conscient de cette question", a répondu le ministre délégué chargé de la Santé, Frédéric Valletoux. Lors du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) de juillet 2023, l'exécutif s'est engagé à réduire les délais de prise en charge du cancer dans les territoires ultramarins. Les moyens de prévention et de détection des quatre cancers les plus répandus Outre-mer – cancer colorectal, du sein, du col de l'utérus et de la prostate – doivent être doublés.
Par ailleurs, un comité de travail a été mis en place en décembre de l'année dernière autour des ministres des Outre-mer, de la Santé, des parlementaires, des présidents de collectivités, des fédérations et des associations, pour trouver des solutions pérennes. Un grand plan d'action "très ambitieux", selon Frédéric Valletoux, doit être présenté dans les prochains mois.