Soins palliatifs, une situation inégalitaire dans les territoires ultramarins

Le gouvernement a pour objectif d'ouvrir une unité de soins palliatifs en Guyane dès 2024.
Le ministère de la Santé souhaite renforcer l'offre de soins palliatifs sur tout le territoire national, avec notamment l'ouverture d'une unité spécialisée en Guyane dès 2024. Comme Mayotte, ce département ultramarin ne dispose que d'une équipe mobile de soins palliatifs.

Soulager les douleurs, et accompagner les patients. C'est l'objectif des soins palliatifs. Contrairement aux idées reçues, les soins palliatifs ne sont pas seulement destinés aux personnes en fin de vie. À l'aide d'une équipe pluridisciplinaire, les professionnels de santé opérant en soins palliatifs ont vocation à apaiser les souffrances des personnes atteintes d'une maladie grave, mais aussi à soutenir leur famille. 

Depuis 1999, l'accès aux soins palliatifs est un droit reconnu par la loi. Pourtant, selon une estimation de la Cour des comptes, la moitié des patients qui pourraient y prétendre n'y ont pas accès. Un constat exacerbé dans les territoires ultramarins.

Une offre inférieure dans les Outre-mer

Dans le plan national 2012-2024, consacré au "développement des soins palliatifs et accompagnement de la fin de vie", le soutien de la filière palliative dans les territoires ultramarins figure parmi les mesures phares. Pour cause, le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) qualifiait, en 2021, l'offre dans les territoires ultramarins comme étant " inférieure par rapport à la France métropolitaine."

Selon l'Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, dirigé par le CNSPFV, la France comptait 7 546 lits hospitaliers en soins palliatifs fin 2021. Avec un total de 2,9 lits en unité de soins palliatifs (LUSP) pour 100 000 habitants. Une offre très hétérogène selon les départements. En Guadeloupe, il y a 2,6 LUSP pour 100 000 habitants, à La Réunion 0,7, et en Martinique 3,1.

La Guadeloupe, la Martinique et La Réunion disposent de leur propre unité de soins palliatifs.

"Une impulsion forte"

Dans un entretien au Monde publié samedi 6 avril, la ministre de la Santé et des solidarités, Catherine Vautrin, a détaillé le plan de développement des soins palliatifs du gouvernement. Avec une enveloppe de 1,6 milliard d'euros par an, gonflée par un budget de 1,1 milliard de plus sur dix ans, le gouvernement entend "donner une impulsion forte" à l'offre de soins palliatifs. 

Notamment en étoffant le dispositif en hospitalisation à domicile, en passant de 55 000 places en 2021, à 70 000 places en 2024. Contrairement à l'offre faible voir inexistante de lits en soins palliatifs dans les établissements de santé dans les territoires ultramarins ; la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion figurent parmi les départements les mieux dotés du pays en nombre de places d'hospitalisation à domicile, avec plus de 36 places pour 100 000 habitants.

 Une unité en Guyane dès 2024

Le gouvernement prévoit également de créer des unités de soins palliatifs (USP) dans les départements qui n'en disposent pas. C'est le cas pour 21 départements, dont deux ultramarins : la Guyane et Mayotte. Lors de cet entretien, Catherine Vautrin a annoncé, dès 2024, l'ouverture d'USP dans le Cher, les Ardennes, les Vosges, l’Orne, le Lot, la Lozère, les Pyrénées-Orientales, la Mayenne et la Guyane. 

" Il restera une dizaine de départements pour lesquels la situation est plus compliquée parce qu’il nous faut recruter les soignants et identifier des établissements sanitaires d’accueil, a complété la Ministre de la Santé et des Solidarités. Notre objectif, c’est d’y parvenir en 2025 pour que tous les départements disposent d’une unité de soins palliatifs."

Mayotte et la Guyane ne disposent pas d'unité de soins palliatifs. La ministre de la Santé a annoncé l'ouverture d'une unité de soins palliatifs en Guyane dès 2024.

Augmentation de tous les effectifs

Les objectifs ne s'arrêtent pas là. Ce plan décennal a pour ambition d'augmenter le nombre d'équipes mobiles de soins palliatifs et de définir les "maisons d'accompagnement", "un lieu qui n'est plus réellement médicalisé comme un centre hospitalier, mais qui accueillera des personnes très gravement malades", précise la ministre. 

Les soins palliatifs se déclinent sous différentes formes. Hospitalisation à domicile, en établissement de santé, délivrance des soins par les professionnels de santé habituels ou une équipe mobile, le dispositif s'adapte à la situation du patient, mais aussi aux moyens disponibles sur place. Mayotte et la Guyane, qui ne disposent pas d'unité de soins palliatifs (USP), sont dotés d'une équipe mobile. 

Un projet de loi controversé

Ces mesures s'inscrivent dans le projet de loi sur la fin de vie présenté ce mercredi 10 avril en conseil des ministres. Largement débattu, ce texte prévoit l'autorisation de "l'aide à mourir" jusqu'alors interdite en France.

 

Selon certains professionnels de santé, comme La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), autoriser l'euthanasie et le suicide assisté risque de freiner le développement de la pratique des soins palliatifs.

Chef du service de soins palliatifs à la clinique Sainte-Clothilde à La Réunion, le Dr Olivier Collard, n'est ainsi pas favorable au projet de loi sur une "aide à mourir"

" C’est la douleur, l’isolement, le fait de ne plus être inclus dans la société, qui pousse à demander à mourir. S’ils sont pris en charge, dans 9 cas sur 10, les patients ne demandent plus à mourir."

Dr Olivier Collard, chef du service de soins palliatifs à La Réunion

Mais les avis divergent, parfois, au sein du même établissement. Selon Bruno Bourgeon, néphrologue à la clinique Sainte-Clothilde et vice-président du comité d’éthique de La Réunion, les soins palliatifs ont leur limite. 

"Je suis d’accord, j’acquiesce, j’adhère, je signe, mais néanmoins, il y a des situations où les soins palliatifs sont dépassés, où les douleurs sont insupportables, où les cancers sont généralisés, où les douleurs sont physiques et morales. Dans ces situations, on ne peut plus rien faire d’autre que de provoquer un accompagnement jusqu’au soin ultime, c’est-à-dire jusqu’au décès".

Bruno Bergeron, néphrologue à la clinique Sainte-Clothilde

Le projet de loi sera examiné à l'Assemblée Nationale le 27 mai.