"J'ai commencé à avoir des douleurs qui m'ont fait aller aux urgences tous les mois. J'étais sous morphine. Pour mon gynéco de l'époque, tout était normal", explique Sarah, 33 ans, dans un reportage de Nouvelle-Calédonie la 1ère. "C'est une douleur qui est vraiment intense, comme si on vous mettait un coup de poignard dans le dos", tente de décrire une endogirl guadeloupéenne.
Les endogirls, c'est la communauté de femmes atteintes de l'endométriose, cette pathologie qui part de l'utérus et connue pour causer des souffrances inimaginables dans le bas-ventre, notamment au moment des règles. Des souffrances qui peuvent aussi se manifester pendant ou après les rapports sexuels, ou au moment de déféquer ou d’uriner. 70% des personnes atteintes souffriraient ainsi de douleurs chroniques invalidantes.
L'intestin ou les poumons
Pourquoi ? Parce que l'endométriose est en fait une anomalie de l'endomètre, c'est-à-dire de la muqueuse qui tapisse l'intérieur de l'utérus. Celle-ci est normalement évacuée pendant les règles, mais lorsqu'une femme est atteinte d'endométriose, des cellules de l'endomètre remontent dans les ovaires ou migrent vers d'autres organes. Les plus fréquemment touchés sont :
- les ovaires
- les ligaments utérosacrés (ligaments reliant l’utérus au sacrum, l'os reliant la colonne vertébrale au bassin)
- le rectum
- la vessie
- le vagin
Une même patiente peut être touchée à plusieurs organes. Dans des cas plus rares, des lésions peuvent même apparaître à distance de l’utérus, par exemple dans l'intestin, ou même dans les poumons. Pour mieux comprendre le phénomène, on vous l'explique en une minute et en images dans cette vidéo :
Dépression et infertilité
Les douleurs pelviennes ne sont pas les seuls symptômes. Certaines femmes peuvent ne présenter aucun symptôme alors que d'autres peuvent avoir :
- des saignements abondants pendant ou entre les règles
- des ballonnements ou des nausées
- une fatigue intense
- une dépression ou de l’anxiété
- des difficultés à tomber enceinte.
Sur ce dernier point, 40% des cas d'infertilité seraient dus à l'endométriose, en faisant ainsi l'une des principales causes de stérilité chez les femmes.
Les formes d’endométriose
La pathologie était avant classifiée en quatre niveaux : stades I – II – III – IV. Désormais, on parle désormais de trois formes d’endométriose :
- l’endométriose superficielle : elle est localisée principalement dans le péritoine (membrane qui recouvre la cavité abdominale et les viscères qu'elle contient) ;
- l'endométriose ovarienne : c'est un kyste de l’ovaire caractérisé par son contenu liquide couleur chocolat ;
- l’endométriose profonde : elle s'infiltre à plus de 5 mm sous la surface du péritoine et touche typiquement les ligaments utérosacrés, l'intestin ou la vessie.
"Rappelons qu’il n’y a pas de corrélation entre l’intensité de la douleur ou le type d’endométriose et qu’une endométriose superficielle peut être très douloureuse en raison de la présence de nombreux nerfs", précise EndoFrance sur son site internet.
Présidée par une Réunionnaise, Yasmina Candau, EndoFrance est une association française de lutte contre l'endométriose qui vient en aide aux femmes touchées par cette maladie. Elle a notamment des antennes à La Réunion, en Martinique et en Nouvelle-Calédonie.
De 7 ans d'attente à quelques jours ?
Elle tente d'agir auprès des pouvoirs publics pour améliorer la recherche médicale et le parcours de soins car, bien que cette pathologie touche en moyenne une femme sur 10, ses mécanismes restent mal connus. Il faut en moyenne sept ans pour diagnostiquer la maladie. C'est ainsi le temps qu'a attendu la basketteuse martiniquaise Sandrine Gruda avant de savoir qu'elle était atteinte d'endométriose.
Mais cela peut être plus long. Ce fut le cas pour Corinne Faure, une Guadeloupéenne. "À partir de la 4e, lorsque j'avais mes règles, je souffrais énormément, à tel point qu'on devait venir me récupérer parce que je ne pouvais rester que couchée au sol, témoigne-t-elle. Ma mère m'a emmenée voir le médecin de famille qui a dit que c'était normal d'avoir des douleurs pendant les règles." Si après son bac, elle rencontre un gynécologue qui lui prescrit des médicaments, elle n'apprend que 20 plus tard, à 38 ans, ce qu'elle a réellement.
Mais une solution se dessine actuellement pour éviter cette errance thérapeutique. Il s'agit d'un test salivaire baptisé Endotest, développé par Ziwig, une start-up française basée à Lyon. Le principe est simple : les femmes réalisent elles-mêmes le prélèvement de la salive à l'aide d'un kit, renvoient ce dernier au laboratoire qui donne les résultats au bout de quelques jours, d'après l'entreprise. Des résultats qui, selon les premières études réalisées, sont fiables à 95 %.
La Haute autorité de santé (HAS) a reconnu début janvier 2024 "le caractère novateur et l'efficacité diagnostique de ce test" et a proposé que certaines femmes puissent y avoir accès. Mais elle attend des études complémentaires avant un éventuel remboursement généralisé.
Filière de soins en construction
L'autre axe de travail est la prise en charge des patientes. En janvier 2022, l'État a lancé une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose qui repose sur le développement de la recherche, la formation des professionnels et la mise en place de filières de soins régionales.
Si plusieurs filières se sont créées dans l'Hexagone, elles sont "en construction" dans les Outre-mer où il n'existe pas non plus de pôle médical dédié à la maladie. Un projet de centre spécialisé avait cependant été évoqué à La Réunion fin 2022.