Une délégation du collectif des ouvriers agricoles empoisonnés par les pesticides a été reçu ce mercredi 27 janvier à L’Elysée. "Ils nous ont écouté poliment", affirme un membre de cette délégation qui indique que le collectif est dans "une phase de lobbying" pour présenter ses revendications.
Une délégation composée de cinq membres du COAADEP, le collectif des ouvriers agricoles empoisonnés par les pesticides a été reçue ce mercredi 27 janvier à L’Elysée par le conseiller Outre-mer du président de la République, le conseiller Santé du Premier ministre et le conseiller Santé du ministre des Outre-mer.
"Les conseillers nous ont écouté poliment", indique Marie-Joseph Pinville, l'un des membres de cette délégation qui ajoute, "ils sont restés sur le plan chlordécone 4 (2021-2027), ils n'ont pas répondu à nos revendications comme la prise en charge de tous les frais médicaux des ouvriers agricoles, la mise en oeuvre d'une campagne de dépistages sanguins ou la mise en place d'épiceries solidaires permettant de mettre à disposition des victimes du chlordécone une alimentation et un approvisionnement en eau exempts de produits phytosanitaires, en raison de leur état de santé. Nous allons poursuivre nos rendez-vous à Paris avec des élus et, de retour en Martinique, nous continuerons notre enquête auprès des ouvriers agricoles. Ensuite, si nous ne sommes pas entendus, nous organiserons la mobilisation".
Créé en septembre 2019, ce collectif milite pour la prise en compte de la situation des ouvriers agricoles qui étaient les premières victimes de l’épandage des pesticides et dont la situation n’était pas prise en compte dans les débats sur l’empoisonnement. Il est constitué des ouvriers concernés et de leurs ayants droit, car beaucoup sont décédés des conséquences de l’empoisonnement. Il est appuyé dans son travail par trois commissions de travail regroupant des personnels de santé, des juristes et des militants sociaux.
Lobbying
Quatre réunion de secteurs ont été organisées pour faire entendre les témoignages des victimes, informer le public et les élus indique le collectif. Des rencontres ont également été organisées avec tous les parlementaires et des autorités religieuses pour leur présenter les objectifs du collectif. "Nous sommes dans une phase de lobbying pour faire connaître et entendre les revendications des ouvriers agricoles".
Le collectif a également entrepris des actions de soutien à des ouvriers gravement malades et délaissés par les administrations françaises. Une cagnotte en ligne a été lancée pour conforter cette démarche de soutien.
Revendications
Le Collectif rappelle que le président de la République a reconnu "symboliquement, la responsabilité de l'Etat français" en septembre 2018 et avait également annoncé "la possible reconnaissance comme maladie professionnelle des pathologies dont sont affectés les ouvriers agricoles" mais, "deux ans plus tard, les ouvriers ne jouissent toujours pas de ce régime d’indemnisation".
Dans une liste de onze revendications, le collectif demande la prise en charge de tous les frais médicaux des ouvriers agricoles en activité ou à la retraite et/ou leurs ayant droit, la mise en œuvre d'une campagne de dépistages sanguins afin de déterminer le taux de pesticides et de chlordécone dans le sang, la revalorisation des retraites et la reconstitution de leurs carrières ou encore l'indemnisation des préjudices corporel, moral, d'anxiété et économique subis.
La décontamination de l'ensemble des populations, la dépollution des sols et la réfection des réseaux de distribution d'eau en Guadeloupe et en Martinique font également partie des revendications du collectif.
Prescription
Ce rendez-vous à l'Elysée avec les conseillers du chef de l'Etat, du Premier ministre et du ministre des Outre-mer intervient quelques jours après la perspective d'une possible prescription dans le scandale du chlordécone et qui a suscité de nombreuses réactions de colère.
Alfred Marie-Jeanne, président du conseil exécutif de la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique), a adressé un courrier au chef de l'Etat le 21 janvier 2021 en prenant soin d'informer Ary Chalus, président du Conseil Régional de Guadeloupe. "Les Martiniquais ont besoin de vérité et de justice dans cette affaire", a notamment écrit Alfred Marie-Jeanne en demandant à Emmanuel Macron d'intervenir afin de prendre "toutes les dispositions nécessaires pour que les Guadeloupéens et les Martiniquais reçoivent un traitement équitable, le soutien de l'État et une réponse proportionnée aux préjudices subis".
Dans un entretien accordé à Outre-mer la 1ère, Daniel Dalin, le président du Créfom, le Conseil représentatif des Français d'Outre-mer, indiquait pour sa part qu'"un non-lieu serait la pire réponse que l'on pourrait faire aux pleuples d'Outre-mer", ajoutant, "on peut considérer ça [l'affaire du Chlordécone] comme une crime contre l'humanité et il me semble qu'il n'y a pas de prescrition pour les crimes contre l'humanité".
Le député de Martinique Serge Letchimy, rapporteur en 2019 d’une importante commission d’enquête parlementaire sur le scandale du chlordécone, estime que "l'Etat n'assume pas toutes ses responsabilités", malgré l’engagement pris par Emmanuel Macron en déplacement aux Antilles en 2018. "Le président Macron est le seul président de la République au cours de ces 25 dernières années qui a déclaré que l'Etat doit assumer ses responsabilités. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. L'Etat n'assume pas toutes ses responsabilités face à ce drame de pollution de 92% des Martiniquais et 97% des Guadeloupéens qui ont dans leur sang de la chlordécone. Et près de 50 à 60% des terres de Guadeloupe et de Martinique sont polluées, donc l'Etat ne peut pas ne pas assumer", a notamment indiqué Serge Letchimy.
- Pour aller plus loin, notre dossier "Le chlordécone, un scandale d’Etat"