Au mois de juillet dernier, il était proche de tutoyer les sommets de l’Olympe. Battu en finale de l’épreuve d’épée par le Japonais Koki Kano 15 à 9, Yannick Borel a inscrit à son immense palmarès la seule ligne qui lui manquait : une médaille olympique en individuel. "Mine de rien, c'était une belle journée", se souvient-il. Le Guadeloupéen visait l’or et s’était préparé pour, tout en sachant qu’il n’était pas le plus attendu des tireurs français ce jour-là. "Je sais que je n’étais pas celui sur qui on misait le plus, mais je savais de quoi j’étais capable".
L’épéiste de 35 ans semblait pourtant imbattable lors de l’épreuve individuelle. "Il a été très bon durant cette compétition [durant les JO de Paris, NDLR]. Il a été généreux et solide jusqu’à la fin. Il a su trouver la force et l’intelligence pour se maintenir au top", analyse son coéquipier Luidgi Midelton.
L'escrime au second plan
La ferveur des Jeux étant retombée, Yannick Borel se ressource et profite de sa notoriété grandissante. "Aujourd’hui, les gens me reconnaissent un peu plus dans la rue. Avant, on me décrivait comme un escrimeur, aujourd’hui les gens connaissent mon nom et mon prénom. Ils savent qui je suis", glisse celui qui avait décroché le titre de champion du monde en 2022. Invité à de nombreux évènements, on le voit un peu partout : au Tour cycliste de la Guadeloupe, à des évènements privés ou encore au carnaval tropical de Paris. "Je profite de cette médaille, je la partage. Je profite de moments que je n’avais pas le temps de vivre quand j’étais très concentré sur l’escrime".
Malgré son moment de gloire, le Guadeloupéen n'a pas encore repris le chemin des pistes d'escrime, il prend le temps de souffler. "Je suis à un moment de ma vie où je mets l’escrime sur un plan secondaire, confie-t-il. Jusqu’à décembre au moins, ça va être quelque chose de secondaire", avance-t-il. Mais, attention, le vice-champion olympique 2024 ne tire pas pour autant un trait sur sa carrière.
"Ça n’a pas été simple"
Sous le feu des projecteurs en juillet suite à sa médaille et célébré en héros lors de son retour en Guadeloupe – de nombreux supporters l’avaient accueilli à son arrivée à l’aéroport – Yannick Borel a subi le contrecoup des JO comme de nombreux athlètes ayant participé à cet évènement. "Ça n’a pas été simple, car quand on s’engage dans un projet et qu’on se focalise dessus pendant de nombreuses années, quand ça passe, on se dit que c’est déjà fini. Puis je n’ai pas eu la médaille que je voulais et il y a aussi eu la frustration de l’épreuve par équipes. On va dire qu’il y a eu une forme de petite dépression, livre-t-il. Mine de rien, pendant un moment, on est dans une bulle et on y reste. Il y a eu la médaille puis la célébration, on est dans un monde un peu à part et quand tout s’arrête, c’est souvent un peu brusque". Ce "post-blues olympique" est un "phénomène classique" explique Meriem Salmi psychologue de sportifs, interrogé à ce sujet par le journal Ouest-France en 2021.
L’année 2024 de Yannick Borel aura été marquée par de nombreux rebondissements, entre son départ de l’INSEP sur fond de tensions avec l’ancien manageur de l’arme Hugues Aubry et sa blessure lors des championnats d’Europe. Bien entendu, l’épéiste guadeloupéen ne s’est pas effondré après les Jeux et n’a pas été pris d’idées noires. "J’ai quand même bien géré cet épisode et puis il y avait ma famille qui m’a aidé à bien apprécier cette médaille. Dans le contexte, ils savaient que pour eux ça allait être compliqué aussi", relate-t-il.
Aucun objectif sportif en 2025 pour le moment
Redescendu de son nuage ou pas, Yannick Borel a déjà plein de projets professionnels pour la suite. "J’ai quelques projets qui se mettent en place, explique-t-il. Mais en même temps, j'ai encore des événements liés à ma médaille que je dois honorer. Donc, on va dire qu'on est entre profiter un peu de cette médaille et préparer mon avenir professionnel." Il va aussi se dégager un peu de temps pour travailler avec les jeunes et faire émerger de nouveaux Yannick Borel. "Je pense que j'aurai un peu plus de temps et je vais pouvoir un peu plus me rapprocher des jeunes et contribuer d'une façon ou d'une autre à leur apprentissage, mais ce n'est pas encore bien dessiné".
Faire une petite coupure d’escrime, je pense que c'est nécessaire.
Yannick Borel
Natif de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, Yannick Borel possède l’un des plus beaux palmarès de sa discipline. À la question de savoir s’il va prolonger l’aventure jusqu’aux Jeux de Los Angeles en 2028, il se laisse le temps de la réflexion. "J’ai un peu fait le tour, il faut quand même prendre le temps de redescendre, donc je me dis que d’ici décembre, je verrai un peu plus clair là-dessus. En attendant, je me concentre sur mes enfants et sur des choses que je devais faire depuis longtemps". Talentueux et élégant sur les pistes, Yannick Borel, l’escrimeur au large sourire, laissera quoi qu’il en soit un souvenir impérissable aux fans de la discipline.