"Monsieur le Premier ministre, quelles sont vos propositions concrètes ?" : les élus d'Outre-mer réclament des mesures urgentes face aux crises

Le député de Martinique Jiovanny William à l'Assemblée nationale.
En remettant l'annonce des grandes lignes de la politique ultramarine que compte mener le gouvernement à début 2025, Michel Barnier et son ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, ne rassurent toujours pas les députés. Mercredi 2 octobre, lors de la séance de Questions au gouvernement, ils ont été pressés de préciser leur feuille de route.

"Quelle sera votre méthode ?", demande presque naïvement le député de Saint-Martin et Saint-Barthélemy Frantz Gumbs (Les Démocrates) en se tournant vers le banc où sont assis Michel Barnier et ses ministres. Poser ouvertement la question revient à faire le constat que, depuis l'annonce du nouveau gouvernement, la nomination de François-Noël Buffet au ministère des Outre-mer, et le discours de politique générale du Premier ministre, la feuille de route Outre-mer de l'exécutif n'est pas très claire. Et le fait que la question émane d'un député qui soutient la coalition gouvernementale entre la droite et le centre n'est pas anodin. 

Lors de la première séance de Questions au gouvernement de cette législature, mercredi 2 octobre, pas moins de cinq Ultramarins (sur les onze interventions de l'après-midi) ont interpelé le pouvoir. Tous ont réclamé des assurances de la part du gouvernement pour que les Outre-mer, où les crises s'accumulent de la Nouvelle-Calédonie à la Martinique, en passant par la Guyane, Mayotte et La Réunion, soient une priorité de la politique gouvernementale.

"Ne vous moquez pas du peuple"

"Nos concitoyens consacrent une part significative de leur salaire à se nourrir. Ils aspirent à vivre dignement et non à survivre. (...) La souffrance du peuple est là", a clamé le député PS de Martinique Jiovanny William. Depuis le début du mois de septembre, son île, où les prix de l'alimentaire sont en moyenne 40 % plus élevés que ceux dans l'Hexagone, vit un mouvement social d'ampleur contre la vie chère. "Vous devez prendre vos responsabilités et vous déplacer urgemment en Martinique et en Guadeloupe, notamment pour annoncer des mesures à court et moyen terme dans un premier temps", a-t-il réclamé au Premier ministre.

Le nouveau ministre des Outre-mer François-Noël Buffet, qui participait à sa première séance parlementaire en tant que membre du gouvernement, s'est voulu rassurant : "La question de la vie chère en Outre-mer (...) sera au cœur des discussions et de l'action du gouvernement", a-t-il affirmé. 

Mais les réponses concrètes se font toujours désirer. L'ancien sénateur Les Républicains a rappelé certaines des mesures issues du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) de 2023, comme la régulation des prix du carburant, ou encore le renforcement des contrôles de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Mais rien de nouveau. Les réponses seront apportées au premier trimestre 2025, après un nouveau CIOM, promet François-Noël Buffet. "Monsieur le ministre, ne vous moquez pas du peuple, il vous regarde", a mis en garde Jiovanny William.

France lointaine

Pendant la même séance à l'Assemblée nationale, l'élue mahoraise du Rassemblement national, Anchya Bamana, a exigé des gages sur la lutte contre l'immigration illégale dans son département, tandis que les deux députés de Nouvelle-Calédonie ont demandé une explication de texte sur l'annonce par le Premier ministre Michel Barnier, la veille, de l'abandon du projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral calédonien. "Je souhaite que l’on retrouve le chemin de l’apaisement", a alors indiqué le chef du gouvernement.

L'"apaisement" est devenu le mot d'ordre du pouvoir. Interrogé par l'élu du MoDem Frantz Gumbs, François-Noël Buffet a promis que sa méthode impliquerait un "dialogue nourri, transpartisan, élargi aux acteurs de terrain". "La France lointaine n'est pas moins importante que celle qui est proche de la tour Eiffel", a averti le député de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Le gouvernement dans son entier est au travail pour traiter la situation de nos Outre-mer. Nos Outre-mer ne sont pas loin. Ils sont géographiquement loin, mais ils sont très proches de nous dans nos préoccupations.

François-Noël Buffet, ministre en charge des Outre-mer

D'année en année, le lien entre l'exécutif à Paris et les territoires d'Outre-mer se distend. Mardi, encore, les parlementaires ultramarins ont accueilli avec une certaine froideur le discours de politique générale de Michel Barnier, qu'ils soient issus de la gauche ou de la droite. Le ministre des Outre-mer assure que tous les dossiers seront traités de manière interministérielle et en étroite relation avec les services du Premier ministre, signe d'une considération accrue apportée aux Ultramarins. Le gouvernement Barnier, qui ne jouit que d'un soutien minoritaire et instable à l'Assemblée nationale, est prévenu par le Martiniquais Jiovanny William : "En tant qu'élus, nous ne baisserons jamais les bras. Nou doubout deyè sa nou ka dit".