Les Outre-mer, c'est quoi ? La Guyane

Vue du fleuve Approuague en Guyane
La Guyane est le plus vaste territoire des Outre-mer. Sa surface, équivalente à celles du Portugal ou de l’Autriche, représente 16% de l’Hexagone. La majorité de la population se rassemble sur la frange du littoral. Elle est recouverte à 96% par la forêt amazonienne...

Chef-lieu : Cayenne 
Statut : Collectivité territoriale unique 
Zone : Amérique du Sud
À l’ouest, le Suriname et le Guyana  
Au sud, le Brésil  
Paris se trouve à 7000 km
La Guyane fait partie des régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne
Langues : français, créole, langues amérindiennes, bushinengué et hmong (le créole haïtien et le portugais du Brésil sont également largement utilisés).
 

Population

La Guyane est un formidable creuset de diverses populations, elles-mêmes d’origines multiples. Les Créoles en constituent la majorité (généralement estimée autour de 40%), dont de nombreux descendants de Guadeloupéens et de Martiniquais. Il y a bien sûr les Amérindiens, les premiers habitants, qui vivent pour la plupart à l’intérieur des terres, où l’on décompte six groupes ethniques. Du côté de la région de Saint-Laurent du Maroni et le long de la frontière avec le Suriname vivent les Bushinengués, dont les ancêtres étaient les Noirs « marrons » fuyant l’esclavage. Ils sont divisés en plusieurs groupes dont les plus connus sont les Saramacas et les Bonis. La Guyane compte aussi une communauté Hmong originaire du Laos, qu’elle a fui dans les années 75 avec l’arrivée des communistes. À ces populations s’ajoutent évidemment de nombreux métropolitains venus de France hexagonale, depuis longtemps pour certains, ainsi que des Chinois, des Surinamais, des Brésiliens, des Haïtiens, des Libanais et plus récemment des Africains.

En vingt ans la population guyanaise a doublé et elle était estimée en 2018 à un peu plus de 287.000 habitants… selon les chiffres officiels (Insee) car le territoire compte de nombreux migrants entrés illégalement. La démographie de la Guyane est l’une des plus fortes de France et l’on estime qu’en 2050 le pays pourrait compter près de 430.000 habitants (voir projection ci-dessous). Les moins de 20 ans représentent actuellement environ 42% de la population, contre un peu moins d’un quart pour l’Hexagone.
 

 

 

Histoire en bref

On trouve des traces des premiers habitants amérindiens entre 6000 et 7000 ans avant notre ère. Vers le troisième siècle, les Indiens Arawaks et Palikurs s’installent sur le littoral, suivis par d’autres populations amérindiennes, jusqu’au XVIe siècle. En 1498, Christophe Colomb longe les côtes de la Guyane sans s’y arrêter. Ce n’est qu’en 1500 que les Espagnols tentent d’explorer le territoire, sans succès devant les obstacles naturels rencontrés. À partir de 1626, la France veut faire de la Guyane une colonie de peuplement, en y envoyant des recrues financées notamment par des industriels. Mais la plupart des hommes seront décimées par la fièvre jaune et le paludisme notamment. Profitant de la situation, les Hollandais occuperont le territoire durant quelques années.

Entre temps, dès 1652, les premiers esclaves venus d’Afrique arrivent en Guyane. Repassée sous domination française, la colonie esclavagiste va alors exporter de l’indigo, du coton, de la canne à sucre, du café, de la vanille ou encore des bois exotiques, entre autres. Entre 1763 et 1765, une autre vaste opération de peuplement est organisée par la France. Elle se solde par un désastre. Sur 15.000 émigrants, 10.000 environ ne résisteront pas aux duretés de la vie locale. Les survivants se réfugieront sur les Îles du Diable au large de Kourou avant d’être rapatriés. Ainsi les îles du Diable deviendront les Îles du Salut. En 1794, l’esclavage est aboli. Pendant la période révolutionnaire, une des îles redevient l’île du Diable et sert de lieu de déportation politique sous le Directoire.
 

L’Île du Diable


À la restauration de l’esclavage par Bonaparte en 1802, de nombreuses révoltes éclatent et des communautés noires vont s’enfuir dans la forêt. Ils deviendront les Noirs marrons de Guyane, constituant les populations Bushinengués. Suite à l’abolition de 1848, l’économie de plantation s’effondre et 12.000 esclaves sont libérés. Pour pallier au manque de main d’oeuvre, des bagnes sont institués en 1852, à Cayenne, à Saint-Laurent du Maroni et aux Îles du Salut. Jusqu’en 1938, ils accueilleront quelque 90.000 forçats. En 1855, un premier site aurifère est découvert et donne lieu à une arrivée massive d’aventuriers de toute sorte venus des Antilles françaises et anglaises, de l’Hexagone, puis du Brésil. En 1902, après l’éruption du volcan de la Montagne Pelée en Martinique, la Guyane sera un refuge pour de très nombreux Martiniquais. L’année 1946 marque l’octroi au territoire du statut de département d’Outre-mer. À partir de 1964 commencent les travaux de construction du Centre spatial de Kourou, pièce stratégique pour la politique et la recherche française. En avril 1968, la première fusée sonde est lancée.

Archive : reportage sur le bagne des îles du Salut, en Guyane (Office national de radiodiffusion télévision française, juillet 1960)  


L’histoire de la Guyane a été également marquée par les figures de Félix Eboué (1884-1944) et de Gaston Monnerville (1897-1991). Le premier, né à Cayenne, administrateur colonial, ancien gouverneur de l’Afrique équatoriale française, fut l’un des premiers à se ranger derrière le général de Gaulle en juin 1940, alors qu’il était gouverneur du Tchad. Quand à Gaston Monnerville, né à Cayenne de parents martiniquais, cet ancien résistant durant la Deuxième guerre mondiale fut sous-secrétaire d'État aux Colonies de 1937 à 1938, président du Conseil de la République de 1947 à 1958 et du Sénat de 1958 à 1968.
 

 

 

Géographie

Avec une superficie de 83.846 km2, la Guyane est le plus vaste territoire d’Outre-mer. Sa surface, équivalente à celles du Portugal ou de l’Autriche, représente 16% de l’Hexagone. La majorité de la population se rassemble sur la frange du littoral. Recouverte à 96% par la forêt amazonienne, traversée de rivières et de fleuves, la région est un lieu emblématique de la biodiversité mondiale, refuge naturel d’une faune et d’une flore rarissimes. On y compte par exemple plus de 1000 espèces d’arbres, 740 espèces d’oiseaux, 480 de poissons d’eau douce, 188 de mammifères (source Guyane-Amazonie.fr), et les scientifiques découvrent régulièrement de nouvelles merveilles naturelles. Le plus important parc national de France (et de l’Union européenne) se trouve en Guyane. Créé en 2007, étendu sur 34.000 km2, le Parc amazonien de Guyane a pour objectif de préserver la biodiversité exceptionnelle du territoire.
 

Les marais de Kaw

 

 

Economie

L’économie guyanaise est dominée par le secteur tertiaire (administration, éducation, santé, services marchands) qui représente environ 79 % de la valeur ajoutée alors que le secteur secondaire (industries manufacturières, construction) et primaire (agriculture, sylviculture, pêche et activités minières) constituent respectivement 17 % et 4 % de cette valeur. Le tertiaire contribue à hauteur de 35 % de la création de richesse sur le territoire contre 22 % en France hexagonale hors DOM. Les principaux produits d’exportation en Guyane sont l’or, le bois et le poisson. Cependant les volumes sont relativement peu élevés. Les lancements de satellites sont considérés comme des activités de services et n’entrent pas dans ce cadre. Après une baisse de 23,9 % en 2017, les exportations ont progressé sensiblement en 2018 (+50,8 %) pour atteindre 202,9 millions d’euros (source Iedom).

Au niveau de l’emploi, le marché du travail en Guyane est marqué par un faible taux d’activité, un poids important de l’informel et une certaine inadéquation entre l’offre et la demande. Le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, a diminué en 2018 pour s’établir à 19 % de la population active (contre 22 % en 2017). Le chômage concerne davantage les femmes (21 % contre 17 % pour les hommes). Par ailleurs, 32 % des jeunes actifs de 15 à 29 ans sont sans emploi. En Guyane, le produit intérieur brut (PIB) par habitant (en euros courants) s'établissait en 2017 à 44,9 % du niveau national (15,069 euros contre 34,292).
 

 

 

Politique et cadre institutionnel

La Guyane est une collectivité territoriale unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région depuis 2015. La Collectivité territoriale de Guyane (CTG) est ainsi compétente pour promouvoir la coopération régionale, le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, l’aménagement de son territoire et assurer la préservation de son identité. De par ses prérogatives, la CTG peut également présenter au Premier ministre des propositions de modification ou d’adaptation des dispositions législatives ou réglementaires. À noter que la CTG comporte plusieurs conseils consultatifs, dont le Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinengés.

La Guyane compte deux députés et deux sénateurs au Parlement, ainsi qu’un membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE). La collectivité fait partie des régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne. Au niveau régional, elle est membre associée de l’Association des Etats de la Caraïbe (AEC) et a déposé en 2015 une demande d’adhésion à la Communauté des Caraïbes (CARICOM) en qualité de « membre associé ».
 

Marché au village hmong de Cacao

 

 

Société

Durant les mois de mars et d’avril 2017, la Guyane est traversée par une importante vague de mouvements sociaux. Portées par le collectif des « 500 frères » et de l’Union des travailleurs guyanais (UTG), entre autres, les revendications concernent une multiplicité de problématiques dont l’insécurité, l’immigration clandestine, la santé, le défaut d’infrastructures, l’orpaillage illégal, le coût élevé de la vie, le chômage etc. Des grèves générales sont déclenchées et suivies à plusieurs reprises. Suite à l’envoi d’une mission ministérielle et de nombreuses négociations, un accord est finalement trouvé cinq semaines après le début des premières manifestations. L’État s’engage alors sur un Plan d’urgence de 1,085 milliard d’euros pour améliorer les secteurs de l’éducation, des infrastructures, du foncier, de la justice et de la police.

Au mois de septembre 2018, 83 % des engagements pris dans le Plan d’urgence étaient réalisés, selon l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (IEDOM). Reste que de nombreux problèmes demeurent. Quasiment les mêmes que ceux qui avaient déclenché les grèves de 2017. Insécurité, immigration, orpaillage illégal, trafics de drogue, chômage endémique, infrastructures insuffisantes… continuent d’être les plaies de la Guyane. Par ailleurs, en 2020, le territoire n'a pas échappé à la pandémie de Covid-19. A la fin mai, la Guyane comptait près de 330 cas de contamination et un décès. 

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Culture et sport

La Guyane se distingue notamment par la beauté de son artisanat, dû à la diversité des communautés qui la composent. Sculpture, arts graphiques, vannerie, couture, bijouterie, poterie des Bushinengués, Hmongs, Créoles ou Amérindiens rivalisent d’originalité. Le patrimoine du territoire est aussi riche de son architecture, avec les maisons créoles, les carbets traditionnels ou… les vestiges des constructions pénitentiaires. Carrefour de cultures, la Guyane est une terre de musiques et de danses aux identités multiples : caribéennes, afro-cubaines et brésiliennes, amérindiennes, de carnaval… Parmi ses musiciens les plus célèbres, citons les chanteurs et guitaristes Henri Salvador (1917-2008) et Chris Combette, le saxophoniste Gaston Lindor, la regrettée Edith Lefel, partie trop tôt (1963-2003), et l’interprète de zouk Fanny J.

♦ Vidéo : écoutez Edith Lefel chanter « La sirène » avec le groupe Malavoi


Côté littérature, la Guyane n’est pas en reste avec René Maran (1887-1960), prix Goncourt pour son roman « Batouala » en 1921, et Léon-Gontran Damas (1912-1978), co-fondateur du mouvement de la négritude. Notons également le poète Elie Stephenson, Bertène Juminer et l’essayiste et ex-ministre de la Justice Christiane Taubira.

En sport, le territoire a fourni de grands champions comme Bernard Lama et Florent Malouda (football), Malia et Mehdy Metella (natation), ainsi que Tariq Abdul-Wahad (né Olivier Saint-Jean) et Kevin Séraphin (basket), ex-joueurs de la fameuse NBA américaine. En judo, la Guyanaise Lucie Décosse a connu une trajectoire exceptionnelle, avec un titre de championne Olympique en 2012, trois titres de championne du monde et quatre d’Europe, entre autres. De même, l’escrimeur Ulrich Robeiri, originaire de Cayenne, a été champion du monde individuel en 2014, et plusieurs fois champion du monde et champion olympique (2008) par équipe.