Elle est arrivée tout sourire aux alentours de 17h au stade Géo André à quelques pas du Parc des Princes à Paris où elle avait donné rendez-vous à la presse pour présenter son nouveau défi : participer aux jeux de Los Angeles en judo et en rugby à 7. Détendue et entourée de la direction du Stade Français, Amandine Buchard a pendant près de trente minutes exposée son projet, en prenant bien soin de rappeler "(qu’elle) je ne suis personne en rugby". Une précision que n’a pas manqué de commenter et de surenchérir Yohanne Penot, directeur sportif de l’association Stade Français Paris en disant "Amandine est pour nous une joueuse lambda". Autrement dit, aucun cadeau ne sera fait à la Martiniquaise de 29 ans, même si du côté du club de la capitale, on ne s’attend pas à voir la performer de sitôt. "Au niveau rugby, on n’attend pas à ce qu’Amandine réponde présente tout de suite. C’est un projet sur quatre ans" précise Philippe Jaulain, président de la section rugby du Stade français.
Cette idée de concilier les deux pratiques en même temps germait dans la tête de la médaillée de bronze des Jeux de Paris 2024 depuis un bout de temps. Elle avait même déjà repris une licence en rugby depuis le début de l’année et participait déjà à quelques matchs. "J’avais besoin d’une activité ressource, parce qu’au judo ça n’allait pas trop et je n’avais que ça. Et quand ça ne va pas au judo, tout le reste ça ne va pas, confie-t-elle. Donc retourner au rugby c’était une évidence pour moi, et quand j’ai repris en janvier, j'étais tellement épanouie que j’ai continué".
Pierre angulaire dans le projet omnisports du Stade Français
L’histoire entre la judokate vice-championne olympique à Tokyo et le Stade français a commencé après les Jeux de Paris 2024, quand la Martiniquaise s’est retrouvée sans club." Le stade a été le premier club à me tendre la main, à m’écouter, avance Amandine Buchard. Ils ont entendu mes besoins et n’ont pas hésité une seconde à m’accompagner. Ça m’a fait chaud au cœur."
Lancé dans une volonté de se restructurer et de retrouver les sommets, le club de la capitale a trouvé en la Martiniquaise une pierre angulaire dans ce renouveau. "Après les Jeux, on a eu plusieurs sollicitations de plusieurs athlètes qui se sont dit que le Stade français, c'est une belle marque. […] Et quand on a eu le contact d'Amandine, on s'est dit que ça dénote. Son projet d’allier le judo et le rugby, c'est typiquement l'ADN du stade français. Elle va pouvoir partager son expérience des plus hautes compétitions et montrer qu’on peut être bon sur plusieurs sports à la fois", indique Matthieu Tanret, directeur général du stade français.
Elle va évoluer dans un premier temps avec le club de Noisy le Grand
Alterner les deux pratiques va demander aussi beaucoup de travail à l’athlète, mais le défi ne lui fait pas peur. "Je suis une compétitrice et je ne lâche jamais rien"lance-t-elle. Au judo, Amandine Buchard concourt dans la catégorie des moins de 52 kilos, mais pour sa nouvelle pratique du rugby, elle a prévu de monter à 56 kilos et de s’y stabiliser tout en redescendant à son poids de compétition pour les tatamis. "Je ne serais à 52 kilos que quatre fois dans l’année, prévient-elle. Pour jongler entre les deux l’alimentation va être importante, et il faudra un bon suivi nutritionnel. Mes préparateurs physiques vont me concocter les plans d’entraînements pour être compétitive dans les deux disciplines."
Mais avant de voir l’athlète de 29 ans courir balle sous le bras avec le maillot parisien, il faudra patienter. Car Amandine Buchard va pour le moment évoluer avec le club de Noisy-le-Grand, équipe partenaire du Stade Français. "Pour moi, c'est le projet parfait pour allier les deux, car je ne me sentais pas légitime d’intégrer tout de suite un club de haut niveau alors que je n’avais rien prouvé au rugby, avoue-t-elle.
Je ne voulais pas arriver en diva
Amandine Buchard
L’autre raison avancée par le staff du club parisien est le temps d’adaptation entre les deux disciplines et les blessures. "On ne veut pas griller les étapes. À Noisy qui joue en fédéral deux en catégorie C, les plaquages se font en dessous de la taille alors que les Pink [équipe féminine de rugby du Stade Français, NDLR] évoluent en catégorie A, les plaquages se font en dessous des épaules, donc il faut accompagner Amandine dans tout ça, même si je n’ai aucun doute sur les contacts", explique Yohanne Penot, directeur sportif.
"Je n’ai pas de pression particulière"
Ces dernières années, il a beaucoup été question de l’aspect mental avec Amandine Buchard et sa manière de gérer le stress. La judokate s’est manquée dans certaines compétitions et a parfois dû renoncer à certaines épreuves comme le dernier Grand Slam de Paris pour tenter de se préserver mentalement. Aujourd’hui, dans ce nouveau projet, elle se dit "épanouie et en paix avec ses choix", prête à chasser ses vieux démons. "Aujourd’hui, si je devais arrêter le judo je ne serais pas frustrée, car j’ai atteint beaucoup de mes objectifs " assure-t-elle.
Je ne mets pas de pression au rugby, car je ne suis personne. Je vais progresser plus vite qu’au judo, je n’ai pas de pression particulière je dirai que j’en ai même moins qu’avant.
Amandine Buchard
Libérée de la "pression" Amandine Buchard a maintenant quatre ans devant elle pour mener à bien son projet.