Assemblée nationale : dans quels groupes politiques siègent les élus ultramarins ?

Philippe Naillet, député de La Réunion, à l'Assemblée nationale.
Les députés ont officiellement commencé leur travail parlementaire mardi 28 juin avec l'élection de la présidente de l'Assemblée nationale. Avant la répartition des rôles dans les différentes commissions, ils ont dû s'affilier à un groupe politique. Qu'ont décidé de faire les élus d'Outre-mer ?

Tractations, recompositions et ambitions politiques. Pour pouvoir peser dans la nouvelle législature - inaugurée mardi 28 juin par l'élection au perchoir de l'éphémère ministre des Outre-mer Yaël Braun-Pivet -, les députés doivent s'affilier, s'ils le veulent, à un groupe politique. Une place dans une commission parlementaire et leur temps de parole dans l'hémicycle en dépendent. Mais quelle sera la place des élus d'Outre-mer dans cette Assemblée plus éclatée que jamais ?

L'idée d'un groupe ultramarin à l'Assemblée nationale a refait surface entre les deux tours des élections législatives. Puis Olivier Serva, député guadeloupéen, s'est emballé à son retour au Palais Bourbon en annonçant la création d'un groupe dédié aux problématiques des Outre-mer. Finalement, c'est le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) qui recueille le plus d'Ultramarins. Outre-mer La 1ère fait le point.

  • Dix élus d'Outre-mer chez les communistes

Près de la moitié des élus du groupe GDR (dix sur vingt-deux) sont Ultramarins. Il y a cinq ans, ils n'étaient que quatre. Un exploit pour les communistes, alors que les élus de gauche d'Outre-mer avaient le choix entre quatre formations s'ils voulaient siéger au sein de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes, qui regroupe la France insoumise, le Parti socialiste, Europe Écologie-Les Verts et le Parti communiste).

Traditionnellement, c'est un échange de bons procédés qui justifie la forte présence de députés ultramarins au sein de ce groupe. Les élus communistes ouvrent leurs rangs aux Ultramarins afin d'atteindre le seuil fatidique de quinze députés pour pouvoir former un groupe indépendant. En contrepartie, les élus d'Outre-mer - qui ne sont pas communistes - jouissent d'une liberté de parole et de vote au sein du GDR. Un bon moyen pour défendre les dossiers spécifiques aux Outre-mer.

Moetai Brotherson, doyen des Polynésiens, qui avait déjà intégré ce groupe lors de la dernière législature, a ramené avec lui les deux nouveaux élus indépendantistes, Steve Chailloux et Tematai Le Gayic. Satisfait de sa liberté de parole au sein du groupe, Moetai Brotherson a voulu continuer de collaborer avec les communistes. La plupart des membres du GDR arboraient d'ailleurs fièrement un collier à fleurs lors de la photo de groupe sur le perron de l'Assemblée nationale mardi, un clin d'œil à leurs alliés de Polynésie.

Retour également de la députée réunionnaise Karine Lebon, qui a attiré deux nouveaux élus de La Réunion avec elle, Frédéric Maillot et Émeline K/Bidi.

Karine Lebon et Frédéric Maillot à l'Assemblée nationale.


Le groupe dominé par les communistes a aussi réussi à recruter deux nouveaux élus martiniquais, malgré le départ de Jean-Philippe Nilor, qui a préféré rejoindre la France insoumise. L'avocat Jiovanny William et le maire du Prêcheur Marcellin Nadeau viennent donc compenser cette perte.

Enfin, c'est un duo de député guyanais qui fait son entrée dans le groupe : Jean-Victor Castor, du Mouvement de décolonisation et d'émancipation sociale (MDES, un parti indépendantiste) et Davy Rimane ont promis de porter conjointement la voix des Guyanais à l'Assemblée nationale. Même si le représentant du MDES n'a pas été soutenu par la Nouvelle union populaire, écologique et sociale avant le second tour des législatives, c'est dans un groupe affilié à la Nupes qu'il a accepté de siéger.

  • Sept députés d'Outre-mer répartis entre les insoumis et les socialistes

En additionnant les élus ultramarins siégeant auprès des communistes, des socialistes et des insoumis, la gauche d'Outre-mer ressort en force dans cette nouvelle législature : ils sont 17 à siéger dans un des quatre groupes de la Nupes.

Légère déception pour La France insoumise tout de même, alors que le parti de Jean-Luc Mélenchon aurait bien aimé que sa formation dépasse le nombre d'élus du Rassemblement national au Palais Bourbon : seuls trois députés d'Outre-mer sont venus grossir ses rangs. Il s'agit des Réunionnais Jean-Hugues Ratenon (déjà membre du groupe lors de la précédente législature) et Perceval Gaillard, ainsi que du Martiniquais Jean-Philippe Nilor.

Le Parti socialiste, quant à lui, fait mieux que la France Insoumise, avec quatre élus ultramarins enregistrés en tant qu'affiliés : Christian Baptiste, Elie Califier (Guadeloupe), Johnny Hajjar (Martinique) et Philippe Naillet (Réunion).

  • Seuls cinq Ultramarins dans le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires

Désenchantement pour Olivier Serva et Max Mathiasin. Les deux hommes s'étaient réjouis de la création d'un nouveau groupe Utiles - Ultramarins, Territoires, Insularités, Liberté, Égalité et Solidarités -, "grâce auquel nous [aurions pu] mieux faire entendre la voix des Outre-mer et des territoires de l’Hexagone" à l'Assemblée nationale. Les deux Guadeloupéens espéraient rameuter plusieurs élus ultramarins, et placer un représentant des Outre-mer à la tête du groupe.

Mais finalement, les ambitions transpartisanes du duo Serva-Mathiasin ont été douchées. Difficile de convaincre davantage de députés ultramarins de rejoindre le groupe, majoritairement composé d'élus corses, et de députés de l'ancien groupe Libertés et Territoires. Appelé Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires (LIOT), l'ensemble est présidé par Bertrand Pancher, élu de la Meuse. Olivier Serva s'était légèrement emballé en assurant que le président de cette nouvelle formation serait issu des Outre-mer.

Olivier Serva, député de Guadeloupe, à l'Assemblée nationale.

LIOT, qui se place dans l'opposition, apparaît donc davantage comme un groupe refuge des élus ultramarins dissidents en recherche de poids politique que comme une entité à même de défendre les intérêts spécifiques des Outre-mer.

Olivier Serva, ancien membre de la majorité présidentielle, a démissionné de La République en marche quelques jours avant les élections législatives. Soutenu par la Nupes au second tour, le dissident a finalement décidé de s'exiler dans le micro groupe LIOT (le plus petit de l'Assemblée). C'est également le cas de son collègue guadeloupéen, Max Mathiasin, issu du MoDem, mais qui a fait campagne face à un candidat du parti d'Emmanuel Macron.

Autre dissidente, mais venue des Républicains cette fois-ci : Nathalie Bassire, élue de La Réunion. Ni LR, ni macroniste, c'est dans ce groupe - qui se veut centriste politiquement - qu'elle a décidé de se déporter. Elle a notamment été la candidate LIOT pour prendre la présidence de l'Assemblée nationale.

Stéphane Lenormand, quant à lui, était pressenti pour siéger dans le groupe de centre-droit UDI (Union des démocrates et indépendants). Mais la formation politique a perdu presque tous ses sièges - dont celui de son président Jean-Christophe Lagarde. Elle n'a donc plus le nombre minimum de députés nécessaire pour former un groupe politique. Le député de Saint-Pierre et Miquelon s'est alors retranché vers LIOT.

Enfin, Estelle Youssouffa, élue sans étiquette à Mayotte, mais aux idéaux très à droite sur les questions migratoires et sécuritaires, rejoint également le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires. Pour l'élue, qui veut avant tout défendre les sujets concernant son île, ce groupe politique servira de force d'appoint alors qu'aucun parti n'a obtenu de majorité absolue à l'Assemblée : "On ne s’interdit pas de voter sur les projets si le gouvernement répond à nos attentes", assurait-elle à son arrivée au Palais Bourbon.

  • Trois élus du Pacifique dans la majorité, l'élu de Saint-Martin/Saint-Barthélemy au MoDem

Illustration de la claque électorale que s'est prise le parti au pouvoir lors des élections présidentielle et législatives, les rangs de Renaissance, du MoDem et d'Horizons sont pauvres en Ultramarins. La majorité présidentielle peut seulement se targuer d'avoir recruté les députés loyalistes de Nouvelle-Calédonie, Philippe Dunoyer et Nicolas Metzdorf. Mikaele Seo, député de Wallis et Futuna, a également choisi de siéger dans le groupe de la majorité alors qu'il était attendu sur les bancs près d'Olivier Serva.

Les députés calédoniens Nicolas Metzdorf et Philippe Dunoyer à l'Assemblée nationale.


Enfin, Frantz Gumbs, soutenu par La République en Marche lors des élections à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, a pris sa place au sein du groupe MoDem.

  • Un seul rescapé chez Les Républicains

Face à la déroute électorale du parti Les Républicains au niveau national, mais aussi dans les Outre-mer, Mansour Kamardine fait figure d'exception. Le député de Mayotte est le seul élu ultramarin à siéger avec les députés de la droite républicaine.