La mission d'information du Sénat sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie appelle l'État à revoir les conditions du dialogue

En 2020, durant la mise sous pli de la propagande officielle et des bulletins avent le deuxième référendum.
Dans un rapport d'étape dévoilé en cette fin juillet, les rapporteurs de la mission d'information du Sénat sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ont fait le point sur le processus en cours, alors que le troisième et dernier référendum d'autodétermination s'est tenu en décembre dernier. Selon eux, les "liens du dialogue" doivent être impérativement "renoués".

Le 12 décembre dernier, alors que la Nouvelle-Calédonie choisissait de nouveau le Non lors de la troisième consultation sur l'indépendance, un cycle s'est achevé, "ouvrant une nouvelle période institutionnelle (…) nimbée d'incertitudes". Le constat est fait par les rapporteurs de la mission d'information du Sénat sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, dans un rapport d'étape dévoilé ce 27 juillet, après plusieurs auditions et des déplacements sur le Caillou.

"Le processus engagé par les accords de Matignon en 1988 et de Nouméa en 1998 n'a pas définitivement tranché l'ensemble des questions institutionnelles et politiques relatives au statut de la Nouvelle-Calédonie", résument François-Noël Buffet, Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur et Hervé Marseille. Si la mission première du retour à la paix est bien remplie, ils regrettent l'absence de consensus et de solution politique pérenne, après plus de 30 ans de travail. 

Au terme des trois référendums, le pari initial – à savoir sortir à terme du clivage ethnique – n'a pas vraiment été tenu. 

Alain Christnacht

Rapport d'étape de la mission d'information du Sénat

Garantir l'impartialité de l'État

Après trois consultations, "les liens du dialogue sont distendus" et les indépendantistes, qui ont appelé à la non-participation au scrutin de 2021, n'adhèrent plus au processus. En cause, soulèvent les rapporteurs, des actions dénotant un certain manque d'impartialité de la part de l'État, pourtant "un préalable à toute négociation".

Les rapporteurs expliquent que le maintien de la dernière consultation en pleine crise Covid et en période de deuil a érodé la confiance des indépendantistes, pour qui le scrutin n'a pas de légitimité politique. L'absence d'amorce de dialogue après la consultation, repoussé par le calendrier électoral dans l'Hexagone, puis la nomination de la présidente loyaliste de la province Sud, Sonia Backès, au gouvernement, n'ont pas apaisé la défiance. À ce sujet, les rapporteurs estiment que "la théorie des apparences trouve à s’appliquer".

Force est de constater qu'aujourd'hui, les initiatives du gouvernement pour relancer les négociations sur ce sujet ne font plus consensus et n'ont pas permis la reprise espérée du dialogue.

Or, "l’impartialité de l’État dans ce dossier est l’une des garanties fondamentales", rappellent les rapporteurs. Ils préconisent donc de la garantir à travers des "actions concrètes" et en ouvrant le dialogue selon les conditions de tous les partis, sans exclure aucun sujet. Les rapporteurs proposent ainsi, parmi six idées, d'élargir les discussions à la société civile et aux acteurs de l'économie, de la santé, ou encore de l'environnement, tout comme à la jeunesse, et de s'appuyer sur les maires, garants du vivre-ensemble.

Le sénateur, Jean-Pierre Sueur, revient sur la position de Sonia Backès dans le gouvernement ⤵

Le sénateur revient sur la question de l'impartialité de l'Etat dans les négociations avec l'ensemble des acteurs Calédoniens. ©Carla Bucero Lanzi

Cadre juridique flou

Autre sujet d'importance dans le rapport de la mission d'information, le cadre institutionnel de la Nouvelle-Calédonie qui présente des "fragilités", compte tenu du caractère "dérogatoire", "transitoire" et "temporaire" de l'accord de Nouméa. Un texte qui "continue de s'appliquer", tranchent d'ailleurs les rapporteurs, contrairement à ce qu'affirment les loyalistes. "En effet, comme le stipule son point 5, "si la réponse [à la troisième consultation] est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée", rappellent-ils.

Ferdinand Mélin-Soucramanien et Alain Christnacht, auditionnés par la mission d'information, ont par ailleurs émis des réserves quant à la tenue des élections provinciales en 2024, évoquant de "sérieuses difficultés constitutionnelles"

Aussi les rapporteurs estiment-ils souhaitable d’anticiper de telles difficultés en recherchant une solution politique consensuelle de nature à trouver une traduction juridique avant les élections provinciales de 2024.

Le gouvernement français a fixé la fin de l'"après Nouméa", avec l'organisation d'un nouveau référendum "de projet" avant le 30 juin 2023. Repoussée par le calendrier électoral dans l'Hexagone, la phase de discussion qui doit la précéder débutera en septembre à Paris, avec la tenue d'un comité des signataires.

Selon Jean-Pierre Sueur, les réunions devraient se tenir en Nouvelle-Calédonie

Le sénateur revient sur la mise en place du dialogue entre l'Etat et les partis calédoniens. ©Carla Bucero Lanzi

Une formule critiquée par les indépendantistes qui attendent un dialogue bilatéral en Nouvelle-Calédonie avant de réunir les trois parties prenantes. L'Union calédonienne a d'ores et déjà annoncé qu'elle ne s'y rendrait pas.