La Transat Jacques Vabre, surnommée aussi la Route du café et qui se déroule tous les deux ans, souffle ses 30 bougies cette année. Depuis sa création en 1993, elle a quelque peu évolué, notamment l'arrivée qui a eu lieu pour la première fois en Martinique en 2021 pour la 15e édition.
Rebelote pour la 16e édition qui a atteint une flotte record de 95 bateaux en partance du Havre (Seine-Maritime), contre 79 l'an dernier, toutes catégories confondues.
Quatre parcours
Ces derniers vont suivre un parcours plus ou moins différent selon leur catégorie et leur vitesse.
- les Ultim – multicoques de 32 m de long – qui sont les plus rapides auront le tracé le plus long de 7.500 milles, en passant par l'île de l'Ascension ;
- les Ocean Fifty – multicoques de 15 m – devront parcourir 5.800 milles avec un crochet par l'île brésilienne de Fernando de Noronha ;
- les Imoca – monocoques de 18 m – auront un parcours un peu plus court, de 5.400 milles avec un passage par l'archipel brésilien de Sao Paolo & Sao Pedro ;
- les Class 40 – monocoques de 12 m – resteront en Atlantique Nord avec 4.600 milles à parcourir.
Si beaucoup de regards seront braqués sur les géants des mers que sont les Ultim, la course sera aussi très intéressante dans les autres catégories, et ça tombe bien puisque plusieurs Ultramarins sont engagés en Ocean Fifty, Imoca et Class 40.
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Morgan Lagravière, vainqueur l'an dernier
Le Réunionnais de 36 ans s'aligne pour la 5e fois sur la Route du café, en duo avec le navigateur Thomas Ruyant. Vainqueur de la dernière édition en 2021 en Imoca, le duo s'élance donc en favori sur leur voilier For People, mis à l'eau en mars dernier.
"On l'a fait une fois donc on sait qu'on peut le reproduire. On se sent encore mieux préparé qu'il y a deux ans, prévient tout de suite Morgan Lagravière au micro d'Outre-mer la 1ère, avant de tempérer. Après le niveau a clairement augmenté, on est beaucoup plus nombreux [40 inscrits cette année contre 22 lors de l'édition précédente, NDLR], avec des nouveaux bateaux, des super duos, donc ça va pas être une mince affaire."
Si la saison a bien commencé pour le duo avec une victoire en mai dernier en Imoca sur la Guyader Bermudes 1000 Race, le Réunionnais ne se voit pas pour autant vainqueur : "On a eu quelques petits déboires de mise au point du bateau entretemps donc on va essayer déjà de bien faire ce qu'on sait faire et ce qu'on maîtrise."
Une maîtrise de la voile qu'il a apprise sur l'océan Indien : "Je suis né à La Réunion, j'ai appris la voile à La Réunion, ma culture voile vient de là, j'ai vécu jusqu'à la majorité là-bas, j'ai quitté l'île vraiment pour le sport de haut niveau." D'où sa "frustration" de ne "pas avoir réussi à mettre en place un projet" là-bas, même s'il ne désespère pas de réaliser ce rêve un jour ou l'autre.
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Damien Seguin, le Vendée Globe en tête
Cinq fois champion du monde, trois médailles paralympiques dont deux en or, premier skipper handisport à avoir bouclé le Vendée globe… Le skipper Damien Seguin, qui a grandi en Guadeloupe, embarque pour sa 5e Transat Jacques Vabre, sa 3e en Imoca.
Il va embarquer sur son voilier Groupe Apicil (sur la photo ci-dessus) avec Laurent Bourguès, avec une idée en tête : préparer le prochain tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance.
"Qu’on le veuille ou non, la Transat Jacques Vabre fait partie de la préparation pour le Vendée Globe. Nous sommes des compétiteurs mais il y a des choix à faire, confesse-t-il dans le dossier de presse du Groupe Apicil. Évidemment, nous ne nous priverons pas de faire un bon résultat sur la Transat Jacques Vabre. [...] Nous savons que nous avons un bon bateau entre les mains, mais les questions qui se posent, c'est : allons-nous pouvoir tirer dessus à 100% ? Le bateau tiendra-t-il à 100% ses promesses aussi ? Nous sommes encore dans l'interrogation."
Il n'est sans doute pas le seul à vouloir se jauger un an avant le départ du Vendée Globe le 10 novembre 2024, vu le nombre important de concurrents.
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Une première pour Kéni Piperol-Dampied
En Class 40, le skipper guadeloupéen de 27 ans s'aligne sur sa première Transat Jacques Vabre, aux côtés du tout jeune Thomas Jourdren, 23 ans. "Avec Thomas, on est hyper content, hyper enthousiaste à l’idée de partir. On est prêt, le bateau est prêt, on a hâte de partir", a confié Kéni Piperol-Dampied au micro d'Outre-mer la 1ère.
Leur objectif ? Être dans le top 10, même si la concurrence est bien présente. "Ça serait honnête pour le bateau, le projet, pour se rassurer, pour la confiance en nous. Ça ferait du bien à toute l’équipe de performer."
Le Guadeloupéen assure cependant s'être "mis moins la pression cette année". "L’année dernière [pour la Route du Rhum 2022, NDLR], c’était une première pour tout le monde, pour l’écurie, les partenaires, pour moi, pour le projet. J’avais à cœur de bien faire, malheureusement, j’ai eu les soucis que j’ai eus, a-t-il reconnu. Mais ça n’enlève rien à l’année qu’on a passé et à tout le positif qu’on a pu en tirer."
Il avait en effet terminé sa première Route du Rhum l'an dernier, mais après bien des péripéties sur son monocoque Captain Alternance, qui l'ont obligé à rester plusieurs jours à La Corogne (Espagne), le temps de réparer une voie d'eau.
"Ce sera ma troisième arrivée en Martinique, j’y suis arrivé deux fois par la Mini Transat, liste-t-il. J’ai hâte de retrouver les Martiniquais et les Guadeloupéens [...] de faire ce que j’avais promis à l’arrivée de la Route du Rhum, de rester là-bas, d’en profiter pour échanger, pour faire naviguer les partenaires, les jeunes, les écoles, les clubs de voile, pour partager vraiment ce que je fais. Je n’ai pas pu le faire l’année dernière parce qu’on a dû ramener le bateau prématurément, donc là j’ai une revanche à prendre."
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Un équipage 100% martiniquais
Kéni Piperol sera sans aucun doute fêté à son arrivée à Fort-de-France par les Antillais, mais ceux qui seront réellement attendus sont deux amateurs martiniquais, Hervé Jean-Marie du François et Jean-Yves Aglaé de Sainte-Luce.
Avec leur bateau de Class 40 baptisé Martinique Tchalian, les deux passionnés de mer, novices sur ce type de course, semblent relativement sereins avant de naviguer. "On est bien, on a validé toute la partie administrative, donc là on est officiellement apte à prendre le départ", explique Jean-Yves Aglaé au micro d'Outre-mer la 1ère.
Il sait cependant que ce ne sera pas forcément une partie de plaisir au regard des prévisions météo : "On aura une météo quand même musclée mais relativement douce jusqu'à mardi, par contre mercredi il y a encore autre chose qui arrive, et là il faut être au bon endroit au bon moment."
"On s'y attendait en fait, il n'y a pas de surprise, nous sommes en Manche, on ne s'attendait pas non plus à naviguer en slip de bain, rebondit son coéquipier. L'idée, c'est de s'accrocher et dépasser en tout cas le cap des eaux froides pour arriver dans des eaux plus clémentes."
Les deux skippers n'ont "pas d'objectif de résultats", ils veulent avant tout arriver à bon port à Fort-de-France, avec la volonté de promouvoir la voile à la Martinique et d’apporter une visibilité à la destination. "L'idée pour nous, c'est de permettre à d'autres personnes de chez nous de pouvoir mettre sur pied ce type de format", détaille Hervé Jean-Marie.
C'est la première fois qu'un équipage 100% martiniquais participe à la plus longue régate transatlantique. "On a fait le choix de construire une équipe 100% martiniquaise pour avoir une adhésion 100% totale de nos compatriotes de l'île", explique Jean-Yves Aglaé. Ils ont d'ores et déjà le soutien de figures martiniquaises comme Simon Jean-Joseph, le champion de sports automobiles qui est venu les encourager au Havre avant le départ.
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Thibaut Vauchel-Camus va "jouer la gagne"
Ils sont également soutenus par un des concurrents, le Guadeloupéen d'adoption Thibaut Vauchel-Camus, lui aussi présent sur la ligne de départ mais en Ocean Fifty avec son trimaran Solidaires en Peloton. Seul Ultramarin dans cette catégorie, le skipper de 44 ans s'élancera pour sa 5e participation, la 3e en Ocean Fifty, une catégorie où il avait terminé 2e en 2019 et 4e en 2021.
"On a eu l’occasion les deux fois précédentes d’être cités parmi les favoris et on a n’a pas gagné. Là, on est encore classés dedans aux yeux des autres, merci pour la pression qu’ils nous mettent, dit-il en souriant au micro d'Outre-mer la 1ère. Mais on l’assume. On va jouer la bagarre et la gagne !"
Cette transat est un "exercice très particulier" pour le skipper guadeloupéen, qui est accompagné cette fois de Quentin Vlamynck, de 14 ans son cadet mais déjà une Route du café à son actif. "Le solitaire est très engagé mais quand on décide de se reposer, on est capable de ralentir un peu, détaille Thibaut Vauchel-Camus. Quand on est en double, c’est un relais de personnes qui sont à 100% tout le temps. Ce qui prime, c’est la confiance qu’on va avoir dans son co-skipper, dans la maîtrise de l’engin et d’anticiper pleins de mauvaises surprises."
Il anticipe aussi les sensations de fin de course en Martinique : "Ce qui me fait plaisir, c’est d’entendre les tambours à l’arrivée, les conques de lambi… J’ai déjà le sourire, je pétille, je salive. C’est aussi l’occasion de ramener ces beaux bateaux aux Antilles où on sent enfin progresser une culture de la mer, du nautisme, de la voile."
Départ et arrivée
Si les conditions météorologiques le permettent, le départ sera donné le 29 octobre. "Afin de garantir avant tout [la] sécurité [des bateaux] et un passage de ligne clair, quatre départs distincts, par classe, seront donnés", est-il précisé sur le site officiel de la Transat. Les horaires prévus sont donc les suivants :
- Ultim : 13h05
- Ocean Fifty : 13h17
- Imoca : 13h29
- Class 40 : 13h41
Les dernières prévisions météo laissent penser que le départ aura bien lieu à la date et aux heures prévues, même si les skippers risquent d'essuyer une grosse dépression dans les jours qui suivent le début de la course. Ces conditions météo difficiles ont poussé les organisateurs à raccourcir le parcours cotier pour permettre aux concurrents d'atteindre le large plus rapidement.
Les premiers bateaux sont attendus autour du 12 novembre à Fort-de-France.