Quand Dimitri Bascou remet les pieds dans le stade Dominique Duvauchelle de Créteil (Val-de-Marne), il est pris d'un sentiment de nostalgie. Depuis qu'il a quitté l'US Créteil Athlétisme en 2018, il n'est jamais revenu ici. Il jette un regard aux lignes blanches qui démarquent les pistes de course formant un cercle autour du terrain de football. C'est ici qu'il avait l'habitude de courir. De sauter les haies. "Ça me fait quelque chose, admet-il. C'est une masse de souvenirs incroyables."
Né à Schoelcher, en Martinique, en 1987, Dimitri fait ses premières foulées au club de l'Aiglon du Lamentin, sur son île. Il s'envole ensuite pour l'Hexagone où il intègre le réputé Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP). Pendant huit ans, il ne cesse de s'améliorer. Il court de plus en plus vite. Passe les obstacles. En 2005, lors de sa première compétition U20 en 110 mètres haies (en Allemagne), le jeune athlète finit sa course en 14 secondes et 35 centièmes. En 2013, il parcourt cette même distance en 13'51. Une nette amélioration.
Nouveau club, nouveau coach
Avant de débarquer à Créteil, en 2014, Dimitri Bascou est déjà triple champion de France de 110 m haies (en 2009, 2010 et 2011) et une fois champion de France de 60 m haies en salle (en 2011). Mais les exploits n'ont duré qu'un temps. Et le jeune sportif, tourmenté, se remet en question. "La période pré-Créteil était assez compliquée. Chaque année, j'arrivais à avoir une constance dans la progression. Mais à un moment donné, j'ai plafonné", raconte-t-il.
Dans sa période de doute, le Martiniquais observe ce que font ses pairs. Dans le Val-de-Marne, il voit que des sauteurs de haies comme lui remportent des titres prestigieux. C'est le cas de la Réunionnaise Cindy Billaud, qui est vice-championne d'Europe du 110 mètres haies et championne de France de 2013 à 2016. Mais aussi de Thomas Martinot-Lagarde, champion de France 2013 au 110 mètres haies. Leur point commun ? Ils sont tous les deux licenciés au club US Créteil Athlétisme. "J'ai [donc] pris contact avec le coach de Créteil, Giscard Samba", explique Dimitri.
De 2014 à 2018, le hurdleur s'entraîne ainsi dans la capitale du Val-de-Marne, au stade Duvauchelle. "À la différence de l'INSEP, les entraînements étaient plutôt orientés vers le mental" avec le coach Samba.
C'était un peu à la dure. Par exemple, quand on faisait une séance d'entraînement, on devait aller d'un point A à un point B. On ne devait pas s'arrêter avant, peu importe ce qu'il se passait. On devait aller jusqu'au bout.
Dimitri Bascou, champion d'athlétisme
2016, l'année du sacre
"Même si c'était difficile, j'acceptais la situation et je continuais d'y aller", reconnaît Dimitri Bascou. Son souvenir le plus difficile dans ce stade Duvauchelle, c'était lors de sa première année : "Sur mes premières séances de résistance, j'avais eu une crise de crampes, se rappelle le Martiniquais. Mais lorsqu'on commençait quelque chose, il fallait aller jusqu'au bout. L'entraîneur me disait : 'Crise de crampes ou pas, il va falloir que t'y retournes !'."
Cette préparation quasi militaire, dure mais efficace, le met en bonne condition pour les compétitions d'athlétisme de l'année 2016. Cette année-là, championnats après championnats, Dimitri Bascou court, saute et domine. Il décroche le bronze aux Mondiaux en salle à Portland en mars (60 m haies). L'or aux championnats de France à Angers en juin (110 m haies). L'or aux championnats d'Europe d'Amsterdam en juillet (110 m haies). Et enfin, le bronze aux JO de Rio en août (110 m haies encore). La consécration.
Pourtant, le triomphe ne dure qu'un temps. Après Rio, "j'ai eu des périodes de passage à vide. J'ai eu des petits soucis." Encore une fois, le Martiniquais doute et se remet en question. Il lève le pied et s'efface un temps.
Par ailleurs, en 2018, un an après le lancement du mouvement #MeToo, le club de Créteil est secoué par une affaire impliquant le coach Giscard Samba. Il est accusé de viol par des athlètes. Redevable à son entraîneur et persuadé de son innocence, Dimitri Bascou lui apporte son soutien. L'enquête sera classée sans suite en 2019, l'infraction étant insuffisamment caractérisée. Mais cette affaire n'encourage pas Dimitri à se remettre à fond dans la course d'obstacles. Il s'éloigne de son coach, de Créteil. L'arrivée du Covid-19 en 2020 n'arrange rien. Jusqu'à l'année dernière.
Je n'étais pas sûr de continuer l'athlétisme. J'ai repris sans vraiment le vouloir pour les interclubs l'année dernière. Finalement, j'ai senti que j'avais de bonnes sensations. C'est peut-être le fait de reprendre sans prise de tête, sans objectif précis. Ça m'a un petit peu libéré.
Dimitri Bascou, ancien licencié à l'US Créteil Athlétisme
Il a donc repris l'entraînement. Mais seul, chez lui, à Noisy-le-Grand. Le hurdleur martiniquais a recommencé les compétitions et se prépare activement pour les Mondiaux de Budapest, qui auront lieu en août. Et, bien évidemment, pour les JO de Paris 2024.
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