Un million d'abstentionnistes ultramarins à convaincre. 330.000 Français d'Outre-mer électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour à persuader. Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont faits face lors du traditionnel débat d'entre-deux-tours mercredi 20 avril pour défendre leur projet pour la France et remporter l'élection présidentielle à quatre jours du second tour.
Du pouvoir d'achat aux institutions, en passant par l'éducation, la laïcité et l'environnement, les deux prétendants à la présidence de la République n'ont pas eu l'opportunité de s'étendre sur leurs projets respectifs pour les Outre-mer français, même si quelques mesures évoquées lors de la soirée touchent particulièrement les territoires éloignés de l'Hexagone.
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Réintégrer les soignants suspendus
Marine Le Pen a critiqué Emmanuel Macron en évoquant le sort des infirmières et infirmiers suspendus après l'entrée en vigueur de la loi sur l'obligation vaccinale, mise en place par le gouvernement en début d'année pour lutter contre le Covid-19. Sans un schéma vaccinal complet, les personnels travaillant dans les hôpitaux et centres médico-sociaux ne peuvent plus exercer leur métier, et leur salaire en est, par conséquent, suspendu.
"Je les réintègrerai (...) et je leur restituerai leur salaire dont ils ont été privés", a annoncé la candidate. Une mesure qui toucherait particulièrement les Antilles, où la fronde parmi le personnel soignant a été vive l'automne dernier. En Martinique et en Guadeloupe, tout comme en Guyane, la population a été plus sceptique qu'ailleurs en France concernant les vaccins contre le Covid-19.
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Environnement : la place de l'hydrogène dans la transition écologique
Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont souligné leur approche complètement divergente sur la transition écologique - hormis sur la question du nucléaire, que les deux prétendants à l'Élysée soutiennent.
Marine Le Pen dit vouloir développer la production d'hydrogène vert, une énergie renouvelable souvent considéré comme le "carburant du futur" car il permet de diminuer les émissions de CO2. "Mais Madame Le Pen, on le fait comment l'hydrogène vert ?", lui oppose alors le président sortant. "Avec du nucléaire", lui rétorque-t-elle. Emmanuel Macron souligne alors que la France n'a pas les capacités actuelles pour produire cette énergie non polluante.
Sur ce point, Mikaa Mered, secrétaire général de la chaire Outre-mer à Sciences Po, spécialiste de l'hydrogène, a fait remarquer sur Twitter que les deux candidats ne maîtrisait pas le sujet. D'après le chercheur, les Outre-mer français ont un rôle important à jouer dans la filière, et donc dans la transition énergétique du pays.
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Débat sur le port du voile
Lors du volet sur la laïcité, les journalistes-présentateurs ont questionné les deux candidats sur l'interdiction, ou non, du port du voile dans l'espace public, un sujet revenu dans l'actualité ces derniers jours, à la faveur d'une campagne qui s'est tendue entre les deux tours. Une question qui concerne notamment La Réunion et surtout Mayotte, département français où la majorité de la population est de confession musulmane.
Marine Le Pen veut interdire le port du foulard dans l'espace public en France, dans le but, selon elle, de "lutter contre l'islamisme". "Je ne mène pas une guerre contre [la religion musulmane]", a-t-elle précisé, mais contre "l'islamisme". Or, elle n'a pas spécifié si cette interdiction s'appliquerait aux îles de l'Océan indien. Le mois dernier, invitée par Outre-mer La 1ère, elle indiquait néanmoins qu'elle distinguait la situation entre Mayotte et l'Hexagone : "Je pense qu'il y a des vraies spécificités pour l'Outre-mer et qu'il faut les respecter", disait-elle, sous-entendant que le voile resterait légal dans le département où elle est arrivée en tête lors du premier tour.
À cela, le président Emmanuel Macron a fustigé la stigmatisation envers les musulmans qu'une telle loi impliquerait. Lui défend l'application stricte de la loi sur la séparation de l'Église et de l'État de 1905, prônant l'interdiction du port de tout signe religieux dans les établissements scolaires, mais pas dans l'espace public. Et de faire remarquer à Marine Le Pen que sa mesure signifierait que le port de la kippa ou de la croix pour les juifs et les catholiques serait également proscrit, la Constitution imposant l'égalité des citoyens face à la loi.
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La question du référendum
Les débatteurs ont conclu leurs plus de 2 h 30 d'échanges sur la question des institutions. Emmanuel Macron, qui a notamment regretté de ne pas avoir organisé de référendums lors de son quinquennat - un reproche qui lui a été fait par Marine Le Pen -, a exprimé son souhait de consulter davantage les Français s'il est réélu. Le président n'a pas évoqué les trois consultations sur l'auto-détermination de la Nouvelle-Calédonie organisées sous son mandat.
Marine Le Pen, quant à elle, souhaite instaurer le référendum d'initiative citoyenne si elle est élue présidente, une demande qui émanait du mouvement des gilets jaunes. Dans son projet, 500.000 Français pourraient demander à ce que le peuple soit consulté sur un texte de loi. Un seuil cependant élevé pour les territoires d'Outre-mer, où seule La Réunion dépasse ce nombre d'habitants. Difficile, donc, d'envisager des référendums sur le statut des territoires ultramarins, par exemple. La candidate s'y était, de toute façon, déclarée défavorable.
En revanche, la prétendante à l'Élysée a indiqué qu'elle soumettrait à un vote du peuple un projet de loi pour refonder la politique migratoire de la France, incluant la suspension du droit du sol, qui permet à un enfant né sur le territoire français d'obtenir la nationalité française. La Guyane et Mayotte sont concernées par des flux importants d'immigration clandestine. À noter que le droit du sol est déjà fortement restreint à Mayotte.
Dans son propos de conclusion, le président a regretté l'absence de débats plus approfondis sur les territoires d'Outre-mer français. Difficile, dans cette optique, de savoir si les plus d'un million d'Ultramarins qui ne se sont pas déplacés lors du premier tour de l'élection présidentielle auront trouvé une raison de se déplacer pour le second tour dimanche prochain.