La commission des enfants de la Creuse en cinq questions

Prosper Eve, Wilfried Bertile, Philippe Vitale, Gilles Gauvin et Michel Vernerey
Créée en février dernier par le gouvernement, la commission nationale des enfants de la Creuse est chargée de faire la lumière sur l’exil de plus de 1 600 enfants dans des départements peu peuplés de l’hexagone. Elle se réunit pour la première fois à La Réunion ce mardi. 

#1 Qui compose cette commission ?

La commission nationale sur les enfants réunionnais de la Creuse est composée de cinq experts : un sociologue, deux historiens, un ex-homme politique de La Réunion et un haut fonctionnaire.  


Philippe Vitale

Son président, Philippe Vitale est sociologue. Il enseigne à l’Université d’Aix-Marseille. Il s’est intéressé dès 1999 à la question des enfants de la creuse. Il a publié à ce sujet un livre avec Corinne Spagnoli intitulé "Tristes tropiques de la Creuse".



Gilles Gauvin, membre de la commission des enfants dits de la Creuse

Gilles Gauvin

Gilles Gauvin est historien et professeur dans un établissement en Normandie. Il a fait sa thèse sur Michel Debré, l’homme fort de La Réunion, député de 1963 à 1988,  initiateur de l’exil des enfants réunionnais dans l’hexagone. Gilles Gauvin vient de publier "Michel Debré et l’île de La Réunion" aux éditions Septentrion.



Prosper Eve

Prosper Eve est également historien et originaire de La Réunion. Il s’est beaucoup intéressé à l’histoire locale. Il enseigne à l’Université de La Réunion.




Wilfrid Bertile

Wilfrid Bertile a été député de La Réunion de 1981 à 1986. Ce géographe a été le co-fondateur du Parti socialiste réunionnais en 1972. Elu maire à 26 ans à Saint-Philippe, Wilfrid Bertile a derrière lui une longue carrière politique ponctuée par le secrétariat général de la Commission de l’océan Indien.



 

Michel Verneray

Enfin Michel Verneray compose ce quintette très masculin. Cet ex-fonctionnaire de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) apportera un éclairage sur les rouages de l’Etat.




#2 Quelle est sa mission ?

La commission est chargée d’étudier le transfert forcé de quelques 1 615 enfants réunionnais vers l’hexagone, répartis dans 26 départements français, dont celui de la Creuse où a été envoyé le contingent le plus important, d’où le nom de la commission nationale sur les enfants réunionnais de la Creuse.

Lors de sa présentation George Pau-Langevin a précisé les objectifs de cette commission dont la durée de travail a été fixée à deux ans. Il s’agit d’approfondir la connaissance historique sur les enfants de la Creuse et de contribuer à sa diffusion. A ce propos Philippe Vitale estime que cette "affaire d’Etat doit être connu de tous" et doit figurer dans les manuels d’histoire.

Prosper Eve, Michel Verneray, Philippe Vitale, George Pau-Langevin, Wilfried Bertile et Gilles Gauvin (de gauche à droite)

Mais le travail de la commission ne s’arrête pas là. Elle doit parvenir à établir les décisions et les actes qui ont permis le transfert des 1 615 enfants et adolescents réunionnais vers l’hexagone. Pour cela, la commission devra être à l’écoute des associations. Un site officiel a été mis en place sur internet où les enfants réunionnais de la Creuse et leurs familles peuvent poster des messages (cliquer ici).

#3 Quel est la genèse de la création de cette commission ?

George Pau Langevin  a mis en place la commission le 18 février 2016, deux ans après le vote de la résolution  à l’Assemblée nationale. Mais le combat date de l'année 2000. Cette année-là, Jean-Jacques Martial attaque l'Etat français pour lui réclamer 1 milliard d'euros. Cette action en justice a permis de mettre en lumière ce dossier jusqu'alors méconnu. L'année suivante, ce Réunionnais de la Creuse publie "une enfance volée", un livre dans lequel il raconte son calvaire.


En 2013, le documentaire de William Cally, "Une enfance en exil" réalisé avec le concours de l'historien réunionnais Sudel Fuma, trop tôt décédé, a permis de plus largement diffuser cette hitoire. En 2014, la résolution présentée par Ericka Bareigts, alors députée de La Réunion, visant à reconnaître la responsabilité morale de l'Etat français dans l'affaire des Réunionnais de la Creuse a été adoptée à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, la députée est devenue ministre de l'Outre-mer et s'il y a bien un dossier qui lui tient à coeur, c'est celui-ci.

Ericka Bareigts (à droite) en visite dans le Cantal avec l'association Génération brisée

#4 Ce que l’on sait des enfants de la Creuse ?

L’initiative de cette politique revient à Michel Debré. Afin de résoudre le problème démographique et social de l’île, en 1963, le député de La Réunion met en place le Bumidom pour les adultes, mais en marge de cette politique, il organise aussi l’envoi de centaines d’enfants issus de classes défavorisés vers des départements touchés par le dépeuplement (Creuse, Gers, Cantal, Lozère…). Ce déracinement, souvent réalisé sans le consentement des parents bien souvent illettrés et agissant sous la pression de l’administration, a privé des enfants réunionnais de leur histoire et de leur famille
 
Michel debré, en campagne pour les législatives à Saint-Denis de La Réunion, en 1963, l'année de la création du Bumidom


#5 Qui sont les enfants de la Creuse ?

Jusqu'à présent le chiffre officiel est de 1 615 enfants. La1ere.fr a rencontré plusieurs de ces Réunionnais de la Creuse à commencer par Jean-Jacques Martial par qui le scandale a éclaté, mais aussi Yvon Thiburce, Marie-José Virapin, Marie-Thérèse Gasp, Simon A-Poi, Henry Annony, Valérie Andanson, Jean-Philippe Jean-Marie, Lydie Cazanove, Jean-Charles Pitou, Serge Tétry, Sylvie Arcos et bien d'autres encore. 

Réunies dans le Cantal, trois associations d'enfants de la Creuse ont décidé de se regrouper pour former la FEDD, la Fédération des enfants déracinés des départements et régions d’Outre-mer.

Les enfants de la Creuse se sont organisés. Plusieurs associations défendent leurs intérêts, parmi lesquels Racinn Anler, Génération brisée, la FEDD, la fédération des enfants déracinés des DROM pour ne citer qu'elles. Récemment, deux Réunionnais ont pu renouer pour la première fois avec leurs racines grâce à la mobilisation des associations. Il s'agit de Jean-Thierry Cheyroux et Jean-Bernard Pranville que La1ere.fr a rencontrés.