Encore un nom qui s'ajoute à la longue liste des éphémères ministres des Outre-mer. Après Yaël Braun-Pivet, Jean-François Carenco ou encore Philippe Vigier, Marie Guévenoux ne sera restée qu'un peu plus de sept mois rue Oudinot (dont deux mois au sein d'un gouvernement qui n'a pu gérer que les affaires courantes). Jeudi 19 septembre, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a présenté à Emmanuel Macron la liste des ministres qu'il souhaite nommer au gouvernement. Le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet est pressenti pour récupérer le portefeuille des Outre-mer. L'Élysée devrait officialiser la composition des différents ministères d'ici dimanche.
En quelques mois seulement au sein du gouvernement, Marie Guévenoux, qui a été nommée ministre déléguée en février 2024, n'aura pas eu le temps de laisser son empreinte au ministère des Outre-mer. D'autant plus que celui-ci est sous tutelle du ministère de l'Intérieur, occupé par Gérald Darmanin, depuis juillet 2022.
À son actif : des actions très ciblées, surtout dans le domaine sécuritaire. Mais peu de mesures d'envergure, notamment sur le pouvoir d'achat, le dérèglement climatique ou encore l'évolution institutionnelle, sujets cruciaux pour les Ultramarins.
Une place nette, mais pas de CIOM
Très peu connue du grand public au moment de sa nomination, malgré son rôle de déléguée adjointe de Renaissance, le parti présidentiel, Marie Guévenoux est surtout apparue comme une ministre davantage technique que politique. "La vie chère, la sécurité, l'immigration, l'accès aux soins, l'environnement et l'accès à une eau saine. (...) Je veux voir au plus vite les changements concrets pour tous", déclarait-elle à son arrivée rue Oudinot, en février. Dans son nouveau rôle de ministre, elle promettait de défendre et de mettre en avant la jeunesse ultramarine, "un atout pour la République".
Pourtant, malgré ses ambitions, Marie Guévenoux n'est pas parvenue à convaincre les Ultramarins. Si on peut mettre à son actif l’organisation et la coordination du deuxième volet de l’opération Wuambushu (que le gouvernement a appelé "Mayotte place nette") avec pour objectifs la lutte contre l'immigration clandestine, contre l'économie illégale, la traque des chefs de gangs ou encore la démolition de bidonvilles, les objectifs sont loin d’avoir été atteints. En effet, selon le préfet de Mayotte qui dressait le bilan début juillet, l'opération s'est révélée efficace d'un point de vue sécuritaire avec l'arrestation de 60 "cibles prioritaires". Mais sur les décasages, on note un "résultat inférieur" aux attentes. 650 cases ont été démolies pour une ambition de 1300 logements informels à détruire, reconnaissait François-Xavier Bieuville.
Si la ministre a pris à bras-le-corps le sujet de l'insécurité à Mayotte, elle n'a pas mené de politique globale bénéficiant à l'ensemble des Ultramarins, territoires relativement pauvres comparé à l'Hexagone. Lors de sa prise de pouvoir, elle promettait de poursuivre le vaste chantier ouvert par le Comité interministériel des Outre-mer, le "CIOM" et son ensemble de mesures censées améliorer la vie quotidienne des habitants d'Outre-mer. Ses deux prédécesseurs, Jean-François Carenco et Philippe Vigier, en avaient fait leur ligne directrice. Mais la ministre Guévenoux avait visiblement d’autres priorités. Elle avait annoncé vouloir faire un bilan "très prochainement" après son entrée en fonction. Ce rendez-vous n'a jamais eu lieu.
Une ministre de terrain
Pendant son court passage au ministère des Outre-mer, Marie Guévenoux a multiplié les déplacements sur le terrain. Entre le 11 février, soit deux jours après son entrée au gouvernement, et le 23 mai, elle a parcouru près de 400.000 km en avion autour de la planète. La Réunion, la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique ont eu droit à une visite ministérielle. L'ancienne députée a même fait un crochet par Saint-Barthélemy après avoir présidé la 17ᵉ Conférence de coopération régionale Antilles-Guyane (CCRAG) à Saint-Martin.
Ce sont les Calédoniens et les Mahorais qui ont le plus vu leur ministre : quatre fois pour Mayotte et deux pour la Nouvelle-Calédonie. Il faut dire que ces territoires d'Outre-mer ont été en proie à de nombreux événements violents depuis le début de l'année. Mayotte a connu plusieurs semaines de blocages pour dénoncer la politique migratoire de l'État dans le département. La Nouvelle-Calédonie, elle, s'est embrasée après l'examen de la réforme constitutionnelle sur le dégel du corps électoral.
Mais, souvent, la ministre déléguée n'a eu qu'un second rôle dans ces dossiers brûlants. Sur le terrain, c'est Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer de plein exercice, qui a annoncé la suppression du droit du sol à Mayotte en février, en réponse aux manifestations. En Nouvelle-Calédonie, c'était le même Gérald Darmanin qui était chargé de faire avancer les discussions entre indépendantistes et non-indépendantistes pour s'accorder sur l'avenir du Caillou. Et, une fois que les violences ont éclaté, c'est Emmanuel Macron lui-même qui s'est réapproprié le dossier calédonien. Marie Guévenoux a dû assurer le service après-vente. C'est par exemple elle que l'on retrouvait sur les plateaux de télévision une fois Emmanuel Macron et Gérald Darmanin partis de Nouméa, en mai.
La dissolution surprise de l'Assemblée nationale au mois de juin et les élections législatives anticipées auront eu raison du destin politique de Marie Guévenoux. Pas réélue à son poste de députée début juillet, la Francilienne a perdu toutes ses chances de revenir rapidement dans l'exécutif. Arrivée troisième au premier tour dans sa circonscription de l'Essonne, elle a retiré sa candidature entre les deux tours pour faire barrage au Rassemblement national. On ne la retrouvera donc pas sur la photo officielle du nouveau gouvernement de Michel Barnier.