L'ancienne députée Renaissance fait ses cartons. Le sénateur Les Républicains emménage. Pour la septième fois depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir, en 2017, l'Hôtel de Montmorin, où est situé le ministère des Outre-mer dans le 7ᵉ arrondissement de Paris, se trouve au cœur du va-et-vient des ministres remerciés et nouvellement nommés. Ce lundi 23 septembre, telle une pièce de théâtre, on place le décor avant la grande représentation. Dans la cour intérieure, des cordons rouges délimitent la zone réservée à la presse d'un côté et aux invités et collaborateurs du ministère de l'autre. On installe un pupitre juste devant la porte d'entrée. La pièce peut commencer.
Les premiers rôles sont arrivés en voiture. Marie Guévenoux, d'abord, ministre déléguée en charge des Outre-mer, restée sept mois en charge du portefeuille. Elle revient tout juste de la passation de pouvoir place Beauvau, où l'indéboulonnable Gérald Darmanin a fait ses adieux au ministère de l'Intérieur, laissant place à Bruno Retailleau. Hiérarchie oblige, la ministre, qui était sous tutelle du ministre de l'Intérieur, ne pouvait pas rater le départ de son collègue.
C'est donc à son tour de tirer sa révérence, elle qui n'aura goûté que très rapidement aux responsabilités qu'impose le pouvoir. De son véhicule sort également le député non-indépendantiste calédonien Nicolas Metzdorf, qui siège dans les rangs de Renaissance à l'Assemblée nationale, et qui, lui aussi, était à Beauvau pour le départ de Gérald Darmanin. Au ministère des Outre-mer, le parlementaire est venu saluer l'arrivée du nouveau ministre, convaincu comme lui que la Nouvelle-Calédonie est à sa place au sein de la République française.
Arrive ainsi l'acteur principal. François-Noël Buffet, qui, hier encore, présidait la très puissante commission des Lois du Sénat, se retrouve propulsé au gouvernement. Depuis que son nom circulait pour reprendre le ministère des Outre-mer, l'homme, figure des Républicains au Palais du Luxembourg, hésitait. Était-il judicieux de quitter son siège de sénateur qu'il occupe depuis 20 ans pour un poste dans un gouvernement à l'avenir incertain ? Oui, s'est-il convaincu. Son nom, proposé par le Premier ministre Michel Barnier à Emmanuel Macron, figurait donc dans la liste des nouveaux ministres énoncée samedi soir par le secrétaire général de l'Élysée. Dès son arrivée rue Oudinot, l'homme de 61 ans s'est enfermé pendant vingt longues minutes avec sa prédécesseure dans le ministère des Outre-mer.
Un ministre de droite
En sortant sur le perron de l'Hôtel de Montmorin, l'ambiance était toutefois plus lourde que d'accoutumée. Elles sont bien loin les embrassades de Yaël Braun-Pivet et Sébastien Lecornu, anciens ministres des Outre-mer. Elle est bien loin la gorge nouée de Jean-François Carenco, remerciée au lendemain des annonces du CIOM, sur lesquelles il avait pourtant longuement travaillé. Ou la déception à peine voilée de Philippe Vigier, resté même pas cinq mois à son poste. Cette fois-ci, et pour la première fois depuis sept ans, les clés du ministère changent de mains, certes, mais changent surtout de couleur politique.
Depuis 2017, six ministres fidèles au macronisme avaient plus ou moins longtemps occupé le rôle de ministre ou ministre délégué des Outre-mer. Aujourd'hui, dans le premier gouvernement de cohabitation sous l'ère Macron, c'est un LR qui reprend les rênes. Voire deux, si l'on compte Michel Barnier, le Premier ministre, qui a décidé de rattacher le ministère des Outre-mer à Matignon, signe d'un changement d'ambition pour les territoires ultramarins. "C'est là aussi pour marquer la volonté de ce gouvernement d'avoir en préoccupation première l'avenir de nos territoires d'Outre-mer et de nos compatriotes", estime François-Noël Buffet.
Les temps changent. La dernière locataire de l'Hôtel de Montmorin issue des rangs de la droite s'appelait Marie-Luce Penchard. La Guadeloupéenne avait alors occupé le poste de 2009 à 2012, jusqu'à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy.
L'arrivée de François-Noël Buffet rue Oudinot va-t-elle néanmoins acter un changement de politique vis-à-vis des Outre-mer ? Ce n'est pas dit. Après les adieux de Marie Guévenoux à ses troupes, le nouveau ministre n'a pas voulu se montrer trop sévère et en rupture avec ses prédécesseurs. "Le travail qui a été fait est important, il faut le continuer", appuie-t-il lors de sa brève prise de parole.
J'arrive ici avec beaucoup d'honneur. D'abord celui de servir notre pays. Ensuite, la fierté et le plaisir d'avoir la responsabilité du ministère des Outre-mer. (...) Ce n'était pas forcément ma volonté de rentrer au gouvernement, mais cette opportunité a été pour moi saluée comme une chance.
François-Noël Buffet, ministre des Outre-mer
"On se met au travail"
Sénateur pendant vingt ans, président de la commission des Lois durant quatre ans, François-Noël Buffet a été un observateur privilégié de la vie législative française, mais aussi de celle des Outre-mer. Dans le cadre de son travail, il s'est longuement penché sur la question de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, territoire qui s'enfonce dans la crise depuis le mois de mai. Il a aussi travaillé sur l'insécurité à Mayotte, ou encore sur les Antilles. Le sénateur connaît également bien les questions institutionnelles qui agitent les territoires ultramarins.
Mais, même s'il est un professionnel de la politique, le Lyonnais d'origine est un néophyte du pouvoir exécutif. Il occupe là sa première fonction ministérielle. "J'arrive ici non pas avec des certitudes absolues, loin s'en faut, mais avec l'idée qu'il y a encore du travail, qu'il faut le continuer, naturellement."
Premier objectif pour le ministre : s'occuper des tensions qui agitent la Martinique depuis début septembre, en marge des manifestations contre la vie chère, et la Nouvelle-Calédonie, depuis le mois de mai. Mais, en réalité, la pression monte dans l'ensemble des territoires d'Outre-mer, où les difficultés économiques, sociales, politiques, culturelles et même environnementales s'accumulent. L'accès à l'eau est une vraie plaie dans certains départements. L'accueil des migrants est un enjeu majeur à Mayotte et en Guyane. La lutte contre l'orpaillage, la pêche, l'insécurité, le trafic de drogue sont des priorités partout. Et la mise en avant de la jeunesse, des entrepreneurs, des sportifs et autres talents ultramarins est tout aussi nécessaire que de régler les problèmes de la vie quotidienne.
À peine débarqué dans le gouvernement Barnier, François-Noël Buffet n'a pas encore eu le temps d'affiner sa vision pour les Outre-mer. "Chacun sait ici qu'il y a des situations de tensions. Évidemment que je les connais. Ça va être la première des priorités", a-t-il confié aux journalistes après son discours.
Le nouveau locataire du ministère et Marie Guévenoux ont ensuite pris le temps de saluer une partie des invités, sous les yeux de quelques parlementaires ultramarins marqués à droite venus pour l'occasion : Nicolas Metzdorf (député de Nouvelle-Calédonie), Georges Naturel (sénateur de Nouvelle-Calédonie) et Micheline Jacques (sénatrice de Saint-Barthélemy, présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer). "Je vais faire de mon mieux", promet en souriant François-Noël Buffet aux équipes du ministère présentes dans la cour.
Aussi vite qu'elle est arrivée, l'ancienne ministre déléguée Marie Guévenoux, qui s'est désistée au second tour des dernières élections législatives, remonte dans une voiture venue la chercher et s'éclipse du ministère des Outre-mer. François-Noël Buffet, qui était convoqué à son tout premier conseil des ministres à 15 h à l'Élysée, est, lui, rentré dans son nouveau lieu de travail. "Je passe la porte, je vais dans mon bureau, et on se met au travail", lâche-t-il avant de disparaître dans l'Hôtel de Montmorin.