Mayotte la 1ère revient dans un magazine, le combat des forces vives mahoraises, sur le mouvement social contre l'immigration clandestine et l'insécurité qui a paralysé le département du 22 janvier au 29 février. De ses origines, à ce nouveau quotidien jusqu'aux engagements obtenus. Dans ce troisième et dernier épisode, le temps des politiques, la recherche d'une solution à la crise.
La fin du droit du sol et du titre de séjour territorialisé
Après trois semaines de mobilisation marquées par un dialogue rompu avec le préfet, le ministre de l'Intérieur et la nouvelle ministre déléguée aux Outre-mer se rendent à Mayotte le 11 février. Dès son arrivée, Gérald Darmanin fait deux annonces : "le Président de la République m'a chargé de dire aux Mahorais que nous allons prendre une décision radicale qui est l'inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle. Il ne sera plus possible de devenir Français si on n'est pas soi-même enfant de parent français", explique le ministre. "Nous allons nous donner jusqu'à la prochaine loi Mayotte pour mettre fin au visa territorialisé."
Si la fin du droit du sol provoque un débat national, éclipsant les problématiques sécuritaires sur place, la fin du titre de séjour territorialisé est une revendication de longue date des Mahorais. Ils obtiennent enfin gain de cause, mais la défiance envers les élus et l'État est à son paroxysme. La foule reste en colère. "Tant que ce n'est pas écrit, on n'y croit pas. Il nous faut un programme bien ficelé nous disant à quelle date on aura ces mesures", explique une manifestante.
La promesse d'un courrier
La rencontre avec les forces vives devait durer une heure. Elle durera quatre heures, consacrées aux modalités de la suppression du titre de séjour territorialisé. "Nous attendons qu'il y ait un retour sur les engagements pris par monsieur Darmanin", annonce Safina Soula, l'une des représentantes des forces vives. "Il faut qu'il y ait un document signé avec l'ensemble de nos revendications. Une fois qu'il sera arrivé à Mayotte, il faudra l'analyser, le décortiquer et en faire un retour sincère."
Ce fameux courrier arrivera finalement avec une matinée de retard, en plein congrès à Pamandzi. "Nous avons su faire trembler le gouvernement, le ministre s'est déplacé, ce n'est pas rien !" affirme devant la foule Safina Soula. Ce texte reprendra les engagements du ministre, mais ne satisfait toujours pas les manifestants. Une nouvelle revendication apparaît. "Ce sera la mise en place de l'état d'urgence sécuritaire sur Mayotte", précise Said Kambi, représentant des forces vives.
Les forces vives divisées
Deux jours plus tard, les forces vives se réunissent, divisées, à Tsararano. "Certains veulent lever les barrages, d'autres non, il y a des va-et-vient. On a reçu le courrier, mais on n'a pas les modalités, le calendrier", explique un barragiste. Ils dénoncent notamment l'absence d'engagement fort sur la sécurité. "On peut prendre le temps d'instaurer des mesures qui changeront notre société sur le long terme, mais dans l'immédiat, il faut apporter des réponses", annonce Yasmina Aouny, une autre représentante des forces vives.
"Les négociations ne se développent pas dans les barrages, nous devons nous réunir, préparer ces négociations dans un cadre approprié", explique à l'inverse Safina Soula. Malgré ses appels à lever les barrages, la base fait sécession, renforcée dans sa détermination par les attaques de bandes armées qui se poursuivent sur les routes. Le mouvement sera endeuillé par le décès d'un barragiste à Tsingoni, tué au couteau par un jeune qui se trouvait sur son terrain.
Des engagements à tenir
Les barrages seront finalement levés le 29 février, laissant un goût amer à la population. Les forces vives en profitent pour se réunir : les leaders opposés se tiennent désormais main dans la main à l'hémicycle Bamana pour la mise en place d'un comité de suivi de l'action de l'État. "Nous avons quitté cet hémicycle avec une seule voix, c'est la voix des forces vives", clame Badirou Abdou, l'un des représentants des forces vives. Les élus locaux prennent la relève. Les députés et sénateurs interpellent le gouvernement dans l'hémicycle. "Le rendez-vous est pris, si d'ici juin, les choses ne sont pas faites, évidemment le mouvement va reprendre", annonce la députée Estelle Youssouffa.
Le premier engagement sera tenu avec la dernière étape du démantèlement du camp de migrants du stade de Cavani, le 22 mars. Une victoire de courte durée, le problème s'est déplacé. Les arrivées sont toujours aussi nombreuses et les demandeurs d'asile campent désormais dans les rues du quartier. "Ils sont sur la route, sur la chaussée, ce n'est pas une maison", s'indigne une commerçante. "Nous les Somaliens, on vient à Mayotte car on cherche une vie meilleure", explique un migrant Somalien installé devant sa boutique.
Le gouvernement a promis un rideau de fer maritime contre l'immigration clandestine, mais aucune réponse sur la prise en charge sur place des demandeurs d'asile déjà sur place. Autre défi pour le préfet François-Xavier Bieuville : la lutte contre les bandes violentes de mineurs. Les moins de 18 ans représentant 98% auteurs mises en cause pour des faits de violences dans l'île. Deux arrêtés sont pris pour interdire la vente de machette et autoriser l'euthanasie des chiens errants jugés dangereux. Suffiront-ils ? L'été prochain se jouera la bataille parlementaire sur la suppression du droit du sol et du titre de séjour territorialisé. D'ici là, l'opération Wuambushu 2 qui débutera après le ramadan sera un premier test alors que les forces vives menacent déjà de reprendre les barrages.