"Un pays sans artiste, c'est un pays mort. Il faut des artistes pour bousculer les consciences d'ici. Les consciences politiques, religieuses, culturelles et coutumières." En cette année 2022, Pierre Gope célèbre les 30 ans de la compagnie Cebue. Mais comme beaucoup d’artistes calédoniens, le dramaturge maréen n’avait pas vraiment le cœur à la fête, en mai. Après deux ans de crise Covid et des subventions en berne, le secteur culturel est en difficulté.
L’avenir du Salon international du livre océanien est d’ailleurs sérieusement menacé, apprend-on en octobre. "Les budgets baissent. On a des aides de l'Etat mais on a besoin d'autres financements pour maintenir les éditions prochaines", expliquait Alice Pierre, la directrice de la Maison du livre.
En octobre également à Poindimié, le festival Ânûû-rû Âboro est maintenu in extremis, mais sans réalisateur invité. A Nouméa, les Francofolies se déroulent sur deux jours au lieu de trois au mois de septembre. Et c’est un succès ! "Je pense que le public attendait ça depuis quelques temps. On a été aussi un peu sevré de tous ces gros évènements, donc on est content que le public réponde présent", se réjouissait Chris Tateossian, co-organisateur du festival musical.
Gros succès également pour "Fin bien ensemble", comédie politico-humoristique de Jenny Briffa. Pourtant en août, la compagnie a dû faire appel à la générosité des Calédoniens pour boucler son budget. "Au mieux, avec les demandes de subventions, on sait qu'on va être à 20 % du budget, grosso modo, donc a vraiment besoin du soutien financier des Calédoniens."
Face à la situation, les artistes jouent la solidarité. En novembre, pour sauver le Musée maritime, quatre plasticiens créent des œuvres originales et offrent 50% de leurs recettes à l’association du Musée. Une évidence pour Stéphane Foucaud : "Nous qui parlons beaucoup d'aventure, de découverte, nous sommes aussi dans la recherche. On se devait finalement de participer à ce sauvetage en mer !"
2022 apporte également son lot de nouveautés : après 16 ans de fermeture, le drive-in du Pont-des-Français reprend du service en septembre.
47 ans après Melanesia 2000, le gouvernement lance Caledonia en septembre. L'objectif de ce nouveau festival culturel ? Célébrer toutes les communautés. "On a souhaité avec le président et le gouvernement impulser une nouvelle dynamique autour des savoir-faire et des liens historiques qui nous unissent", décrivait Mickaël Forrest, membre du gouvernement en charge de la culture.
Nul doute que Dewé Gorodé eut apprécié ; mais la militante et femme de lettres pose le point final au roman que fut sa vie le 14 août.
Le peintre Alain Menant, le sculpteur Jean-Philippe Tjibaou et l’artiste multifacettes Ito Waia nous quittent également en 2022. Ils laissent derrière eux des œuvres colorées et des messages importants à destination des générations futures.
"On sera les premiers réfugiés du réchauffement climatique parce qu'on est des îles, et c'est aujourd'hui que les décisions sages doivent être prises, il ne faut pas attendre. C'est pas une fois que tout se casse la figure, qu'on dit : si j'avais su." Ce jour-là, Ito parlait de l’avenir de la planète ; il aurait pu prononcer ces mêmes mots pour alerter sur le devenir de la culture.
A retenir aussi :
- En juin, le botaniste Bernard Suprin partage ses connaissances sur les plantes comestibles.
- La première édition du Loyalty festival au CCT début septembre.
- L'inventaire du patrimoine kanak dispersé est désormais visible en ligne.
- La disparition le 21 octobre de Canako Canehmez, membre du groupe Bethela.
- Le festival Sialala à Lifou, le 16 décembre.
- Les 20 ans du groupe de hip-hop Résurrection, le 11 décembre.
- Et jusqu'en mars 2023, l'exposition "Carnets kanak, voyage en inventaire de Roger Boulay" est visible au musée du quai Branly.