Vendredi 4 mars 2022, au petit matin, Laura, une jeune adolescente vivant à Sainte-Marie, sur l'île de La Réunion, découvre le corps sans vie de sa maman, Elise. Gisant dans son sang, elle a reçu plusieurs coups à la tête. La femme de 57 ans a été sauvagement assassinée par son mari, qui s'est suicidé juste après avoir commis le meurtre. Dix jours plus tôt, Elise s'était rendue à la gendarmerie de sa commune pour porter plainte contre son conjoint, qui était devenu menaçant. Il devait se présenter au tribunal au mois d'avril 2022.
L'histoire d'Elise est l'histoire des 118 femmes qui, comme elle, ont été battues, violentées et tuées par leur mari ou leur ex-conjoint en France en 2022, comme le rapporte l'étude nationale sur les morts violentes au sein du couple, publiée ce week-end par le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer. Sur ces 118 victimes, 13 vivaient dans les territoires d'Outre-mer. En 2021, elles étaient 10. Le nombre de féminicides n'a jamais été aussi élevé dans les territoires ultramarins.
L'année dernière, 11 % des victimes de féminicides en France se trouvaient dans un territoire ultramarin, alors que seulement 4 % de la population y vit. Un chiffre glaçant qui témoigne d'un besoin urgent de s'attaquer aux violences conjugales et intrafamiliales dans ces territoires éloignés de l'Hexagone.
Des violences plus marquées dans les Outre-mer
Au total, en 2022, deux femmes sont mortes en Guadeloupe, ainsi qu'en Polynésie, tuées par un homme avec qui elles partageaient (ou ont partagé) leur vie. En Guyane, en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion, elles sont trois (dans chaque territoire) à avoir été assassinées par leur mari ou ex-mari. Les territoires guyanais et calédoniens sont d'ailleurs ceux qui comptent le plus de féminicides en France rapportés à la population.
Chaque récit se ressemble. Le 15 juillet 2022, une femme de 35 ans est décédée à Nouméa. Quelques jours plus tôt, elle avait été violemment battue par son mari. Début août, c'est à Bourail, toujours en Nouvelle-Calédonie, qu'une assistante de vie scolaire est retrouvée morte sur son lit. Elle présentait une ecchymose à la tempe. Son conjoint, suspecté de l'avoir frappé à mort, a été placé en garde à vue. Le 29 août, à Bora-Bora, en Polynésie, une femme de 52 ans est poignardée par son mari. Elle se présente aux urgences avec une plaie au thorax. Elle succombe à ses blessures quelques heures plus tard.
Ces meurtres dans les territoires ultramarins ne sont malheureusement pas surprenants. Les violences sexistes, sexuelles et conjugales y sont plus marquées que dans l'Hexagone. Fin 2022, une étude du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer plaçait trois territoires d'Outre-mer dans le haut du classement des départements où les femmes subissent le plus de violences conjugales, la Guyane étant en tête.
Pour répondre à ce fléau, le gouvernement a nommé Justine Benin comme coordonnatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes en Outre-mer au mois de juillet. Sur X (anciennement Twitter), l'ancienne secrétaire d'État s'est dite "déterminée à agir avec l'ensemble des acteurs" au moment de la publication du rapport ce week-end.
Cette année, le nombre de victimes de féminicides continue d'augmenter dans les Outre-mer. Au mois d'août, un homme de 79 ans a battu à mort sa compagne âgée de 39 ans en Polynésie. En Martinique, une aide-soignante a été assassinée par son conjoint devant chez elle en février. À Mayotte, où aucun féminicide n'avait été recensé ces dernières années, l'ex-compagnon d'une jeune architecte a avoué l'avoir étranglé avant d'emballer son corps dans un sac-poubelle et de le jeter dans une benne à ordures. La liste est encore longue.
Retrouvez l'émission Outre-mer, et si on bougeait les lignes sur le thème des violences faites aux femmes, diffusé en avril 2022 :