Féminicides : en Outre-mer, dix femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2021

Slogan inscrit sur les murs par ceux qui dénoncent les féminicides.
Comme à l'échelle nationale, le nombre de morts violentes au sein du couple a augmenté dans les territoires ultramarins. La Guyane et La Réunion comptent le plus de victimes en Outre-mer.

Une en Guadeloupe, deux en Guyane, trois à La Réunion, une à Saint-Martin, une en Polynésie et deux en Nouvelle-Calédonie. En 2021, dix femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint dans les territoires ultramarins. Au total, selon l'étude nationale sur les morts violentes au sein du couple, publiée vendredi 26 août par le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, douze personnes ont perdu la vie l'année dernière en Outre-mer, hommes compris.

Derrière ces nombres, il y a des noms, des visages, des histoires tragiques, des familles endeuillées. D'abord classés comme faits divers dans les colonnes de la presse locale, ces meurtres de femmes attirent désormais l'attention des médias nationaux et de l'opinion publique qui en ont fait un fait de société. Un phénomène devenu, depuis, une priorité des gouvernements.

Les Calédoniens étaient mobilisés ce samedi, devant le tribunal de Nouméa.

Les féminicides ont doublé en Outre-mer

Comme à l'échelle nationale (143 personnes tuées, dont 122 femmes, soit une hausse de 20 % des féminicides entre 2020 et 2021), le nombre de morts en dehors de l'Hexagone a augmenté en un an : huit victimes avaient été recensées en 2020. Parmi elles, trois étaient des hommes.

D'une année à l'autre, nous sommes donc passés de cinq féminicides dans les Outre-mer (concentrés dans les Antilles-Guyane et en Polynésie) à dix. Parmi les DROM-COM, la Guyane (trois morts, dont deux femmes) et La Réunion (trois mortes, toutes des femmes) sont les deux régions où l'on déplore le plus de victimes.

Ces statistiques sont d'autant plus glaçantes que le phénomène semble accentué dans les territoires ultramarins. 8 % des femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint dans toute la France l'ont été dans les territoires d'Outre-mer, alors que seule 4 % de la population y vit.

Parmi les trois femmes décédées à La Réunion en 2021, il y avait Lise May, 55 ans, qui vivait à Saint-Joseph. Le 6 novembre, son ancien compagnon s'introduit à son domicile. L'homme n'a pas accepté la décision qu'a prise sa concubine de mettre fin à leur relation deux mois plus tôt. Une dispute éclate, il se saisit d'un couteau et la poignarde, alors que ses enfants sont là. La femme, qui a vécu 35 ans de violences, meurt sur le coup. Lui tente de se suicider. Il s'en sort et doit désormais faire face à la justice. Huit mois plus tôt, une autre femme de 78 ans avait été tuée par son mari dans cette même commune de Saint-Joseph. L'homme avait également assassiné sa voisine.

Les violences contre les femmes, un fléau en Outre-mer

Ces meurtres dans les territoires ultramarins ne sont malheureusement pas surprenants. Les violences sexistes, sexuelles et conjugales y sont plus marquées que dans l'Hexagone. En 2019, l'Institut national d'études démographiques s'était penché longuement sur les cas particuliers de La Réunion, la Martinique et la Guadeloupe. Sur les violences conjugales, l'INED soulignait que "c’est au sein [des] couples qui se sont séparés dans l’année que la proportion de faits de violences est la plus importante".

Comme en Nouvelle-Calédonie, par exemple, où un jeune homme de 19 ans a tué sa petite amie âgée de 16 ans le 3 janvier 2021 alors que l'adolescente avait exprimé vouloir faire "une pause dans [leur] vie commune". Toujours sur le Caillou, mais presque un an plus tard, le 22 décembre, un homme a tiré sur sa compagne, la tuant sur le coup. Lui s'est ensuite suicidé. Ils étaient séparés depuis le mois de juillet.

A l'origine de ce féminicide, la violence, l'alcool et la drogue.

Malgré les efforts des pouvoirs publics sur la prévention, la protection et l'accompagnement de ces femmes parfois sous l'emprise de leur conjoint ou ex-conjoint, l'omerta semble plus compliquée à lever dans les Outre-mer. Aux Antilles, par exemple, difficile de dénoncer un mari violent sur des îles où tout le monde se connaît. Au contraire, en Polynésie, difficile de trouver de l'aide dans des atolls isolés, sur un territoire aussi large que l'Europe.

Des facteurs comme la pauvreté, le chômage ou encore l'alcoolisme, qui sont des problèmes encore plus marqués dans les DROM COM que dans l'Hexagone, participent à l'accentuation de ce phénomène dans les Outre-mer.

Depuis le début de cette année, les territoires ultramarins continuent malheureusement à compter leurs victimes. À Nouméa, une mère de famille a été frappée à mort par son conjoint au mois de juillet. En mars, à Sainte-Marie (La Réunion), une femme ayant reçu plusieurs coups à la tête a été retrouvée morte par sa fille aînée.

Retrouvez l'émission Outre-mer, et si on bougeait les lignes sur le thème des violences faites aux femmes, diffusé en avril 2022 :

Violences faites aux femmes