En finir vite avec la vie chère en Outre-mer. C'est en substance l'esprit et l'objectif d'une proposition de loi déposée mardi par le président du groupe Socialistes et apparentés à l'Assemblée nationale, Boris Vallaud, député PS des Landes, et cosignée par l'ensemble des élus socialistes. D'après les informations d'Outre-mer la 1ère, ce texte sera examiné en séance publique lors de la niche parlementaire du groupe, prévue le 12 décembre.
"L'urgence sociale est criante et l’inaction n’est plus une option", écrivent les parlementaires, qui ont voulu se saisir de la mobilisation massive en Martinique pour pousser le sujet en haut de l'agenda du Parlement.
Si la question de la vie chère en Outre-mer est connue depuis longtemps (l'ancien député martiniquais Johnny Hajjar, qui siégeait avec les socialistes, avait initié une commission d'enquête parlementaire à ce sujet en 2023), aucune avancée réelle et significative n'a permis de régler le problème.
Le gouvernement avait certes présenté un ensemble de mesures pour améliorer la vie quotidienne des Ultramarins lors du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) en juillet 2023. Mais, depuis, la valse des ministres n'a pas permis de faire avancer le dossier.
Quelques pistes ont toutefois été lancées, notamment sur une réforme de l'octroi de mer, taxe principalement prélevée sur les produits importés en Outre-mer, ainsi qu'une mission pour identifier les situations de monopoles et d'oligopoles. Cependant, aucune mesure concrète n'a permis jusque-là de soulager le portefeuille des Ultramarins.
Un accord en Martinique
Pourtant, le sujet presse. Les produits alimentaires sont près de 40 % plus chers aux Antilles-Guyane et à La Réunion comparé à l'Hexagone. À Mayotte, l'écart est de 30 %. "La vie chère continue d’être, en 2024, une réalité qui reste insupportable pour les Ultramarins", estiment l'ensemble des députés socialistes, dont les Ultramarins Béatrice Bellay, Jiovanny William (Martinique), Christian Baptiste, Elie Califer (Guadeloupe) et Philippe Naillet (La Réunion), tous cosignataires.
Il y a maintenant deux mois, les Martiniquais et Martiniquaises ont pris les devants et ont lancé une mobilisation générale contre la cherté de la vie. Après des jours de négociations, un accord a été signé le 16 octobre entre l'État, la Collectivité territoriale et les distributeurs, actant la baisse de 20 % en moyenne des prix de 6.000 produits de première nécessité. Pas assez pour certains. Le RPPRAC, à l'origine du mouvement social, réclamait la baisse du prix de 40.000 produits. Il n'a pas signé le document et a promis de continuer la mobilisation.
L'accord, qui est un premier pas, n'est néanmoins valable qu'en Martinique. Or, la vie chère touche tous les territoires d'Outre-mer. Le Premier ministre Michel Barnier a promis de réunir un nouveau CIOM en début d'année prochaine. Mais, en attendant, les parlementaires socialistes ont pris l'initiative d'accélérer les choses.
Négociation, transparence, lutte contre les monopoles
Dans leur proposition de loi, ils veulent d'abord "rendre effectif le bouclier qualité prix [BQP] pour obtenir des prix sur des biens de première nécessité et de consommation courante équivalents à ceux pratiqués en moyenne en Hexagone". Pour cela, les socialistes aimeraient donner plus de pouvoir aux Observatoires des prix, des marges et des revenus présents sur chaque territoire dans les négociations des prix du BQP. Si aucun accord n'est trouvé entre les différents acteurs locaux, "le préfet réglementera les prix sur la base des prix les plus bas pratiqués en Hexagone", précise le texte.
Deuxième volet d'action : la transparence des acteurs économiques. Connaître les marges des distributeurs et des différents acteurs économiques est nécessaire pour permettre de diminuer les prix dans les rayons des magasins. La proposition de loi des députés prévoit donc de renforcer les sanctions contre les entreprises qui ne publient pas leurs comptes (une astreinte qui serait de l'ordre de 1 % de leur chiffre d'affaires mondial par jour).
Enfin, la troisième et dernière mesure défendue par les élus de gauche est d'"abaisser les seuils de contrôle des concentrations Outre‑mer à 5 millions d’euros dans tous les domaines d’activités économiques". Autrement dit : dès qu'une opération de rachat ou de fusion dépassera les 5 millions € (contre 15 millions € aujourd'hui), les autorités de la concurrence feront automatiquement un contrôle. L'objectif étant d'éviter la formation de monopoles ou d'oligopoles, en partie à l'origine de la cherté de la vie dans les territoires ultramarins.
De même, la proposition de loi veut "rendre obligatoire l'autorisation d'exploitation commerciale pour tout projet de création ou d'extension d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 mètres carré".
Les Outre-mer "ne sauraient être plus longtemps captifs d’un modèle économique et social hérité de l’époque des colonies (...). Il en va (...) de la paix sociale et civile durable dans ces territoires de la République, du développement de leurs économies et surtout de la capacité d’émancipation humaine et sociale des populations qui les habitent", écrivent Boris Vallaud et ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, qui espèrent une victoire législative le 12 décembre.
D'ici là, la mobilisation lancée en Martinique début septembre pourrait bien s'étendre à d'autres territoires. Déjà, plusieurs mouvements guyanais ont réclamé d'être reçus par le président de la Collectivité territoriale de Guyane, Gabriel Servile, pour évoquer la question du pouvoir d'achat. Dimanche 3 novembre, des représentants du RPPRAC seront à Paris pour participer à la grande marche contre la vie chère. Le cortège défilera jusqu'au ministère des Outre-mer.