EXCLUSIF. Vie chère, crises en Nouvelle-Calédonie et en Martinique... Ce qu'il faut retenir de l'entretien avec le nouveau ministre des Outre-mer François-Noël Buffet

Le ministre des Outre-mer François-Noël Buffet lors de son premier entretien à Outre-mer la 1ère, ce jeudi 10 octobre 2024.
13 morts en Nouvelle-Calédonie, la pression migratoire à Mayotte, les violences qui éclatent en Martinique à cause de la vie chère... Les dossiers urgents s'accumulent sur le bureau du nouveau ministre des Outre-mer François-Noël Buffet. Il donne les grandes lignes de sa politique dans un entretien exclusif accordé à Outre-mer la 1ère ce jeudi 10 octobre.

Court mais intense. En huit minutes, François-Noël Buffet, nommé le 23 septembre au poste de ministre des Outre-mer rattaché au Premier ministre, a fait le tour des problématiques majeures qui touchent les territoires ultramarins, lors d'un entretien exclusif donné à Outre-mer la 1ère ce jeudi 10 octobre. 

©la1ere
  • "L'État sera derrière la Nouvelle-Calédonie"

Sa première visite ministérielle sera pour la Nouvelle-Calédonie, du 16 au 18 octobre, car le Caillou connaît une vague de violences inédite depuis 40 ans. Les émeutes ont éclaté le 13 mai dernier après l’approbation par le Sénat et l’Assemblée nationale du texte sur l'élargissement du corps électoral.

En près de cinq mois, 13 décès sont à déplorer. L'économie calédonienne s’est également effondrée avec 6.000 emplois du privé détruits, sans parler de la filière nickel en très grande difficulté.

C'est en partie pour se "rendre compte de la situation matérielle des dégâts occasionnés depuis le 13 mai dernier" que le ministre a souhaité se rendre en priorité sur le Caillou. "Je veux pouvoir initier rapidement la reconstruction : la reconstruction de nos entreprises, [...] de nos bâtiments publics et il faut véritablement qu'on puisse mettre en route les choses", a-t-il confié à Outre-mer la 1ère.

Un laboratoire alimentaire incendié pendant les émeutes. Normandie. Nouméa . Septembre 2024.

S'il valide sur le principe la prolongation du couvre-feu jusqu'au 14 octobre, il tient à rappeler son soutien à la population : "Ma présence sur le terrain est là aussi pour montrer tout l'intérêt qu'a le gouvernement à la situation calédonienne, à tous les Calédoniens sans exception et à la volonté [...] d'avancer."

Pour avancer, se reconstruire et éviter la faillite financière, les élus calédoniens demandent à l'État français 4,2 milliards d'euros sur cinq ans. Une somme que le ministre n'a pas promise pour l'instant.

"L'État sera derrière la Nouvelle-Calédonie. Reste à en déterminer à la fois et le quantum et les conditions, nuance-t-il. Mais bien sûr que l'État tiendra sa parole, il a déjà tenu sa parole : plus de 400 millions d'euros ont été apportés à la Nouvelle-Calédonie pour permettre de faire face aux conséquences sociales mais aussi pour aider les entreprises. Il n'y a aucune raison que l'État ne continue pas ce partenariat."

La délégation interinstitutionnelle s'est entretenue avec le ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet.

La dernière mais non moins importante raison de son déplacement sur le Caillou est d'"aller expliquer à nos compatriotes les raisons du report des élections provinciales". François-Noël Buffet confirme en effet qu'elles "seront reportées" avec un passage du texte devant le Sénat puis l'Assemblée nationale entre octobre et novembre.

Un report censé laisser du temps pour parler de l'avenir économique et social de l'île mais aussi du dégel du corps électoral, question à l'origine des émeutes. "Cela fera l'objet nécessairement d'une discussion", confirme-t-il en y mettant les formes.

Il reste très prudent pour éviter d'engager la parole du gouvernement : "Je souhaite laisser un peu quand même aux élus locaux la responsabilité de porter d'abord les discussions. L'État regardera avec beaucoup d'intérêt, naturellement dira ce qu'il souhaite, mais aussi laissons le terrain, si possible le calme revenu, reprendre les discussions."

Rappelons que le Premier ministre Michel Barnier avait annoncé lors de son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale que le texte sur le dégel du corps électoral "ne sera[it] pas soumis au Congrès", mais que ce passage a disparu de la version prononcée devant le Sénat.

  • Vie chère : des choses "inexplicables"

Après la Nouvelle-Calédonie en mai, c'est désormais la Martinique qui est le théâtre de violences et où un couvre-feu est mis en place à partir de ce jeudi 10 octobre au soir.

De nombreux véhicules en feu sur le port.

Derrière ces affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, une mobilisation menée par le RPPRAC, le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens, qui a démarré le 1er septembre 2024. Ce mouvement qui prend de l'ampleur au fil des semaines pointe du doigt un sujet dénoncé depuis plusieurs années : la vie chère en Outre-mer.  

Deux députés martiniquais ont d'ailleurs interpellé le ministre des Outre-mer ce mercredi 9 octobre lors des questions d'actualité : "Aujourd’hui encore, la seule réponse du gouvernement face aux revendications légitimes des Martiniquaises et des Martiniquais c’est la répression !", s’est agacé Marcellin Nadeau. 

La réponse de François-Noël Buffet reste la même à notre micro que devant l'Assemblée nationale : "Oui, l'ordre public doit être partout le même sur l'ensemble du territoire." Le ministre, qui espère un retour au calme rapide, a rappelé que "les discussions sont ouvertes", que "l'État sera au rendez-vous" par l'intermédiaire du préfet, notamment lors d'une réunion attendue ce jeudi 10 octobre avec les acteurs locaux.

Parmi les pistes de réflexion pour assurer des prix identiques entre la Martinique et l'Hexagone, il a reconnu lui-même qu'il "faudra accepter à un moment de mettre tout sur la table et de regarder y compris des choses qui [lui] paraissent parfaitement inexplicables". "On ne peut pas rester dans cette situation, pour nos compatriotes ultramarins", a-t-il conclu sur ce point.

La Martinique sera d'ailleurs le deuxième voyage du ministre. Un déplacement prévu fin octobre début novembre après la Nouvelle-Calédonie et avant Mayotte, archipel en crise structurelle depuis plusieurs années.

  • "Donner un avenir" à Mayotte

Mutinerie des détenus et prise d'otages des surveillants le 28 septembre dernier liées à la surpopulation carcérale dans l'unique prison de l'archipel ; relance des "vols groupés" destinés à reconduire les ressortissants de République démocratique du Congo dans leur pays, selon une instruction du nouveau ministre de l'Intérieur ; épidémie de choléra qui vient de se terminer, liée aux pénuries d'eau récurrentes et aux problèmes d'assainissement...

Chaque semaine ou presque, Mayotte fait parler d'elle. Depuis sa départementalisation en 2011, l'archipel enchaîne les crises sanitaire, migratoire et sécuritaire, sans réel changement malgré les tentatives des pouvoirs publics pour les enrayer.

En février 2024, le ministre des Outre-mer de l'époque avait annoncé une réforme constitutionnelle à venir pour supprimer complètement le droit du sol à Mayotte (déjà exceptionnellement restreint par rapport au reste de la France), ainsi que la fin de la territorialisation des titres de séjour, qui empêchait toute personne obtenant une régularisation à Mayotte de se rendre ailleurs en France.

Des migrants à bord d'un "kwassa kwassa" tentant de rejoindre Mayotte.

Sur ce point, François-Noël Buffet a déclaré que ce projet de loi était en train d'être étudié par le gouvernement : "Vous savez qu'il porte sur plusieurs sujets, nous le réexaminons et probablement que nous aurons à faire légiférer là-dessus."

Il a cependant tenu à souligner que "la question migratoire" est certes "un élément fondamental mais ce n'est pas le seul". "Les taux de chômage sont trop importants, la pauvreté est trop importante, a-t-il déploré en insistant sur le fait qu'il était nécessaire également "de donner un avenir aux Mahorais : un avenir économique, un développement structurel organisé pour les années qui viennent pour Mayotte, elle en a absolument besoin !

  • Budget : "Je fais tout pour" le sauver

Alors que Matignon présente ce jeudi 10 octobre au soir le projet de budget 2025, des premières mesures concernant les Outre-mer sont déjà sorties dans la presse. Dans un avant-projet, le Premier ministre envisage une économie de 200 millions d'euros pour la mission Outre-mer l'année prochaine, soit une baisse de 9,2 % du budget. Alors qu'Eric Cocquerel, le président LFI de la commission des finances au Palais Bourbon, fustigeait "une grosse saignée", les parlementaires ultramarins ont étrillé cette annonce.

Le ministre des Outre-mer François Noël Buffet répond aux questions de Laïd Berritane d'Outre-mer la 1ère dans un entretien exclusif, ce jeudi 10 octobre.

À la question d'Outre-mer la 1ère "Arriverez-vous à sauver votre budget ?", le ministre des Outre-mer a répondu : "Je l'espère, en tout cas je fais tout pour."

Parmi les arguments avancés, celui de la confiance : "Il est important que la parole de l'État, qui s'est engagé notamment à travers des contrats, soit maintenue, soit tenue, c'est essentiel en termes de confiance."

Pas sûr que cet argument soit suffisant. François-Noël Buffet participera en tout cas au débat parlementaire dans les prochaines semaines pour défendre son budget, tout en enchaînant les déplacements ministériels en Nouvelle-Calédonie, en Martinique et à Mayotte dans un premier temps.

Il présidera ensuite le comité interministériel aux Outre-mer (CIOM) prévu au premier trimestre 2025. Un créneau en attendant de donner "une date qui sera certaine" :  "Ce que je ne veux pas, c'est qu'on reporte en disant 'On n'est pas prêt, on reporte', il n'est pas question de fonctionner comme ça !" Une réponse aux critiques qui jugeaient ce calendrier incompatible avec l’urgence de la situation comme celle de la Martinique.