C'était prévu le 18 novembre, avant d'être repoussé d'une semaine : Louis Mapou, président du dix-septième gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a enfin prononcé sa déclaration de politique générale, jeudi 25 novembre, à Nouméa. Non pas au Congrès, mais en salle Sisia du centre culturel Tjibaou.
Un incontournable qui a eu lieu quatre mois et demi après son élection à la tête de l'exécutif. Que peut-on retenir de la politique mise en œuvre depuis juillet, dans un contexte très particulier ? On fait le point.
1L'actuel gouvernement a été élu suite à la chute du 16e
Avant l'entrée en fonction du 17e gouvernement, il y a eu la chute du 16e. Souvenez-vous : en février dernier, un vent cyclonique et de panique souffle sur la politique calédonienne. Le 2 février 2021, l'UC-FLNKS et l'Uni annoncent la démission de leurs membres. Les cinq élus indépendantistes quittent l'exécutif en place depuis juin 2019.
Comment expliquent-ils leur décision ? En évoquant une crise de confiance au sein de l'exécutif, qui mettrait à mal l'esprit de collégialité, et serait liée à plusieurs choses : la cession houleuse de l'usine du Sud, le non-vote du budget primitif ou encore "l'absence de dialogue constructif avec l'Etat sur la prochaine consultation" référendaire.
En réaction, l’Avenir en confiance décrit "une politique de la terre brûlée irresponsable et dangereuse", tandis que Générations NC parle de “coup d’Etat”, de la part des indépendantistes. Calédonie ensemble considère que cette crise institutionnelle confirme “l’incapacité politique de l’Avenir en confiance à concrétiser le 'choc de confiance' sur lequel il s’était engagé”. De son côté, le ministère des Outre-mer prend acte et appelle à la formation d’un nouveau gouvernement "dans les délais les plus courts”.
2Il a mis cinq mois à se doter d'un président
Au Congrès, désormais, d'élire dans les quinze jours le prochain exécutif. Ce sera fait en moins d'une heure, le 17 février, à l'issue d'un scrutin qui réserve des surprises : la liste proposée par les indépendantistes de l'Uni obtient deux voix de plus qu'attendu, dont une attribuée aux loyalistes de l'AEC. Résultat, éviction de l'Eveil océanien.
Mais là où le bât blesse vraiment, c'est quand les onze membres de ce nouveau gouvernement passent au choix du président et du vice-président. Les indépendantistes, désormais majoritaires, n'arrivent pas à départager les candidatures de Louis Mapou (Uni) et de Samuel Hnepeune (UC-FLNKS et Nationalistes). L'accord va se faire attendre... cinq mois.
Dans l'intervalle, la Nouvelle-Calédonie se retrouve face à un “feuilleton” institutionnel. À quatre reprises, la tentative de désignation se solde par un échec.
3Il a laissé le gouvernement précédent assurer des "affaires courantes"... peu courantes
Tant que ses président et vice-président ne sont pas élus, le 17e gouvernement n’entre pas en fonction. En attendant, c’est le 16e, présidé par le loyaliste Thierry Santa, qui assure les affaires dites courantes.
Le quotidien, en quelque sorte, mais pas que : la Nouvelle-Calédonie doit faire face aux dégâts causés par la pluvieuse dépression Lucas en février et le venteux cyclone Niran en mars. En charge de la sécurité civile, il s’efforce de protéger la population en collaboration avec les communes. Il reconnaît également le caractère de calamité agricole aux dommages causés dans les champs et vergers.
Ces "affaires courantes" prennent une dimension encore plus inédite quand le Caillou connaît sa deuxième alerte à la pandémie de Covid. En mars, on craint la circulation du virus sur le territoire. Le gouvernement met en place un deuxième confinement et sa cohorte de mesures. Tout ça alors qu’il continue à gérer la mise sous cloche du pays : frontières quasi fermées, vols dérogatoires et sas sanitaire. En parallèle, la campagne de vaccination se poursuit doucement.
Ce n’est pas tout. En décembre 2020, pas de vote du budget primitif de la Nouvelle-Calédonie au Congrès, il a été reporté au premier trimestre 2021. Sauf qu’avec la chute du gouvernement, et l’attente du 17e, il n’a pas lieu avant le 31 mars. Mise sous tutelle ! C'est l'Etat qui reprend la main, et permet de valider, en avril 2021, un budget à 82,5 milliards de francs CFP. Ce montant a minima n’assure que les dépenses obligatoires et essentielles.
4C’est le premier gouvernement à majorité indépendantiste
8 juillet, la cinquième tentative est la bonne. Par six voix sur onze, le premier gouvernement à majorité indépendantiste depuis l’Accord de Nouméa choisit pour président Louis Mapou, 62 ans. Lequel devient logiquement le premier indépendantiste à diriger l’exécutif calédonien dans cette période. Le deuxième si on intègre la présidence de Jean-Marie Tjibaou à la tête du conseil de gouvernement, au début des années quatre-vingts.
Cette élection met fin à une crise institutionnelle de plus de cinq mois, durant laquelle le 17e gouvernement, élu le 17 février, n'a pu entrer en fonctions car les frères ennemis du FLNKS - l ‘Uni et l'UC - se disputaient la présidence.
La nouvelle équipe devient enfin opérationnelle courant juillet, après la distribution des portefeuilles et le retrait de Samuel Hnepeune. Son départ permet le retour de l’élu Eveil océanien.La première séance collégiale a lieu le 22 juillet.
- président, Louis Mapou (Uni)
- vice-présidente, Isabelle Champmoreau (AEC), seule femme de l’équipe
- porte-paroles, Yannick Slamet (Uni) et Gilbert Tyuienon (UC-FLNKS et Nationalistes avec Eveil océanien)
- chargé des budgets, Yannick Slamet
- économie et commerce, Adolphe Digoué (Uni)
- fiscalité et transports : Gilbert Tyuienon
- culture, jeunesse et sports, Mickael Forest ( (UC-FLNKS et Nationalistes avec Eveil océanien)
- construction, urbanisme : Vaimu'a Muliava (UC-FLNKS et Nationalistes avec Eveil océanien)
- travail, emploi et formation professionnelle, Thierry Santa (AEC)
- politique du développement, aménagement et cohésion du territoire, Yoann Lecourieux (AEC)
- économie numérique, économie de la mer, transition énergétique, Christopher Gygès (AEC)
- développement durable, environnement et transition écologique, Joseph Manauté (Calédonie ensemble).
5Il a dû gérer l’arrivée du variant Delta
Un mois et demi après ses débuts, le 17e gouvernement est rattrapé par la crise qui secoue la planète : l’entrée du variant Delta sur le territoire et la propagation éclair du virus. Le sas sanitaire n’a pas tenu et pour la première fois depuis le début de la pandémie, la Calédonie perd son statut Covid free.
C’est le gouvernement Mapou qui instaure le troisième confinement strict, assorti d’un couvre-feu. Doit faire face aux besoins dantesques de la prise en charge hospitalière. Organise les hospitels. Encourage l’accélération de la vaccination, et les dépistages. Tout ça dans un contexte funeste : au moins 276 personnes vont succomber en lien avec le virus.
Parmi les décisions majeures qu’il va prendre, on note les arrêtés concernant l’obligation vaccinale. Le Congrès va suivre de façon unanime en instaurant la vaccination obligatoire sur le Caillou dès dix-huit ans. Sauf contre-indication médicale, toutes les personnes majeures sont tenues de se faire vacciner. Et pour certaines professions, le non-respect de cette obligation dans le délai requis pourra être sanctionné d’une amende administrative : 175 000 francs CFP.
C’est peu de dire que le dispositif fait débat, tout comme le pass sanitaire déployé à partir du 11 octobre. Résultat : le 29 octobre, le Congrès repousse le délai pour l’obligation vaccinale.
6D’autres dossiers brûlants sont sur sa table
D’autres dossiers sensibles attendaient l’entrée en fonctions du gouvernement, à commencer par le déficit du Ruamm et le rééquilibrage des régimes sociaux, dans un contexte de caisses mises à mal par le contexte économique, puis la crise sanitaire… et son impact sur l’économie. Plusieurs textes ont commencé à être proposés dans ce sens. L’exécutif a par ailleurs amorcé une réforme de la TGC, la taxe générale à la consommation. Il a aussi abordé le sujet de la taxe sur les produits sucrés...
Mais pour connaître sa feuille de route globale, dans le contexte de sortie de l'Accord, la Calédonie attendait la fameuse déclaration de politique générale. Retrouvez ses grandes lignes, ici. Et les réactions qu'elle a engendrées, là.