La première saison a démarré avec Lucien Jean-Baptiste et s’est conclue avec Mémona Hintermann-Afféjee. Au cours de cette saison, #MaParole est parti à la rencontre de trente personnalités d’Outre-mer. Cécile Baquey raconte les coulisses de ce nouveau podcast.
Comment est né #MaParole ? Tout simplement sur un coin de table. Dans un petit restaurant japonais à Vanves. En discutant avec mon rédacteur en chef, on a imaginé ce format qui donne la parole à des personnalités d’Outre-mer. Elles peuvent librement et avec le temps nécessaire raconter leur parcours. Après il fallait convaincre, lancer la machine.
- Allo, bonjour Lucien Jean-Baptiste. On a décidé de lancer un podcast d’entretiens avec des personnalités d’Outre-mer et on vous a choisi pour être le premier.
- Ahhhhh c’est sympa. Pourquoi moi ? Il y a plein de gens plus intéressants.
- Ben parce qu’on aime vos films. La première étoile, Dieu merci, Elle a déjà tes yeux… #MaParole est un podcast de trois fois 20 minutes enregistré en une seule fois. On va parler de votre parcours, de votre enfance à aujourd’hui. Et à la fin, on vous demandera avec quelle chanson vous souhaitez que l’on se quitte. Vous êtes partant ?
- Ok d’accord.
Le jour dit, le 28 octobre 2020, le réalisateur est arrivé à midi avec son filleul. Il était volubile, il parlait fort. J’avais un peu le trac pour la première de #MaParole. La formule allait-elle fonctionner ? Mais très vite, l’acteur s’est livré à l’exercice avec beaucoup de générosité et d’émotions. Il a raconté sa découverte de la Martinique, son enfance à Bonneuil, en région parisienne, avec ses frères et sœurs et surtout sa mère, source d’inspiration à la vie comme au cinéma. Il s’est souvenu, comme si c’était hier, de ce conseiller d’orientation qui lui avait dit que devenir comédien relevait de l’impossible. A la fin de l’enregistrement, l’acteur a choisi une chanson pour conclure le podcast. Très ému, il a expliqué pourquoi il écoute encore aujourd’hui A horse with no name. Son frère avait ramené le vinyle à la maison, et c’est comme si tout un monde des possibles s’ouvrait à lui.
Souvenirs du 11 septembre
Moetai Brotherson n’a pas été très difficile à convaincre. Le député indépendantiste de la Polynésie est un habitué des réseaux sociaux. Dans son bureau à l’Assemblée nationale, il a même un fond vert qu’il utilise pour faire les vidéos qu’il poste à ses électeurs. On était en plein deuxième confinement. Les rues étaient vides à Paris. Moetai Brotherson est venu nous chercher à l’accueil des bureaux de l’Assemblée nationale. A la fois convivial, placide et imposant, il portait une chemise à fleurs, un masque en plexiglas, des sandales et son lavalua qui l’a fait connaitre au parlement. Il nous a raconté son enfance passée entre Tahiti et Huahine, on avait l’impression d’être télétransporté de son petit bureau de la rue de l’Université à une plage de cocotiers. Quel conteur Moetai Brotherson !
A son époque, on pouvait faire la sieste sur une route de Huahine, il y avait alors peu de voitures sur l’île. Il était geek, passionné d’informatique et de connaissances. Tout petit, il passait par la fenêtre pour assister aux cours. Bien plus tard, le député a été bouleversé par l’attentat du 11 septembre 2011 qu’il a vécu de très près. En parlant avec lui, on avait l’impression de revivre ces images d’horreur. Les cendres, les gens qui sautent des tours, l’impression d’apocalypse. Dans un registre plus joyeux, il nous a raconté son périple à travers la France quand il devait réunir 500 parrainages pour la candidature à la présidentielle 2017 de son beau-père, l’indépendantiste Oscar Temaru. Un voyage drôle et folklorique dont le député parlait avec des rires dans la voix.
Côté rire, Tania de Montaigne devrait se voir décerner un prix. L’essayiste et journaliste possède un humour génial et un rire contagieux. Elle nous a reçus dans son petit duplex en plein cœur de Montmartre. Au fur et à mesure de l’enregistrement des épisodes de #MaParole, nous étions embarqués. Quand elle nous a raconté de manière tellement drôle son expérience à Canal +, même après l’enregistrement on ne pouvait plus s’arrêter de lui poser des questions. On avait l’impression de voir défiler une galerie de portraits digne des Nouveaux monstres, tous aussi horribles et comiques les uns que les autres.
Après chaque numéro de #MaParole, j’ai pris l’habitude de débriefer en fumant une cigarette (oui ce n’est pas bien) avec l'ingénieur du son Bruno Dessommes. C’est lui, le premier public. Et j’écoute avec beaucoup d’attention ses remarques. Après une heure d’enregistrement, la tension tombe. Je me dis très souvent : "Ah mince j’aurais dû poser cette question, j’aurais dû plus creuser par là". Heureusement, il y a aussi des satisfactions : "Ah c’était génial ce moment-là ! Ce rire. Cette émotion".
Des saluts chaleureux
Quand nous avons enfin pu obtenir un rendez-vous avec Emmanuel Kasarhérou, le président du musée du quai Branly, le vendredi 13 novembre 2020, nous étions très contents. Le jour J, le musée était fermé pour cause de confinement, une dame est venue nous chercher à l’accueil, pas très aimable.
- J’avais compris que vous étiez toute seule.
- Non, il y a un preneur de son.
- Ah bon, je n’étais pas prévenue.
En revanche, avec Emmanuel Kasarhérou, l’accueil a été beaucoup plus convivial. Nous étions assis dans de confortables fauteuils tout en haut du bâtiment imaginé par l’architecte Jean Nouvel, dans un magnifique bureau orné d’un mur végétal. Ce jour-là, mon minuteur n’a pas voulu fonctionner. J’ai dû reprendre l’entretien au bout de deux minutes. J’avais un peu honte, mais le président du musée du quai Branly n’a pas fait de chichis. Et à ma grande surprise, la deuxième prise était bien meilleure que la première. Emmanuel Kasarhérou n’aime pas trop les interviews alors pour le faire parler de lui, de son enfance en Nouvelle-Calédonie, de sa famille kanak et parisienne, ce n’était pas aussi simple qu’avec d’autres interlocuteurs, mais avec ce numéro de #MaParole, on comprend vraiment comment un parcours aussi exceptionnel a pu se dessiner. A la fin de l’enregistrement, il nous a raccompagnés à la sortie. C’était amusant et réconfortant aussi en cette période de pandémie, de le voir saluer les gardiens et le personnel avec beaucoup de fraternité. Les saluts en retour étaient aussi très chaleureux.
Des militants
Pour enregistrer #MaParole, il faut se plonger dans la vie de son interlocuteur. Cela prend du temps et de l’énergie, mais c’est passionnant. Avec la Réunionnaise Françoise Vergès, j’ai eu l’impression de vivre une épopée à travers son parcours de militante et d’intellectuelle. On peut ne pas être d’accord avec elle, mais quelle vie ! De La Réunion à l’Algérie, en passant par le Mexique, le Salvador et les Etats-Unis, elle a lutté pour ce qu’elle nomme le féminisme décolonial. Malgré la crise sanitaire, elle reste en éveil, sensible à de nombreux combats. Quand elle était petite, elle pouvait voir à La Réunion son propre nom, celui de son père, leader communiste de l’île, écrit sur les murs, orné de noms d’oiseaux. Ça forge un caractère.
Militant, il l’a été et le reste encore. Le présentateur Claudy Siar a beau avoir fait sa place dans les médias, il est sans cesse à l'affut des injustices et communique beaucoup avec les personnes (elles sont nombreuses) qui le suivent sur les réseaux sociaux. Il pense d’ailleurs que sa carrière a beaucoup pâti de son côté militant. Chaleureux et accueillant, il nous a reçus chez lui dans un bel appartement parisien orné de tableaux splendides peints par une artiste martiniquaise. Homme de radio, il anime tous les jours Couleurs tropicales, le Guadeloupéen Claudy Siar aime raconter et ça s’entend : ses premiers pas à la radio, sa boite de nuit où Mike Tyson est venu, ses premières chansons, ses premières manifestations, sa mère, une femme incroyablement courageuse, son père qui le kidnappait, Media Tropical, RFI, son amour de l’Afrique qui lui rend bien, l’histoire de l’esclavage, son poste de délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer. Bref une vie riche et tourbillonnante.
L'art de raconter
Pour certaines personnalités, le choix du lieu se révèle problématique. C’est ainsi que Frédéric Lodéon nous a révélé que sa petite maison à Paris était vraiment très encombrée. Il n’était pas sûr de pouvoir nous y recevoir. Ça m’a intrigué, et j’ai dit que ça ne me posait absolument aucun problème. Le violoncelliste et animateur du fameux Carrefour de Lodéon avait envisagé de faire l’interview chez sa cousine Hélène Camouilly dont "l’intérieur est beaucoup plus soigné", mais elle lui a répondu qu’on aimerait sûrement voir l’antre du personnage. On n’a pas été déçu du voyage ! Des montagnes de livres, de disques, de photos, un piano recouvert de partitions et d’articles de journaux. Frédéric Lodéon n’aime pas jeter. Et grâce à notre venue, il avait mis "un peu d’ordre" dans ses archives et avait retrouvé plein de photos. Quel plaisir, cette interview ! Le seul problème, c’est qu’il est difficile de couper la parole à Frédéric Lodéon. J’ai dû faire preuve d’un peu d’autorité. C’est un conteur hors pair qui a le don de rendre vivant Jacques Chancel, Claude Nougaro, Alexandre Dumas, Wolfgang Amadeus Mozart et Jean-Sébastien Bach réunis.
Parfois, les invités de #MaParole habitent à la campagne et c’est drôlement agréable. Je me souviens d’un jour de soleil en plein confinement du bonheur de quitter Paris en voiture avec Diane Koné, ingénieure du son. On n’arrivait pas trop à trouver la rue indiquée par la romancière Estelle-Sarah Bulle, à cheval sur deux communes du Val-d’Oise. Mais nous avons fini par pousser la porte d’une jolie maison. Un petit café et c’était parti pour une bonne heure de discussion à bâtons rompus. D’une belle voix sympathique et enthousiaste, Estelle Sarah Bulle a parlé de son grand-père de Guadeloupe que tout le monde appelait Gros vaisseau, de Créteil, sa ville bien aimée, de son envie irrésistible de devenir romancière, de son livre Là où les chiens aboient par la queue et du lycée d’Argenteuil où elle est en résidence pour partager sa passion de la littérature.
Dans la matinée, nous avions retrouvé Jenny Hippocrate chez elle à Saint-Ouen. L’infatigable présidente de l’APIPD, l’association pour l’information et la prévention de la drépanocytose. Très accueillante, elle nous a raconté son parcours de la Martinique enfant où elle vivait avec très peu de choses jusqu’à son arrivée à Paris et la découverte avec son fils de cette maladie, la drépanocytose, qui a changé sa vie. Dans l’appartement, il y avait plein de cartons, des dons de l’association. Militante jusqu’au bout des doigts, Jenny Hippocrate la bien nommée a fait sienne la maxime de Nietzche : "ce qui ne me tue pas, me rend plus fort(e)".
Des parcours exceptionnels
Pour décrocher certains rendez-vous, la solution la plus simple consiste à passer par l’éditeur. C’est le procédé que j’ai utilisé pour approcher Harry Roselmack. En 2007, il avait écrit un roman intitulé Novilu et tout récemment il a sorti Nouvelles d’après 20h, toujours avec le même éditeur, Jean Attia, à Créteil, auquel le présentateur vedette de TF1 reste fidèle. Au téléphone, ce monsieur très sympathique a organisé la rencontre avec Harry Roselmack. Ça s’est passé dans les bureaux du présentateur martiniquais à Boulogne. Très cordial, Harry Roselmack a raconté, avec le professionnalisme qui le caractérise, son parcours admirable et ses combats. C’est l’un des podcasts qui, si l’on en croit les chiffres des réseaux sociaux, a le mieux marché.
Parfois, il est difficile de connaître le parcours d’un invité. Avec Lilian Thuram, j’avais de quoi me préparer. Lionel Gauthier, le directeur de sa fondation m’avait indiqué un livre à lire absolument intitulé Manifeste pour l’égalité paru chez Autrement. Sage conseil. J’arrivais à la fondation à Paris avec une connaissance assez précise de la biographie du footballeur guadeloupéen. Il était détendu et semblait très heureux de raconter son enfance en Guadeloupe puis à Avon dans une cité près de Fontainebleau. Dès le premier épisode, on comprenait les ressorts stupides du racisme. Quand Lilian Thuram jouait au football dans le club des Portugais près de Fontainebleau, on le traitait de "Sale Portos". Plus tard au FC Barcelone, on le traitait de "Sale Catalan !" Difficile de faire meilleure démonstration.
Un jour en réfléchissant à de futurs invités de #MaParole, j’ai vu que Marie-José Pérec participait à une opération en faveur des Restos du cœur. A tout hasard, j’ai écrit au service communication de l’association. Deux jours après, à ma grande surprise, je recevais un coup de fil d’un certain Sébastien Foucras. A l’époque je ne savais pas qu’il était le compagnon de Marie-José Pérec. Il me disait qu’il était O.K. pour une rencontre. Je n’en croyais pas mes oreilles. Marie-José Pérec n’a jamais aimé les interviews et encore moins les journalistes. Mais tout s’est fait très vite. Et le jour J, elle est arrivée. Très belle, magnifique et tellement sympathique. C’est l’une des rencontres qui m’a le plus marquée. Comment avec un tel palmarès, avoir une telle simplicité et humilité, voire un certain manque de confiance en soi ? Sa vie est digne d’un biopic. D’ailleurs, chez Netflix, ils rêvent de faire un documentaire sur elle, mais elle n’a pas envie. Sa parole est rare, c’est pourquoi ce numéro de #MaParole est si précieux.
Des voix qui portent
Si l’on veut voir le centre Pompidou entouré des toits de Paris, il faut aller chez Gaël Octavia. La romancière martiniquaise vit dans un petit appartement dont la vue est magique. Cette scientifique a fini par craquer pour la littérature et son roman familial l’a fortement inspiré. Elle nous a raconté à quel point le mythe de la femme Potomitan l’agaçait et c’était fort instructif.
Ça manquait un peu de musique dans #MaParole ! Alors un jour, en regardant le site franceinfo, je suis tombée sur un article évoquant le dernier album de Christine Salem. Je suis allée voir le clip. Splendide. On voyait une femme vêtue de bleu sur un cheval arpentant de manière délicate les rues de Saint-Denis. C’était tellement beau, fort et poétique. Je me suis dit : il faut absolument que je rencontre Christine Salem. Je n’ai pas été déçue. Elle nous a reçus dans le petit appartement d’une copine près de Vanves. Elle nous a parlé de sa belle voix grave du maloya et de ses ancêtres. On avait l’impression de participer à un Servis Kabaré.
La pandémie ne nous a pas toujours rendu service. Avec Priscillia Ludosky, il a fallu attendre plusieurs semaines qu’elle se remette du Covid-19. La célèbre gilet jaune n’est pas facile à rencontrer, très prise par ses combats. Elle est venue enregistrer #MaParole en studio à Malakoff. Quelques jours auparavant, Fabrice di Falco s'était lui aussi rendu à Malakoff pour nous raconter son parcours de sopraniste. Le "papa" du concours lyrique Voix des Outre-mer nous a fait le récit de ses débuts à Fort-de-France. Sa vie est faite de rencontres assez magiques. Son audition devant Barbara Hendricks, sa découverte de Farinelli grâce au réalisateur Gérard Corbiau puis son amitié avec Manu Dibango.
Parcours de combattants
Du lyrique, on passe à Koh-Lanta. C’est aussi ça l’intérêt de #Maparole, bondir d’un univers à l’autre. Teheiura Teahui, "le Poulidor" de la célèbre émission de téléréalité a fait rêver des milliers de téléspectateurs. La vaillance, la générosité et la droiture du Polynésien ont conquis le public. Et quand Teheiura fait le récit de son enfance, on comprend mieux pourquoi cette émission lui correspond autant. Il nous a accueillis dans sa maison située dans un village bien tranquille près de Béziers. Très chaleureux, il semblait heureux de raconter son enfance à Tahaa, son arrivée à Paris puis à Montpellier, son amour de la cuisine puis sa farouche envie de participer à Koh-Lanta dont il ne s’est pas défait.
La départementalisation de Mayotte, c’est un peu son Koh-Lanta. Depuis sa tendre enfance à Sada, Mansour Kamardine y pense beaucoup et pas seulement en se rasant le matin. Le député de Mayotte était le parfait invité pour évoquer cette page de l’histoire française assez méconnue. Il y a dix ans, le 31 mars 2011, l’île française des Comores devenait le 101e département français. Mansour Kamardine connaît le milieu politique mahorais comme sa poche, mais il a aussi croisé à de nombreuses reprises des responsables politiques tels que Jacques Chirac, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy qui ont aussi façonné l’histoire de Mayotte.
En matière d’histoires, le journaliste guadeloupéen Albert Couriol est très fort. Je l’ai contacté en janvier 2020 car il avait raconté avec beaucoup d’humour sur La1ère sa rencontre avec Diego Maradona lors du jubilée de Michel Platini en 1988. Il nous a faits venir dans sa jolie maison à Sarcelles. Frère d’Alain, footballeur, et d’Eddy, international de handball, il a tracé sa route à l’Equipe et à France Football. Il a côtoyé les plus grands joueurs. Albert Couriol s’avère être une mine d’anecdotes sur le football et son univers. Bon vivant, après l’interview, on a mangé ensemble une galette des rois accompagnée de cidre. J’avoue ne plus me rappeler qui a eu la fève…
Joie de vivre
Côté culinaire, elle en connaît un rayon. La chef réunionnaise Kelly Rangama n’avait pas beaucoup de temps à nous accorder ce jour-là au Faham, son restaurant dans le 17e arrondissement. Elle n’avait pas prévu que le click and collect fonctionnerait aussi bien et n’était plus très disponible pour nous parler. Mais au fur et à mesure, Kelly Rangama s’est détendue et nous a donné une belle leçon de vie et de gastronomie.
Quant à Joël Abati, pas besoin de le détendre. Il a tout gagné au handball avec l’équipe de France. Ce Martiniquais à la joie de vivre particulièrement communicative nous a reçus chez des amis, dans un endroit improbable, tout près de l’aéroport de Montpellier. On a enregistré cette interview dans un ancien hangar d’avions aujourd’hui reconverti en entreprise de location et de nettoyage de voitures. Les patrons, un couple hyper sympathique, nous ont accueillis très chaleureusement. C’était drôle, amical, inattendu et original, un peu comme Joël Abati. Pendant tout l’interview, l’ingénieur du son, Bruno Dessommes a beaucoup rigolé.
En ces temps de pandémies, je me suis dit qu’un peu de Zouk la sé sèl médikaman nou ni ne nous ferait pas de mal. Et coup de chance, Jacob Desvarieux était de passage à Paris. Le chanteur et guitariste de Kassav’ est venu dans nos studios. Avec beaucoup de simplicité, il a raconté son parcours exceptionnel. La musique s’est imposée à lui sans vraiment y réfléchir. Une guitare offerte par sa mère, un voisin qui lui donne des cours à Dakar, un Pierre-Edouard Décimus qui veut créer un groupe antillais mondialement connu, un producteur qui trouve sa voix intéressante. Ajouté à cela, beaucoup de travail et une passion pour la scène et les tournées. C’était parti pour Jacob Desvarieux, indissociable de Kassav’ !
L'esclavage et Napoléon
Aux Antilles et dans l’Hexagone, au mois de mai, plusieurs cérémonies rendent hommages aux victimes de l’esclavage et aux abolitions. Cette année 2021, ces manifestations ont coïncidé avec différents évènements autour du bicentenaire de la mort (5 mai 1821) de Napoléon Bonaparte. Personnage incontournable de l’histoire française, Napoléon est aussi connu pour avoir rétabli l’esclavage dans les colonies françaises, rompant ainsi avec les choix de ses prédécesseurs qui avaient aboli l’esclavage en 1794. Pour parler de cette sombre page, l’historien Frédéric Régent s’est imposé. Son parcours personnel de Guadeloupéen et Corrézien, passionné d’histoire et de généalogie, a rendu son récit des plus vivants. Il nous a accueillis dans sa maison en région parisienne, avec ses deux adolescents en cours à distance.
Lors de cette année 2020, on a aussi commémoré les vingt ans de la loi Taubira reconnaissant la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité. Pour en discuter, nous avons retrouvé Serge Romana à l’hôpital Necker à 7h du matin. Un peu tôt, mais le généticien guadeloupéen est matinal et surtout il a une consultation à assurer. Serge Romana a fondé l’association CM98 qui œuvre pour la reconnaissance des victimes de l’esclavage. Il a organisé avec d’autres la grande marche silencieuse du 23 mai 1998 qui a rassemblé entre 30 000 et 40 000 personnes. C’est après cette marche que la loi Taubira a été votée. Mais aujourd’hui, le généticien se dit qu’il faut encore réfléchir sur ce que "signifie naître d’un crime contre l’humanité". Il y a peu d’interviews longues de Serge Romana en ligne. C’était pour nous un moment intense que cet entretien avec un militant, un scientifique qui a passé sa vie à se poser des questions et à agir.
De l'ombre à la lumière
Après cette interview un peu grave, de la légèreté. Grâce à une collègue qui suit de près le dossier Miss France, j’ai obtenu le contact de l’agent de Vaimalama Chaves. La Tahitienne a été sacrée Miss France 2019 et son "Sapristi !" m’avait beaucoup amusé. Elle a accepté de venir dans notre studio à Malakoff raconter son parcours. En venant la chercher à l’accueil, je me sentais toute petite. Bon elle avait mis des talons, mais pas si hauts. Spontanée, drôle, pétillante et très attachée à la Polynésie, c’était un plaisir de l’écouter raconter son enfance et ses premiers pas dans l’univers des miss. A la prise de son, Diane Koné qui l’enregistrait a été "bluffée".
Contrairement à Vaimalama Chaves, Christian Serranot n’a jamais figuré sous les feux des projecteurs. C’est plutôt un homme de l’ombre. Depuis une trentaine d’années, ce Martiniquais par sa mère et Guyanais par son père, œuvre dans l’édition pour faire connaitre des écrivains d’Outre-mer, mais pas seulement. Il a fait éditer Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Roland Brival, Christiane Taubira, Lilian Thuram et bien d’autres encore. Très modeste et sympathique, il a fallu un peu l’encourager pour qu’il se raconte, lui et pas ses auteurs. Son témoignage permet de comprendre de manière intime ce monde de l’édition assez fermé au commun des mortels.
Pour Bertrand Dicale, l’art de la parole est chose naturelle. Journaliste spécialiste de la chanson française, ce Guadeloupéen officie chaque semaine à la radio sur franceinfo avec sa chronique Ces chansons qui font l’actu. C’était formidable de l’entendre raconter son histoire familiale, ses questionnements sur les métis, ses rencontres avec des stars comme Mariah Carey, Julio Iglesias, Henri Salvador et Laurent Voulzy.
Energie contagieuse
Une grande fille toute simple, sans chichis et hyper sympathique : Wendie Renard. La Martiniquaise est connue, mais pas suffisamment au vu de son palmarès de footballeuse. Nous sommes allées la voir à Lyon dans le bureau de son agent Fred Labiche. Extrêmement gentille, elle s’est prêtée à nos questions avec beaucoup de bienveillance. Quand c’était fini, elle nous a raccompagnés à notre taxi. J’étais un peu étonnée, mais très sensible à cette attention. Avec l’Olympique Lyonnais, la Martiniquaise a tout gagné. Un parcours sans-faute. Avec les Bleues, elle aimerait bien qu’enfin il y ait des victoires. Elle a une telle volonté qu’on peut garder espoir. Une prof lui avait dit en 3e que le métier qu’elle souhaitait faire, à savoir footballeuse, n’existait pas. Elle n’a jamais perdu confiance. Une telle détermination force le respect.
Lui aussi aurait aimé gagner plus avec les Bleus, en particulier cette Coupe du monde en Allemagne perdue bêtement face à l’Italie en 2006. En revanche avec le FC Barcelone, Eric Abidal a vécu des années fastes, mais aussi très douloureuses. Opéré d’urgence d'un cancer, il a dû subir un an après une greffe de foie. Un parcours du combattant sur le plan médical. A cela s’est ajoutée une procédure judiciaire sur la légalité du don du greffon avec laquelle Eric Abidal n’en a pas tout à fait fini. Le Martiniquais nous a expliqué la situation dans les bureaux de sa fondation à Barcelone. Il nous a raconté sa vision du psychodrame de Knyssna en Afrique du Sud et nous a donné son sentiment sur la venue de Karim Benzema en équipe de France à la veille de l’Euro 2021. On l’a entendu répondre au téléphone et parler un espagnol parfait. Eric Abidal semble comme un poisson dans l’eau à Barcelone.
Notre première saison s’est terminée avec Mémona Hintermann-Afféjee. C’était très émouvant d’entendre cette grand reporter raconter son enfance à La Réunion, au Tampon, dans la misère la plus totale. Elle a une telle énergie qu’elle parvient à rendre les histoires les plus dures captivantes. Je me souviens en particulier de son récit quand enfant, elle avait volé le sandwich à la papaye dans le cartable d’une amie qui passait au tableau. Encore aujourd’hui, elle ne regrette rien. Elle n’avait "pas le choix", dit-elle. Ballotée entre son père indien violent, absent et alcoolique et sa mère créole blanche, obligée de se débrouiller sans argent comme elle le pouvait, Mémona Hintermann-Afféjee a grandi avec la volonté farouche de s’en sortir. Elle nous a aussi raconté certains épisodes de sa vie de grand reporter en ex-Yougoslavie, en Afrique du Sud et en Libye. Dans sa maison en proche banlieue, autour de belles tasses à café, nous avons parlé comme si le temps s’était arrêté. Ecorchée vive, Mémona Hintermann-Afféjee raconte avec fougue sa lutte pour devenir journaliste, ses combats, ses reportages. Et c’était bien de terminer ainsi la première saison de #MaParole dont je prépare déjà la suite avec beaucoup d’énergie. Elle a l’énergie contagieuse, Mémona !