Nouvelle-Calédonie : un an de vaccination anti-Covid en neuf étapes

La campagne de vaccination anti-Covid en neuf points.
Le 20 janvier 2021, la campagne de vaccination anti-Covid 19 démarrait officiellement en Nouvelle-Calédonie, où le virus ne circulait pas encore. Retour sur un an fait d'injections, d'incitations, d'extensions, d'hésitations, d'accélérations, d'obligations... et de contestation.

Un pays Covid free, sous cloche mais sans décès lié à la pandémie sur son sol. C'était le contexte calédonien le 20 janvier 2021, quand l'effort de vaccination a été officiellement lancé. Douze mois après, l'épidémie a fait 282 morts et le nombre de contaminations subies est estimé à plus de quatorze mille. Face à cette crise sanitaire, les autorités ont notamment dégainé une arme : le vaccin, grâce à un stock alimenté depuis Paris. Au 20 janvier 2022, 65% de la population a répondu à cet appel, soit plus de 176 000 personnes qui ont reçu deux doses. Environ 48 000 autres ne sont pas entrées dans la dynamique. NC la 1ère se penche sur les grands faits de cette campagne.

Retrouvez l'évolution des courbes vaccinales, semaine après semaine (source : gouvernement).

1Les injections avant la circulation

La Calédonie s'avère l'un des quelques endroits de la planète où la vaccination anti-Covid a commencé avant même la circulation locale du virus. C’est le 20 janvier 2021 que la campagne est officiellement ouverte. Ça se passe au Médipôle de Dumbéa, avec les doses de vaccin Cominarty (Pfizer BioNTech) livrées plus tôt dans le mois via un avion affrêté par l’Etat. A ce moment, le Caillou se préserve de la pandémie avec un sas hôtelier de quarantaine obligatoire à l’entrée dans le pays.

Gratuite et non obligatoire, cette vaccination consiste en deux injections à 21 jours d’intervalle. Elle cible d'abord les professionnels qui sont considérés en première ligne, c’est-à-dire en contact avec les voyageurs entrant dans le pays (et susceptibles d’être infectés) : les personnels des compagnies aériennes, de l’aéroport, du port autonome, des quarantaines à l'hôtel ou en contact avec les minéraliers... Également dans cette première vague, les particuliers et les professionnels qui doivent faire des allers-retours entre la Calédonie et l’extérieur pour des motifs impérieux. La millième vaccination est enregistrée le 29 janvier. C'est un agent d’accueil dans un hôtel réquisitionné. 

2Un élargissement progressif à la population

Au début, tout le monde ne peut pas prétendre à la vaccination anti-Covid. Elle cible une partie des Calédoniens, selon leur âge, leur fragilité en termes de santé ou leur exposition du fait de leur profession. Début février 2021, la campagne s’ouvre à tous les seniors d’au moins 75 ans. Le vaccin va par ailleurs être administré ailleurs qu’au seul Médipôle, à commencer par le centre Cafat du Receiving et l’hôpital de Koné. Fin février, la campagne commence à se concrétiser dans les maisons de retraite, auprès des résidents comme des personnels.

Début mars, elle s'ouvre aux personnes présentant un état de santé qui les expose à une forme sévère de Covid-19 (cancer, diabète, hypertension, obésité, insuffisance rénale ou respiratoire…). Et aussi à d’autres personnels soignants (kinés, orthophonistes, dentistes, pharmaciens…). Mi-mars, l’âge pour le grand public descend à 65 ans. A la fin du mois, la vaccination intègre les personnels "essentiels" du secteur public et des entreprises dites prioritaires - énergie, transports, import, agroalimentaire, gestion des déchets, BTP, banques ou encore assurances...

C’est le 17 mai que la campagne concerne l’ensemble de la population, non seulement majeure mais un peu en-deça puisqu’on peut alors se faire vacciner dès seize ans. Il s’agit là d’un grand coup d'accélérateur : dans un premier temps, le gouvernement Santa parlait seulement de baisser la limite d’âge à cinquante ans. Avant d’expliquer que ce passage en phase 3 doit permettre d'immuniser le plus grand nombre d'habitants avant même que le virus circule. A ce moment, environ 45 000 personnes ont reçu au moins une dose, autour de 34 000 en ont eues deux.

3Le danger crée la ruée

Début mars, à peine 2 500 personnes ont eu les deux doses. La nouvelle alerte au virus et le retour en confinement vont booster le processus : après ses débuts timides, la campagne de vaccination s’accélère enfin. Le gouvernement mise sur deux mille piqûres par jour. Sauf qu’à la sortie du confinement, en avril, le rythme des injections baisse. Certes, cinq fois plus d’habitants sont doublement vaccinés qu’avant cette seconde crise. Mais avec la levée des restrictions sanitaires, les autorités observent désistements et ralentissement. Il faut attendre fin mai pour passer le cap des cinquante mille primo-vaccinés.

Le même phénomène se produit début septembre, avec une ampleur bien plus grande encore. Car le 6, il  est confirmé que le coronavirus, plus exactement son variant delta, a bel et bien fait son nid en Calédonie. C'est parti pour un troisième confinement et la plongée dans une crise qui va faire son premier mort quelques jours après. Aussitôt, les gens se ruent vers les lieux de vaccination, qui vont être par ailleurs démultipliés. Un vaccinodrome géant ouvre notamment dans le centre culturel Ko We Kara, à Nouméa. Il n’est pas rare d'enregistrer dans les cinq mille vaccinations par jour. Rien qu’en une semaine, le nombre de vaccinés avec au moins une injection augmente de presque 24 000. Sur les mois de septembre et octobre, l’augmentation des candidats à la première dose présente 66 000 personnes de plus - même si il y a des hauts et des bas dans le rythme. Le 24 septembre, 51% des Calédoniens ont reçu une première dose de vaccin. Encore très insuffisant, pour le gouvernement.

4Tout semble fait pour inciter

Dans cette campagne, les autorités ont comme objectif d’atteindre une part importante de vaccinés, notamment pour prétendre à une immunité collective face au virus. Afin de convaincre la population de passer à la piqûre malgré le statut Covid free ou les réticences, les appels à la vaccination se multiplient. Par l’exécutif comme par le corps médical.

En milieu d’année, les incitations prennent déjà des formes variées : tractage sur les marchés, injections le samedi, jeu concours, sessions à l’aéroport… Début juillet, le président du gouvernement Santa évoque même une possible réouverture des frontières avant la fin de l’année si les Calédoniens se font suffisamment vacciner. A ce moment, dans les 61 000 personnes ont reçu au moins une dose du vaccin Pfizer et autour de 55 000 ont eu les deux. Un retard dans la couverture vaccinale souhaitée, qui se retrouve dans toutes les tranches d’âge.

A partir de septembre, quand le virus est bel et bien installé, la volonté est encore plus forte, de surmonter tous les obstacles à la vaccination. On multiplie les lieux de piqûre : dispensaires, centres ouverts dans les institutions, vaccinodromes, opérations de proximité, dispositifs mobiles dans les trois provinces, sessions dans les entreprises y compris les usines métallurgiques, interventions à domicile…

On multiplie les créneaux pour proposer des injections sept jours sur sept, avec par moment des prolongations nocturnes. On multiplie les professions autorisées à vacciner : hospitaliers, médecins et infirmier libéraux, pharmaciens, sages-femmes… 

On multiplie les actions insolites, comme le vaccidrive à Ko We Kara, le "petit train de la vaccination" à Dumbéa ou le nem offert par l’amicale vietnamienne… On appelle les primo-vaccinés pour leur rappeler qu’il est temps de faire la deuxième injection. On joue même sur l’offre de vaccin. Puisque certains Calédoniens rejettent les ARN messager comme le Pfizer ou le Moderna, deux mille doses de vaccin Janssen sont acheminées. Et par exemple administrées à qui le souhaite le 6 octobre, à Ko We Kara.

5L'obligation est décrétée

La carotte, mais aussi le bâton. Dès le 3 septembre, alors que la Polynésie se débat avec une vague meurtrière de Covid, l’obligation vaccinale est votée au Congrès pour tous les Calédoniens majeurs qui n'ont pas de contre-indication médicale. La contrainte sans la sanction… sauf pour des professions jugées en première ligne, des métiers "relevant des secteurs sensibles dont l'interruption entraînerait des conséquences néfastes sur le fonctionnement du pays", ou des personnes à risque. Une fois la date-limite passée, ces catégories risquent une forte amende. Une date qui va être repoussée à plusieurs reprises. A ce jour, elle tombe le 28 février prochain. Cette vaccination obligatoire sur le territoire a vite été doublée d'un décret de Paris sur l'obligation vaccinale pour entrer en Nouvelle-Calédonie.

  

6Triple dose

A partir du 11 septembre, les plus de 65 ans peuvent demander à recevoir une troisième dose de vaccin pour renforcer leur immunité. Une décision prise par le gouvernement Mapou après le premier décès local associé à la pandémie : celui d’un septuagénaire qui avait reçu ses deux doses six mois plus tôt. Le personnel soignant est aussi concerné, ainsi que des patients présentant des facteurs aggravants. Fin septembre, cette dose de rappel est ouverte au reste de la population vaccinable, alors que ce n’est pas le cas dans l’Hexagone. La raison ? L’accélération de la pandémie, qui a fait plus de 100 victimes en trois semaines.

Au 15 décembre, suivant les directives métropolitaines, ce rappel devient nécessaire si on a plus de 65 ans, ou qu’on est vacciné Janssen, et qu’on veut conserver un pass sanitaire valide. Et depuis le 15 janvier 2022, cette nouvelle obligation s’applique à tous les adultes : pour bénéficier d’un pass valide, il leur faut avoir reçu une dose de rappel.

7On passe au pass

Car la Calédonie est à son tour passée au pass. Il entre en vigueur le 11 octobre, juste après le troisième confinement général. En voici l’esprit tel que formulé par le gouvernement : "permettre un retour à une vie quasi normale et aux plaisirs du quotidien, tout en minimisant les risques de circulation du virus, en complément des protocoles sanitaires propres à chaque secteur". Et ce dispositif cible notamment les habitants vaccinés. Pour y accéder, il faut avoir schéma vaccinal complet ou faire un test.

A noter qu'en Calédonie, le pass sanitaire ne concerne que les adultes. Il doit être exigé dans les lieux de loisirs comme les cinémas, les salles de spectacle, les salles de sports, les restaurants, divers transports, les bars ou les nakamals. Un mois et demi après sa mise en place, il en a été délivré 128 000. Son entrée en vigueur s'accompagne d'un regain de vaccination. Et le 6 décembre, ça se durcit : plus possible de seulement présenter le carnet de vaccination, il faut fournir un pass avec QR code.

8Les enfants à partir de cinq ans

Dès le deuxième trimestre 2021, la campagne de vaccination a concerné des Calédoniens mineurs : dès seize ans à partir de la mi-mai, limite descendue à douze ans début juin. Mais c'est en ce début d'année qu'un nouveau cap, très symbolique, est franchi : depuis le 10 janvier, les parents qui le souhaitent peuvent faire vacciner leurs enfants dès cinq ans. Pourquoi ? Parce que le gouvernement dit craindre une reprise très rapide de l’épidémie et il estime que la classe d’âge des cinq à onze ans est désormais celle qui pourrait enregistrer le taux d’incidence le plus élevé.

Dans un premier temps, deux centres seulement sont habilités à faire ces injections particulières. Le pays dispose alors de six mille doses pédiatriques (du Cominarty issu des labos BioNTech-Pfizer) qui sont trois fois moins fortes que celles pour les grands. Dans l'Hexagone, les cinq-onze ans sont concernés depuis fin décembre.

9Une vive contestation

Plus qu'une étape, une constante. Avant même l'administration du premier vaccin anti-Covid sur le sol calédonien, le principe de cette vaccination se heurte à une opposition d'une partie de la population, qui va, c'est selon, de la légère réticence à la contestation virulente. Les raisons en sont tout aussi variées : peur de ce que contient le produit, crainte de ses effets secondaires, refus du caractère systématique, rejet de la stratégie sanitaire choisie... La vaccination, l'obligation vaccinale et le pass sanitaire s'enracinent parmi les sujets les plus clivants de la société.

Résultat : ces douze mois sont marqués par des manifestations à l'appels de plusieurs collectifs, associations ou organisations syndicales. Par des interdictions de manifestation, aussi. Par des banderoles qui remplacent dans le paysage les drapeaux hissés pour le référendum précédent. Par des mobilisations en bord de route, sur des carrefours, devant des entreprises et des institutions. Par des réticences locales. Par des théories complotistes. Et bien sûr par des plaintes et des recours en justice, de la part de vaccino-sceptiques, mais aussi en réponse à des propos ou des comportements jugés de leur part excessifs.

Mercredi 19 janvier, on apprenait qu'une plainte pénale a été déposée contre les présidents du gouvernement et du Congrès, pour mise en danger de la vie d’autrui et blessures involontaires. Ce jeudi, l'association Ensemble pour la planète diffuse par ailleurs un communiqué ainsi titré : "la vaccination anti Covid est bien pire que le mal". EPLP annonce "un recours administratif préalable aux autorités locales et nationales, recours visant à l’abrogation immédiate de l’obligation vaccinale, pour les résidents comme pour les entrants en Nouvelle-Calédonie".

A ce jour, alors que le très contagieux variant Omicron est suspecté dans la moitié des nouveaux cas, et que le taux d'incidence ne cesse de grimperquelque 48 000 personnes n’ont pas entamé de démarche en vue d’obtenir un schéma vaccinal. Soit un cinquième de la population vaccinable, que les autorités auront sans doute le plus grand mal à faire changer d'avis.