C'était il y a quatre ans. Le 4 novembre 2018, la Calédonie vivait sous les yeux du monde la première consultation référendaire prévue par l'Accord de Nouméa. Depuis, il s'est passé bien des choses, sans pour autant offrir au Caillou un avenir institutionnel défini. On se souvient, en vingt épisodes.
1 4 novembre 2018, le premier référendum
L'image marquante du jour ? Les impressionnantes files d'attente devant les bureaux de vote. Des référendums, il y en a déjà eus, dans l'histoire calédonienne. Mais celui-ci a comme enjeu de construire l'après-Accord de Nouméa, accord de transition qui prévoit la possibilité d'un référendum sur l'autodétermination entre 2014 et 2018. Il se déroule dans de bonnes conditions et dans le consensus.
La question posée : "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?" Les électeurs : près de 175 000 Calédoniens inscrits sur une liste électorale spéciale, à laquelle on accède en répondant à certains critères. Le résultat : 56.7 % pour le Non à l’indépendance, 43.3 % pour le Oui, et 81 % de participation.
La victoire va aux partisans d’une Calédonie dans la France. Mais elle n’est pas aussi massive qu’ils pouvaient l'espérer. Ce résultat a pour beaucoup un parfum de défaite, tandis que le camp indépendantiste a pu lui trouver un goût de succès.
2 14 décembre 2018, le XVIIIe Comité des signataires
Six semaines après, le XVIIIe Comité des signataires se tient comme d'habitude à Paris, dans l'hôtel de Cassini, derrière Matignon. Il est mené par le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre des Outre-mer Annick Girardin. Y participent des signataires représentant les deux blocs, avec les députés, les sénateurs, des représentants du gouvernement, les présidents des provinces ainsi que du Congrès et du sénat coutumier. A noter l'élargissement aux forces politiques représentées par un groupe au Congrès, aux représentants des associations de maires et à la maire de Nouméa.
A l'ordre du jour : le bilan de la consultation et la perspective des prochaines échéances institutionnelles. Mais aussi les enjeux socio-économiques, une séquence à laquelle la délégation UC-FLNKS et Nationalistes ne participe pas, la qualifiant de "diversion". Au final, bilan mitigé (relevé des conclusions accessible ici).
312 mai 2019, les provinciales
Certains voient dans le résultat de ces élections un effet direct du premier référendum. Pour les provinciales tenues six mois après, plusieurs partis loyalistes se constituent en une nouvelle plate-forme. Les Républicains calédoniens, le Rassemblement-LR et le Mouvement populaire calédonien forment l'Avenir en confiance, qui va remporter ce scrutin capital en raflant la moitié des sièges dans l'assemblée provinciale Sud.
Calédonie ensemble perd la main sur le gouvernement et la Maison bleue, bientôt dirigée par l'AEC Sonia Backès en lieu et place du CE Philippe Michel. L'Uni Paul Néaoutyine va être reconduit à la tête de la province Nord. Aux îles Loyauté, Jacques Lalié qui tirait la liste UC-FLNKS succèdera à l'UC Neko Hnepeune. Ces provinciales mettent aussi en orbite l'Eveil océanien, tout jeune parti se disant "communautaire mais pas communautariste", porté par le vote de la diaspora wallisienne et futunienne.
4 24 mai 2019, le renouvellement du Congrès
Après les provinciales, l'hémicycle du Congrès est renouvelé et le perchoir du boulevard Vauban change de président. A Gaël Yanno, succède Roch Wamytan. Il obtient une majorité absolue de 29 voix sur 54, dont les votes indépendantistes et les trois bulletins des conseillers Eveil océanien. Contre 25 voix à Magali Manuohalalo de Calédonie ensemble. L'élu Union calédonienne a depuis été reconduit chaque année :
- le 23 juillet 2020, face à Gil Brial et Magali Manuohalalo ;
- le 28 juillet 2021, face à Virginie Ruffenach (AEC) et Annie Qaeze (CE) ;
- le 30 août 2022, face au candidat unique loyaliste Gil Brial.
5 13 juin 2019, l'élection du seizième gouvernement
Etape suivante, l'élection du seizième gouvernement calédonien. Quinze jours et une seconde tentative plus tard, il prend pour président Thierry Santa, de l'Avenir en confiance. Celui-ci menait une liste AEC-Eveil océanien, il reçoit le soutien de Philippe Germain. Gilbert Tyuienon, de l'UC-FLNKS et Nationalistes, est vice-président. L'équipe compte cinq loyalistes, un membre EO et cinq indépendantistes.
6 10 octobre 2019, le XIXe Comité des signataires
Ouvert par le Premier ministre Edouard Philippe, le XIXe Comité des signataires a lieu à l'endroit l'habituel. Notamment au programme des discussions, la date à choisir pour la deuxième consultation référendaire.Y participent Annick Girardin et des signataires représentant les deux sensibilités, avec le président du sénat coutumier, les députés, les sénateurs et les présidents de province. Mais aussi les forces politiques représentées par un groupe au Congrès, les représentants des associations de maires et la maire de Nouméa.
On retiendra que la délégation UC-FLNKS et Nationalistes ne se joint pas aux échanges sur le développement économique et social, les indépendantistes considérant que ces sujets doivent être débattus en Calédonie et pas à Paris. A l'issue, les termes qui reviennent le plus sont "consensus" et "compromis" (relevé de conclusions accessible ici). Ce Comité de signataires va s'avérer le dernier.
7 15 mars 2020, le premier tour des municipales
La première grande séquence électorale de l'année 2020 est aussi climatique. En pleines opérations de vote et de dépouillement, la dépression Gretel secoue la Grande terre. Côté politique, on relève à Nouméa la réélection dès le premier tour de Sonia Lagarde et le retour des indépendantistes au conseil municipal, avec deux sièges. Victoire aussi des maires sortants de Lifou (Robert Xowie), Touho (Alphonse Poinine), Houaïlou (Pascal Sawa) et Ponérihouen (Pierre-Chanel Tutugoro). Arrivées de Yann Péraldi à Pouembout et de Pascal Vittori à Boulouparis. Ou entrée de Générations NC et l'Eveil océanien dans des assemblées communales.
8 18 mars 2020, l'arrivée de la crise Covid
L'autre grand fait marquant des municipales, c'est la pandémie de Covid. Trois jours après le premier tour, la présence de cas venus de l'extérieur est annoncée. Conséquence : écoles fermées, rassemblements interdits, transports restreints, puis ciel calédonien bouclé, établissement d'une quatorzaine hôtelière ou encore un premier confinement généralisé de la population qui commencera à prendre fin le 20 avril.
Même si la situation s'améliore, les municipales étant une élection nationale, le contexte métropolitain explique le report du second tour. Il n'a lieu que le 28 juin. Parmi les leçons du scrutin, on retiendra la victoire de Nicolas Metzdorf et sa coalition du second tour à La Foa, l'arrivée historique de deux indépendantistes à Dumbéa, leur retour à Païta à travers trois sièges ou l'élection inédite d'une femme maire aux Loyauté. Le 3 juillet, vingt premiers édiles sont désignés en une journée par leur conseil municipal respectif !
9 4 octobre 2020, le deuxième référendum
Si la première a été précédée d'une montée en puissance progressive des préparatifs, la deuxième consultation référendaire envisagée par l'Accord de Nouméa, et défendue dès juin 2019 par les élus Avenir en confiance du Congrès, s'est organisée dans un autre contexte. Compliqué par la crise Covid dans l'Hexagone, plus tendu politiquement et en présence d'un affichage décomplexé de drapeaux.
La question posée est la même. Les électeurs, près de 180 000. Quant au résultat : nouvelle victoire du Non à l’indépendance (53.26 %, ce qui signifie un recul de trois points), 46.74 % pour le Oui qui progresse, et une participation encore plus forte (85.69 %). Seulement 9 970 bulletins séparent deux visions radicalement différentes de l'avenir. Un scrutin marqué par des perturbations aux abords de plusieurs bureaux de vote. Sans pour autant que la commission de contrôle ne le remette en cause.
10 29 octobre 2020, le format Leprédour
Un ministre des Outre-mer, un haut-commissaire, cinq loyalistes et cinq indépendantistes sur un bateau de la SNSM. La scène a lieu en baie de Saint-Vincent, quand Sébastien Lecornu, référent du dossier calédonien au nom de l'Etat, choisit un îlot pour tenir une table ronde sur l'avenir du pays. En l'occurrence l'île Leprédour, à Boulouparis. Comme un mini-Comité des signataires, pour renouer le dialogue après le deuxième référendum. Il va en naître un format resserré de discussion, qu'on appellera le "groupe Leprédour".
11 9 décembre 2020, l'usine du Sud vendue
Pourquoi glisser une usine hydro-métallurgique dans cette rétrospective ? Parce que sa cession par le groupe Vale marque l'actualité calédonienne durant de longs mois, en 2020 et début 2021. Avant, pendant et après le deuxième référendum. La vente de l'usine qui transforme le nickel et le cobalt dans le Grand Sud va peu à peu enflammer le débat politique, sociétal et économique. Un désaccord qui va occuper la place publique en allant jusqu'à engendrer toute une série de débordements. Non sans rappeler par moments les heures sombres des Evénements. L'annonce date du 9 décembre 2020. Mais il faut attendre mars 2021 pour qu'un accord politique siffle la fin du conflit. Et que le contrat de vente soit signé avec le nouveau consortium Prony Resources.
12 2 février 2021, la chute du 16e gouvernement
Alors que le conflit usine du Sud continue de diviser, les cinq membres indépendantistes du seizième gouvernement démissionnent et provoquent sa chute. C'est le début d’une crise institutionnelle. Certes, le dix-septième gouvernement est élu le 17 février, marquant l'arrivée d'une majorité indépendantiste aux commandes du pays. Mais les surprises du scrutin renvoient l’Uni et l’UC à égalité de sièges. Va suivre un long bras de fer qui a comme enjeu la présidence.
L'équipe sortante assure l'intermède mais elle est censée se limiter aux affaires courantes. Or, la pandémie de Covid se rappelle au souvenir de la Calédonie, qui vit un deuxième confinement entre le 8 mars et le 4 avril. Quant au budget 2022, il est établi par la Chambre territoriale des comptes et les services de l’Etat.
13 Fin mai-début juin 2021, la séquence parisienne
Or, voilà que le 8 avril, les groupes indépendantistes du Congrès demandent le déclenchement du troisième référendum. En parallèle, c'est par lettre que le Premier ministre Jean Castex invite à Paris les acteurs politiques et institutionnels. Une "session d'échanges et de travail" destinée à engager un dialogue "plus que jamais nécessaire". Cette séquence va être l'occasion de réunions bilatérales mais aussi de travailler sur un document très attendu : les implications, aux yeux de l'Etat, d'un Oui ou d'un Non à l'indépendance. Une partie seulement des indépendantistes font le déplacement.
14 15 juillet 2021, l'installation du 17e gouvernement
La crise institutionnelle aura duré. Il faut attendre juillet, cinq mois après la chute du seizième gouvernement, pour que l'Uni Louis Mapou soit désigné président du dix-septième. Grâce à cette cinquième tentative, il devient le premier président indépendantiste de l'exécutif calédonien depuis l'Accord de Nouméa. Le nouveau gouvernement peut entrer en fonction. Il compte cinq indépendantistes et un élu Eveil océanien, "contre" cinq loyalistes. Avec à la vice-présidence la seule femme de l'équipe, la non indépendantiste Isabelle Champmoreau. La traditionnelle déclaration de politique générale est prononcée le 25 novembre.
15 6 septembre 2021, la fin du Covid-free
Un gouvernement vite plongé dans une crise sans précédent. La crise sanitaire, qui rattrape violemment la Calédonie le 6 septembre. La circulation des premiers cas autochtones, dont le variant Delta, signifie la fin du précieux statut Covid-free. Le pays, sous cloche depuis mars 2020, apprend dans la douleur ce que vivre avec la pandémie signifie. A partir du 7 septembre, c’est parti pour six semaines de confinement strict. A ce jour, 314 décès et plus de 74 000 cas positifs ont été recensés. Cette période difficile se traduit aussi par de profondes divergences autour de l'obligation vaccinale, et sur la question du référendum. La date choisie pour la troisième consultation fait l’objet d’un virulent débat entre camp du Oui et partisans du Non.
16 12 décembre 2021, le troisième référendum
Pile un mois avant, l'Etat a confirmé le maintien du scrutin censé clôturer la séquence référendaire inscrite dans l'Accord de Nouméa. Les forces indépendantistes ont invoqué les conséquences de la crise Covid pour appeler à la non-participation. C’est donc dans une ambiance particulière que s'est déroulée la campagne. Le jour J, à la même question de l'indépendance et la pleine souveraineté, les votants répondent Non à une écrasante majorité : 96.5 %. Le Oui récolte 3.5 % de voix. Sachant que seulement 43.87 % des quelque 184 000 électeurs se sont déplacés. Un résultat applaudi par le camp loyaliste, validé par l'Etat et toujours contesté à ce jour par le camp indépendantiste.
17 10 et 24 avril 2022, la présidentielle
Statu quo et dialogue rompu durant des mois. Jusqu'à la présidentielle. Elle voit Emmanuel Macron l'emporter au second tour face à Marine Le Pen. Résultat à l'échelle nationale : 58.54 % de suffrages exprimés pour le président sortant contre 41.46 % pour la patronne du Rassemblement national. Résultat en Calédonie : 61.04 % pour Emmanuel Macron et 38.96 % pour Marine Le Pen. A Paris, Elisabeth Borne, nommé Première ministre, forme son gouvernement le 20 mai. Elle choisit pour le portefeuille des Outre-mer Yaël Braun-Pivet, connaisseuse du dossier calédonien - elle a entre autres été rapporteure d'une mission d'information sur le sujet.
18 12 et 19 juin 2022, les législatives
A peine la présidentielle finie, la bataille des législatives débute. Huit candidats sont engagés dans la première circonscription, pour succéder à Philippe Dunoyer, et neuf dans la seconde, pour succéder à Philippe Gomès. A l'issue du premier tour, place à deux duels indépendantiste / loyaliste. Philippe Dunoyer et Nicolas Metzdorf, sous étiquette Ensemble majorité présidentielle, font face à Wali Wahetra et Gérard Reignier, du FLNKS. Philippe Dunoyer conserve son fauteuil par 66.4 % des votants, contre 33.6 % à Wali Wahetra. Nicolas Metzdorf gagne par 54.23 % contre 45.77 % à Gérard Reignier. Il doit renoncer à sa mairie de La Foa.
Dans l'Hexagone, remaniement du gouvernement. Yaël Braun-Pivet quitte sa fonction et devient présidente de l'Assemblée nationale. Puis le 4 juillet, on apprend que
- Gérald Darmanin passe ministre de l'Intérieur et des Outre-mer ;
- Jean-François Carenco, qui fut par le passé en fonction en Calédonie, est ministre délégué aux Outre-mer ;
- mais aussi que Sonia Backès devient secrétaire d'Etat à la Citoyenneté. Elle choisit de conserver la présidence de la province Sud.
19 28 octobre 2022, la Convention des partenaires
Mi-septembre, Jean-François Carenco a effectué un séjour de quatre jours en Calédonie. Sa mission : "renouer les fils du dialogue", interrompu depuis le troisième référendum, entre les trois partenaires historiques. Sa méthode : l'"écoute", la "vision globale" et une trentaine de réunions. Avant de partir, il a annoncé un "Comité des partenaires" et l'accord des indépendantistes pour y participer. Ce nouveau format de discussion va devenir une "Convention des partenaires". Mais après moult débats au sein des partis concernés, il s'avère qu'il n'y aura pas de délégation indépendantiste. Au mieux des élus qui viennent en leur nom, comme l'UC Jacques Lalié présent comme président de la province Îles.
La première "Convention des partenaires" a en tout cas lieu, le 28 octobre à Paris, avec l'ambition de donner un cadre aux discussions sur l'avenir institutionnel. La société civile est représentée. La Première ministre ferme la séquence avec une feuille de route, à lire ici.
20 3 novembre 2022, le référendum de projet qui s'éloigne
Un dernier rebondissement politique, toujours à Paris. Entendus au Sénat par la commission des lois et deux rapporteurs de la mission sur l’avenir institutionnel, les ministres Darmanin et Carenco écartent l’idée d’un référendum de projet en 2023. C'est pourtant ce qu'annonçait Sébastien Lecornu, alors aux Outre-mer, après le troisième référendum en donnant comme horizon juin 2023. Un concept et une échéance qui continuaient à être évoqués alors même que le délai semblait de moins en moins réaliste.